Fiches individuelles


RESTIF de LA BRETONNE Nicolas Edme
Ecrivain

Baptême : 23 octobre 1734 à Sacy 89
Né le même jour dans une maison voisine de l'église, à la Porte Là-Bas, à l'extrémité ouest du village.
Témoin : RÉTIF Edme Nicolas ( 1715 - an VIII )
Décès : 16 pluviôse an XIV à Paris 75
Inhumé au cimetière Sainte-Catherine.

Père : RÉTIF Edme ( 1690 - 1763 )
Mère : FERLET Barbe ( 1703 - 1771 )

Union : LEBÈGUE Agnès ( 1738 - 1808 )
Mariage religieux : 22 avril 1760 à Auxerre 89 église Saint-Loup
Enfants : RÉTIF Agnès ( 1761 - 1812 )
RÉTIF Marie ( 1761 - 1763 )
RÉTIF Elisabeth ( 1763 - 1770 )
RÉTIF Jean Thomas Marie Anne ( 1764 - 1836 )
Note familiale : Ce couple eut 5 enfants.
Note individuelle : Auxerre :
A Auxerre, François Fournier achète une maison près de l'horloge et y installe son imprimerie, le 4 novembre 1743. La maison existe toujours. Devenu veuf et père de deux jumeaux, il épouse à l'âge de 36 ans, Marguerite Collet, âgée de 21 ans. Marguerite est la fille de François Collet, notaire à Vermenton. Elle est née le 11 avril 1724.
C'est un 14 juillet 1751 que Nicolas entre en apprentissage chez l'imprimeur François Fournier. Le brevet d'apprentissage est signé le 24 septembre pour une de quatre ans à partir du 1er août. En novembre Mme Fournier, absente jusqu'alors, revient de Paris. Elle est âgée de 26 ans et déjà mère de quatre enfants. Ce sera la Madame Parangon du Paysan perverti et de Monsieur Nicolas.
Ici commence la «Quatrième Époque» de Monsieur Nicolas, sous-titrée : «Mon apprentissage. Madame Parangon». «Mon cher lecteur !... Quelle époque de ma vie, que celle-ci ! Elle la coupe en deux parties, absolument différentes l'une de l'autre !...» (Monsieur Nicolas)
C'est en Mai 1752, selon les récits du Paysan et de Monsieur Nicolas, que Nicolas fait la connaissance du frère cordelier : Gaudet d'Arras. A Auxerre il rédige des poèmes dans ses cahiers intimes.
Trois mois avant le terme officiel du contrat, il est reçu compagnon imprimeur (9 mai 1755).
Après des vacances à Sacy (du 11 au 30 août) il part chercher une place à Paris. Il loge chez le mari d'une de ses demi-sœurs (Marie), Louis Beaucousin, pâtissier. Et le 22 septembre il est embauché à l'Imprimerie royale, installée dans les Galeries du Louvre, avec un salaire de 50 sous par jour.
Paris :
1756 Janvier : Rétif quitte l'Imprimerie royale pour travailler chez l'imprimeur Claude Hérissant, dans l'île de la Cité. 9 juin : il prend pension chez Bonne Sellier, femme d'un compagnon imprimeur, rue Galande, et hôtesse au grand cœur.
1757 Première maladie vénérienne. automne : Rétif quitte Claude Hérissant et entre chez Knapen, imprimeur de la Cour des Aides, spécialisé dans les placards, mémoires et libelles. Il loge rue Sainte-Anne-du-Palais. 28 décembre : décès de Mme Fournier (Mme Parangon), à l'âge de 36 ans.
1759 Fin avril ou début mai : Rétif revient à Sacy et y séjourne quelques semaines. 20 juin : départ pour Dijon, où il va s'employer chez l'imprimeur Causse. 7 août : il quitte Dijon pour regagner Paris, via Sacy et Auxerre. 16 septembre : il est de retour à Paris, mais il n'y trouve pas de travail, « l'ouvrage manquant alors dans les imprimeries de Paris ; les efforts de mes amis pour m'en procurer furent inutiles, depuis le 16 septembre, jour de mon arrivée, jusqu'au 3 novembre suivant ... » (Monsieur Nicolas, t. II, p. 63). 3 novembre : François Fournier lui propose une place de prote dans son imprimerie. 7 novembre : départ de Paris pour Auxerre. 27 novembre : Rétif fait la connaissance, chez sa logeuse, d'Agnès Lebègue.
1760 22 avril : mariage à Auxerre de Rétif et d'Agnès Lebègue. « Arrivés à l'église, le fatal serment du mariage fut prononcé |...] Je pensai tristement : " Infortuné ! te voilà donc lié !... " Je revins de l'église avec le sentiment pénible que j'étais perdu !...Et je l'étais... » (Monsieur Nicolas). Agnès Lebègue, fille de René Lebègue, apothicaire, et d'Agnès Couillard était née à auxerre le 13 juillet 1738.
1761 10 mars : naissance d'Agnès Rétif, premier enfant du couple. Juin : Rétif quitte l'imprimerie Fournier pour venir travailler à Paris ; il a trouvé une place chez Knapen. Le couple loge rue Saint-Jacques, « chez le marchand de vin vis-à-vis la fontaine Saint-Séverin ». juin-juillet : Rétif quitte Knapen au bout de peu de temps pour aller s'employer chez la veuve Quillau, où il ne reste que trois semaines ; il retrouve un emploi à l'Imprimerie royale. décembre : naissance à Paris de Marie Rétif, deuxième fille de l'écrivain ; elle est mise en nourrice à Sacy, chez ses grands-parents, où elle mourra le 28 septembre 1763, à l'âge de 22 mois.
1762 Selon Monsieur Nicolas, Rétif commence à écrire une histoire de sa vie ; mais il abandonne bientôt cette entreprise.
1763 Naissance, à une date indéterminée, d'Élisabeth (dite Élise ou Babiche), troisième fille de l'écrivain ; elle mourra infirme à l'âge de 7 ans. Rétif s'installe rue de la Harpe, « vis-à-vis celle Poupée, au quatrième ». 16 décembre : décès d'Edme Rétif, père de l'écrivain, âgé de 73 ans.
1764 7 mars-12avril : séjour de Rétif à Sacy. 2 juillet : il entre chez Quillau comme prote et loge rue Galande, « au coin de celle des Rats, au troisième ». « Quillau était un jeune homme encore mineur, peu avancé, dont la maison était à faire. Je réussis, à force de travail et d'exactitude. Je montai, en trois années d'administration, son imprimerie de quatre à douze presses. » ( Monsieur Nicolas). 5 novembre : naissance à Sacy de Marie-Anne Rétif (dite Marion), quatrième fille de l'écrivain.
1765 Rétif commence la rédaction de son premier roman, La Famille vertueuse, mais abandonne peu après ; cette ébauche sera recueillie dans La Femme infidèle, en 1786. janvier ou février : retour à Paris d'Agnès Lebègue, avec sa fille aînée ; elle a laissé Marion à Sacy. Le couple s'installe rue de la Harpe, « vis-à-vis le collège de Bayeux, à côté celui de Justice, au premier » (Monsieur Nicolas).
1766 Reprise de la rédaction de La Famille vertueuse ; elle est cette fois menée à bonne fin. Rétif entre en relation avec Nougaret.
1767 Mai : l'impression de La Famille vertueuse est achevée (« On imprima, sous ma double direction de prote et d'auteur, chez F.-A. Quillau, dans les six premiers mois de 1767 », Monsieur Nicolas). Rétif abandonne son métier d'ouvrier typographe pour se consacrer à la littérature (« Je quittai ma place de prote avant de savoir quel succès aurait mon ouvrage : je suis effrayé aujourd'hui de mon assurance ! », ibidem). Mais il continuera tout de même à fréquenter régulièrement les ateliers d'imprimerie pour participer à l'impression de ses ouvrages (et diminuer ainsi les frais), ou même parfois pour des travaux lui procurant une rémunération d'appoint. Agnès Lebègue vend des étoffes dans la région parisienne pour le compte d'un certain Moulins. début juillet-fin septembre : Rétif séjourne à Sacy ; il y travaille à divers ouvrages. fin septembre : de retour à Paris, il loge rue Traînée-Saint-Eustache. 15 octobre : il emménage avec sa femme rue Quincampoix. 11 novembre : mise en vente de La Famille vertueuse.
1768 avril : Rétif quitte la rue Quincampoix pour habiter la Cour d'Albret, en haut de la rue des Carmes. novembre : publication de Lucile et du Pied de Fanchette.
1769 Au début de l'année, Rétif s'installe au collège de Presle, au cinquième, dans un logement très modeste fourni par le libraire Edme Rapenot. janvier-février : publication de La Fille naturelle et des Lettres de lord Austin de N** à lord Humphrey de Dorset, roman que Rétif désigne plus souvent sous son faux-titre : La Confidence nécessaire. juillet : publication du Pornographe, ou la Prostitution réformée, premier volume de la série des « Idées singulières ». dernier trimestre : début de la rédaction du Paysan perverti.
1770 Printemps : Agnès Lebègue va chercher Marion, restée à Sacy chez ses grands parents depuis sa naissance ; elle a 5 ans et demi. avril : mise en vente de La Mimographe, ou le Théâtre réformé. - Rétif est atteint d'une maladie vénérienne.
1771 Publication du Marquis de T**, ou l'École de la jeunesse. 10 juin : Rétif part pour Sacy, où sa mère est mourante. 6 juillet : décès de sa mère, âgée de 68 ans ; il regagne immédiatement Paris.
1772 Installation de toute la famille Rétif rue du Fouarre. début mai : publication de Adèle de Comm**, ou Lettres d'une fille à son père. dernier trimestre : poursuite de la rédaction du Paysan perverti.
1773 Rétif continue à travailler sur Le Paysan perverti. Agnès Lebègue part en province pour s'occuper de l'éducation de deux enfants ; elle emmène avec elle Marion. Agnès, la fille aînée, est placée chez une marchande de modes du quai de Gesvres, voisine de sa tante Bizet. février : publication de La Femme dans les trois états de fille, d'épouse et de mère. avril ou mai : Rétif accomplit son dernier voyage à Sacy, pour vendre à son frère Pierre le reste de son patrimoine. juin : publication du Ménage parisien, ou Déliée et Sotentout.
1774 Rétif fait la connaissance du docteur Guilbert de Préval, spécialiste du traitement des maladies vénériennes ; l'écrivain lui rendra souvent hommage dans son oeuvre, et le défendra contre les attaques de la Faculté de médecine. mai : publication des Nouveaux Mémoires d'un homme de qualité. décembre : achèvement de la rédaction du Paysan perverti.
1775 Juin : publication du Fin matois, ou Histoire du Grand Tacagno (il s'agit de la traduction du célèbre ouvrage de Quevedo, L'Aventurier buscon, faite par d'Hermilly, à laquelle Rétif ajoute sept chapitres de son cru). 11 novembre : publication du Paysan perverti, dans une version adaptée aux exigences de la censure. Ce roman donne à Rétif une certaine notoriété.
1776 Janvier ou février : Agnès Lebègue revient à Paris, où elle restera cinq mois ; elle loue un logement rue de Bièvre, chez une dame Debée, mère de Sara (la future passion de « l'homme de quarante-cinq ans »). mai : mise en vente de L'École des pères, après bien des difficultés avec la censure ; aux yeux de Rétif, le livre est « mutilé ». juin : Agnès Lebègue quitte Paris pour Joigny ; sa fille aînée est placée chez une marchande de modes de la rue Saint-Denis. juin ou juillet : Rétif quitte son logement de la rue du Fouarre et s'installe rue de Bièvre, dans la maison de la dame Debée, après le départ de sa femme. juillet : nouvelle maladie vénérienne. automne : publication de la 3e édition du Pornographe, enrichie de la note Q sur quelques célèbres tenancières de maisons de prostitution. novembre : publication des Gynographes, ou la Femme réformée.
1777 Rédaction des premières nouvelles devant entrer dans le recueil des Contemporaines. avril : publication du Quadragénaire, ou l'Âge de renoncer aux passions.
1778 Agnès Rétif quitte sa marchande de modes et revient vivre auprès de son père. juin : publication du Nouvel Abeilard. 31 juillet : décès de Pierre Rétif, le frère cadet resté paysan à La Bretonne, et modèle du personnage de Pierrot dans Le Paysan perverti. septembre : Agnès Lebègue revient de Joigny avec Marion, qu'elle place chez des dévotes de la rue Mouffetard (Marion y restera jusqu'en 1783). 11 novembre : mise en vente de La Vie de mon père (sous le millésime de 1779).
1779 Agnès Lebègue loge dans l'île Saint-Louis, où elle enseigne des « travaux de femme » à quelques élèves ; jusqu'au 25 mars, Rétif prend ses repas chez elle, contre paiement d'une pension. février : première visite de Rétif à Beaumarchais ; l'année précédente, Beaumarchais aurait proposé à Rétif une place de prote dans son imprimerie de Kehl, où se préparait l'édition des oeuvres de Voltaire. 25 mars : Rétif est atteint d'une « maladie de déperdition » (spermatorrhée). avril : reprise de la rédaction de nouvelles pour Les Contemporaines. août : publication de La Malédiction paternelle (sous le millésime de 1780). 5 novembre : première inscription sur la pierre de l'île Saint-Louis. novembre : Rétif souffre d'un mal de poitrine.
1780 Printemps : poursuite de la rédaction de nouvelles pour Les Contemporaines. - Rétif souffre d'une rétention d'urine. août : Charles-Marie Augé demande la main d'Agnès Rétif. 30 septembre : Agnès Rétif quitte Paris pour aller recueillir la succession de sa mère ; elle restera absente jusqu'au 21 janvier 1781. automne : publication des huit premiers volumes des Contemporaines.
1781 Début de l'impression de la 2e édition des Contemporaines (elle ne sera achevée qu'en 1792). publication des volumes IX à XVI des Contemporaines en 1ère édition. publication de La Découverte australe. 1er mai : mariage d'Agnès Rétif avec Charles-Marie Augé, « employé au bureau des impositions ». 14 juillet : Rétif quitte son logement de la rue de Bièvre pour aller habiter au 10 de la rue des Bernardins. 21 octobre : publication dans le Journal de Neuchâtel d'un article très élogieux pour l'auteur du Paysan perverti ; Rétif attribue à tort cet article à Mercier. fin novembre : publication de L'Andrographe, ou l'Homme réformé (sous le millésime de 1782).
1782 Janvier : publication de la 3e édition du Paysan perverti ; elle est illustrée de 82 gravures et le texte originel, censuré en 1775, est rétabli dans son intégralité. février : suite de l'impression des Contemporaines. juillet : fin de la rédaction des dernières nouvelles des « Contemporaines du commun » ; de juillet à décembre, Rétif écrit les 40 premières nouvelles de la 3e série des Contemporaines, « Les Contemporaines par gradation ». septembre : Rétif fait la connaissance de Louis-Sébastien Mercier. 22 novembre : il rencontre pour la première fois Grimod de La Reynière. 10 décembre : « je vomis du sang la nuit » (Mes Inscripcions).
1783 27 janvier : mise en vente de La Dernière Aventure d'un homme de quarante-cinq ans, histoire de sa passion pour la jeune Sara, connue en 1780. mars : fin de l'impression des « Contemporaines du commun ». 31 mars : début de l'impression de l'édition globale Paysan-Paysanne pervertis, avant même que ne soit terminée celle de La Paysanne pervertie (en mai). 14 novembre : Rétif commence la rédaction de Monsieur Nicolas.
1784 « 1784 m'a vu tremblant » (Monsieur Nicolas, t. II, p. 362) : allusion aux vives inquiétudes que lui causent les menaces de la censure sur La Paysanne pervertie et sur Les Figures du Paysan perverti. publication des volumes XXXV à XXXVIII des Contemporaines. janvier (ou fin 1783) : première visite de Fontanes à Rétif. 15 mars : mise en vente de La Prévention nationale. 14 novembre : fin de la rédaction des Contemporaines.
1785 2 janvier : retour de Marion au domicile paternel. 31 janvier : Agnès Rétif fuit son mari et se réfugie chez un ami, Blérie de Sérivillé. 1er février : fin de l'impression du Paysan-Paysanne pervertis. Agnès est rendue à son mari par Rétif. février : nouvelle atteinte vénérienne (« j'ai manqué de mourir », Mes Inscripcions). 27 mars : deuxième fuite d'Agnès. mai : mise en vente des Veillées du Marais. 15 mai : achèvement de l'impression du XLIIe et dernier volume des Contemporaines. 21 juillet : Agnès quitte définitivement Augé ; elle est recueillie par le graveur Berthet, puis s'installe chez sa tante Bizet. 8 août : mise en vente de La Paysanne pervertie. 1er septembre : début de la transcription sur le papier des dates gravées dans la pierre des quais de l'île Saint-Louis ; ainsi naît le manuscrit de Mes Inscripcions. 4 novembre : fin de cette transcription ; Rétif décide de tenir un journal, « jusqu'à la fin de [sa] vie » (Mes Inscripcions). 26 novembre : Agnès Lebègue se sépare définitivement de son mari ; Agnès Rétif vient vivre auprès de son père « le lendemain du départ de [sa] mère » (Monsieur Nicolas).
1786 21 février : Augé fait arrêter Agnès Rétif par la Garde et suscite une confrontation devant le lieutenant-civil. 9 mars : Rétif assiste au second souper de Grimod de La Reynière. mai : mise en vente de La Femme infidèle, roman-pamphlet contre l'épouse honnie ; « le contenu de cet ouvrage est original : il est composé non seulement des lettres conservées, mais encore de celles que j'ai pu rétablir de mémoire » (Monsieur Nicolas). 25 mai : altercation entre Rétif et son gendre Augé au Jardin des Plantes. juin-octobre : Agnès Rétif séjourne à la campagne. 1er août : Rétif fait la connaissance de Sénac de Meilhan. novembre : mise en vente des Françaises. décembre : maladies (mal de poitrine, hernie).
directeur Carnot pour demander quelques secours. octobre : Rétif confie la vente des huit premiers volumes de Monsieur Nicolas à Bonneville. 14 octobre : il obtient cinq livres de pain par jour. octobre ou novembre : mise en vente de la Philosophie de Monsieur Nicolas, par Nicolas de Bonneville.
1797 «Aujourd'hui [date non précisée], je laisse paraître Le Drame de la vie, imprimé depuis quatre ans » (Monsieur Nicolas). 15 mars : début de la correspondance avec les époux Fontaine, de Grenoble. été : Marion Rétif, veuve avec ses trois filles, quitte la rue du Fouarre et s'installe chez son père, rue de la Bûcherie (la maison porte le numéro 27 depuis la nouvelle numérotation). Sans doute est-ce à ce moment-là que Rétif prend un second logement (une simple chambre ?) au n° 9 de la même rue. 21 septembre : fin de l'impression de Monsieur Nicolas. novembre (probablement) : mise en vente de Monsieur Nicolas.
1798 Février : Rétif postule pour un emploi de professeur d'Histoire à l'École centrale de Moulins ; sa candidature sera retenue le 3 mai, trop tard pour qu'il l'accepte (voir ci-dessous au 28 avril). printemps : rédaction de L'Anti-Justine. 28 avril : Rétif obtient un emploi au ministère de la Police, « bureau de direction », avec le grade de sous-chef ; il a un traitement de 333 francs. « Voilà un petit commencement de bonheur », écrit-il aux époux Fontaine. mai (ou mois suivants) : rédaction des Revies (qui seront revues en 1802). fin août : il est transféré au Bureau des lettres interceptées, chargé de surveiller la correspondance des émigrés et des étrangers. 10 novembre : mariage d'Agnès Rétif et de Louis Vignon ; ils régularisent ainsi une liaison remontant à février 1793.
1800 Nouvelle édition, augmentée, du Pied de Fanchette (la quatrième faite par l'auteur). début de la rédaction de nouvelles, « Les Converseuses ». 14 octobre : lettre à un correspondant anonyme, sollicitant une aide pour l'impression de L'Enclos et les oiseaux.
1801 Fin de l'impression des Posthumes.
1802 Rédaction de Paris dévoilé, recueil de nouvelles où devaient prendre place « les Converseuses », rédaction poursuivie en 1803. Manuscrit resté inédit. premier semestre : publication des Nouvelles Contemporaines. 13 juin : un arrêté de Fouché réorganise le ministère de la Police ; le poste de Rétif est supprimé. Payé jusqu'à la fin de messidor, soit jusqu'au 19 juillet, Rétif n'a plus ensuite d'autre ressources que la dotation en pain et viande de 1796 ; peut-être percevra-t--il du ministère une pension de 180 livres (ce que suggère une lettre de fin 1804 ou début 1805 : voir ci-dessous à 1804). 2 juillet : saisie au domicile de Rétif des Posthumes et de quelques feuilles imprimées de L'Enclos et les oiseaux. L'entremise de Mme de Beauharnais permet cependant la publication, quelques temps plus tard, des quatre volumes des Posthumes (« imprimés à la maison »), mais L'Enclos restera inédit. 25 décembre : Rétif écrit une lettre de remerciement, sans précision du motif,, au « Président de la Société des secours que l'Abondance accorde aux gens de lettres ».
1803 Année de misère physique et matérielle (« le lit que je garde faute de bois aggrave mes infirmités »). Rétif ne publie plus rien, mais continue à entasser les manuscrits. 8 mars : lettre à Chaptal, ministre de l'Intérieur, pour demander une pension littéraire. 21 mai : lettre d'Agnès à Mme de Beauharnais, qui donne de son père une image pathétique d'homme profondément malheureux.
1804 Février : Rétif obtient un secours de 50 francs. fin de l'année : lettre au Prince Louis, pour lui demander son intercession auprès de l'Empereur, afin qu'il « recouvre sa pension de retraite qui le faisait subsister ».
1805 Rétif semble n'avoir eu d'autres secours que ceux que lui fournit Mme de Beauharnais (« Il n'aurait pu échapper à la misère sans un ange descendu du ciel pour soulager ce qu'il y a de plus respectable sur la terre : le génie dans l'infortune ; et cet ange était Fanny de Beauharnais... Rétif de la Bretonne est mort presque de faim dans sa patrie, et c'est la bonne, la sensible Fanny de Beauharnais qui a payé... », écrit Cubières-Palmézeaux dans sa « Notice sur la vie de Rétif » précédant l'Histoire des compagnes de Maria.
1806 3 février : décès de Rétif, âgé de 72 ans, au terme d'une maladie qui, selon Cubières-Palmézeaux, ne lui permettait plus ni de marcher ni de tenir une plume. 5 février : inhumation dans le cimetière Sainte-Catherine (qui sera désaffecté en 1824 ; son emplacement correspond aux n° 58 à 66 du Bd Saint-Marcel).
1808 29 août : décès d'Agnès Lebègue, ex-épouse de l'écrivain, chez sa fille aînée, au 39 rue Saint-Germain-l'Auxerrois.
1811 Cubières-Palmézeaux publie, en puisant dans les manuscrits laissés par Rétif à sa mort, l'Histoire des compagnes de Maria, recueil de nouvelles.
1812 21 juin : décès d'Agnès Rétif, âgée de 51 ans, à l'hôpital Saint-Louis ; elle laisse deux fils : l'un, Jean-Nicolas Augé, est imprimeur ; l'autre, Frédéric-Victor Vignon, écrivain.
1836 décès de Marion, la fille cadette de l'écrivain, âgée de 72 ans
Sa vie :
A la Toussaint 1775, les trois mille exemplaires du premier tirage du Paysan perverti sortent de la presse de l'imprimeur-libraire QUILLAU, où l'auteur les a composés et titrés lui-même. Il vont être mis en vente chez dix libraires de Paris. Titre complet : le payson perverti, ou les Dangers de la ville, histoire récente mise au jour d'après les véritables lettres de personnages, par N.E. RéTIF de LA BRETONE (sic), huit parties en quatre volumes in-12. Mille soixante pages au total. Il seront enlevés par le public en un mois, au prix de six ou sept francs l'exemplaire (environ 35 francs 1970. RESTIF ne touchera pratiquement qu'un ou deux francs d'alors par exemplaire, selon les libraires. Parfois moins encore)...
Edme Nicolas RESTIF de LA BRETONNE (il a lui-même orthographié son nom de travers sur le frontispice du Paysan, et s'en est accusé plus tard : "Notre nom s'écrit indifféremment RESTIF, RECTIF ou RéTIF. Cependant je préfère le premier, eu égard à l'étymologie". Voir RESTIF de LA BRETONNE : La Vie de mon père, note de la page 3 de la sixième édition, celle de 1788... Ce qui n'empêche pas l'autur d'orthographier constamment le nom de son père Edme RéTIF!).
RESTIF avait déjà publié quatorze livres, presque tous anonymes, il est vrai, dont le Pied de Franchette et le Pornographe, mais sans obtenir d'autres échos que quelques commentaires méprisants des critiques. Un ouvrier, un ancien paysan qui se mêle d'écrire, et même de philosopher ! On ne s'étonnait guère de son absence de goût, de ses divagations à tort et à travers. Il ne se vendait pas.
Et voilà soudain que le roman de l'autobiographie à demi-rêvée, à demi vécue, d'un ouvrier devient le fait du jour. La Correspondance littéraire lui donne le relief extraordinaire qu'à la grande course des Sablons, un mois plus tôt : "Pour juger de l'espèce de sensation que le Paysan perverti, il suffira de dire que plusieurs personnes l'ont attribué à M. DIDEROT, et le plus grand nombre à M. de BEAUMARCHAIS... Il faut convenir que, même après avoir entendu dire qu'il est du prote d'un imprimeur très connu, de ce M. de LA BRETONNE qui a fait le Pornographe, le Mimographe etc... il est impossible de ne pas soupçonner presque à chaque page M. de BEAUMARCHAIS d'avoir prêté au dit prote sa plume et son génie (supposition non fondée. BEAUMARCHAIS, qui ne connaîtra, plus tard, RESTIF qu'à peine, n'a nullement aidé à la rédaction du Paysan)... C'est un vouvrage infiniment original. Plein d'invraisemblances, ... souvent du plus mauvais ton, ce livre promène l'esprit sur les scènes de la vie les plus viles, les plus dégoûtantes" --tiens donc! RESTIF montre des paysans qui font l'amour au temps des foins sous le ciel de Bourgogne, a-t-on idée! -- "... et cependant il attache, il entraîne... On s'y intéresse. On a beau reprendre quelquefois de l'humeur, il n'ya plus moyen de s'en dépêtrer, il faut le finir".
Les RESTIF étaient venus de Nitry à Sacy, ou Edme Nicolas est né, puis avait labouré et fait paître aux bêtes un sol ingrat, autour de la ferme de La Bretonne. Ce mauvais air-là rendaient les gens de Sacy (à 28 kilomètre d'Auxerre, 12 de Tonnerre et 16 de Vézelay) grossiers et méchants et les filles tellement plus pimbêches qu'à Nitry.
RESTIF de LA BRETONNE, c'est le peuple-auteur (d'après Charles MONSELET, en 1854(source : collection les Hommes de la Liberté, par Claude MANCERON, tome I, les Vingt Ans du Roi, page, Rétif de le Bretonne, sa vie et ses amours, cité par Rives CHILDS. Et MONSELET ajoutait : " La Paysan perverti est un roman sans précédent en littérature, une oeuvre vigoureuse qui a ses racines au coeur de l'humanité, une oeuvre cynique dont on n'a jamais pu faire un mauvais livre, écrit par un paysan engagé au milieu d'une société de marquis et de duchesses, qui portaient tous alors au cou un imperceptible cordon rouge...".
Il niche dans une carcasse rablée, mais mal foutue, "à la poitrine velue comme celle d'un ours", provisoirement perchée au cinquième étage de l'ancien collège de Presles, en ruine, où le libraire RAPENOT, un des "concessionnaires" qui le soutiennent comme la corde soutient le pendu, loge RESTIF dans un galetas meublé d'un châlit et de trois chaises bancales, sous la toiture, "le plus près des anges qui lui fût possible". C'est le quartier des imprimeurs et des libraires, sur la rive gauche. il n'a que quelques pas à faire pour aller travailler. Mais la pauvre carcasse est parfois terriblement secouée. RESTIF de LA BRETONNE a quarante ans, mais en paraît cinquante. La misère et les maux l'on ravagé, à proportion même de sa robustesse. Estomac ulcéré par l'angoisse, une légère tendance à l'épilepsie, ou du moins à des attaques de nerfs, et aussi une lente pourriture du sang par la vérole et la chaude-pisse, dix fois attrapées chez les filles à deux sous la passe. Par dessus tout, la désespérance quotidienne de l'homme mal marié, attaché comme un galérien à son boulet conjugal, Agnès LEBèGUE. Il commence à préparer son évasion en se débarrassant pendant des mois de cette femme encore jeune, si propre, si nette et un peu précieuse, qui lui fait perpétuellement honte de son débraillé avec ses bas bien tirés, sa coiffe stricte, ses mains blanches et l'aigreur à jet continu de sa petite bouche serrée. Ele n'y perd rien : soit qu'elle aille se réfugier à La Bretonne pour se plaindre de lui à ses frères et à ses soeurs, soit qu'elle planifie ses concubinages de commerçante avisée avec des marchands, des hommes de lettres ou des gentillâtres. Une femme de tête, Agnès. Elle revient toujours à point rafler les quelques francs de droits d'auteur qui rentrent par miracle. Elle sait pousser leurs deux fille devant elle pour amadouer son mari, Agnès, un bijou de onze ans dont il était déjà très amoureux, et la petite Marion de sept ans, dont Nicolas sait bien qu'elle n'est pas de lui. Il les fourre toutes trois dans une chambre au second étage, pour garder au moins la paix dans son galetas. Et sa femme lui rend quand même service en le soignant peandant ses grandes maladies, comme il y atrois ans, la gangrène, l'érésipèle, toutes les démangeaisons de la mort compliquée "d'horribles coliques glaireuses" dont Agnès l'a guéri en le houspillant si fort "que la colère lui a coupé sa colique". C'est alors que l'idée d'écrire le Paysan perverti lui était venue, pendant ces trois semaines de lit où il avait dévoré les romans anglais aui envahissaient les boudoirs : Clarisse, Pamela. Il avait découvert à leur lumière le roman de sa propre vie et juré de l'écrire s'il survivait. Il a tenu sa promesse, nan sans en vivre entre-temps un des épisodes les plus piquants : cette liaison fugitive avec Louise et Thérèse, les deux jolies lesbiennes de la rue Bourbon-des-Petits-Carreaux.
Il avait bien essayé de retourner quelque temps lui aussi à La Bretonne, où le partage des biens laissés par ses parnets lui laissait la jouissance d'un colombier dans le vieux bâtiment presque monacal, entre les gros murs apaisants...Mais il devenait stérile dans c cadre champêtre, qu'il s'empressait de quitter pour pouvoir y rêver. Son vllon chéri du Bout-parc, les tuiles "teintées aux couleurs d'un vin de Beaune", la silhouette blanche, éternellement fugace, de la bienaimée entre toutes, Jeannette ROUSSEAU, aperçue seulement à la messe à Courgis, où il se contentait de la dévorer des yeux...
Lébullition redouble sous le crâne chauve de ce petit bonhomme (cinq pieds un pouce) "dont le maintien est si qauche et si concentré qu'il en paraît presque bossu, gros et maigre (sic), marchant mal, ayant l'oiel vif, avec des sourcils épais qui lui donnent l'air très rébarbatif, le visage long, le nez un peu crochu, une barbe fournie et déjà grise, en un mot un homme qui n'a d'agréable, dans toute sa personne, que deux lèvres vermeilles (d'après la description de son ami CIBIèRES)", ces lèvres dont il est si fier depuis qu'une vachère de ses parents lui en avait enseigné l'usage, avant qu'il ait douze ans.
Le monde ne lui plaît pas comme il est. Il lui a fait trop de mal. Il faut le changer. Il suffirait pour cela qu'on l'écoute, lui, Edme Nicolas RESTIF, qui va leur dire à tous ce qu'il faut faire sur tout. Le Pornographe proposait un stautut de la prostitution, le Mimographe, une réforme du Théâtre national. En avant pour l'Ecole des pères ou le Nouvel Emile, l'Educographe, les Gynographes, le glossographe, l'Andrographe, le Thesmographe ( les Gynographes : "ou idées de deux honnêtes femmes sur un projet de règlement proposé à toute l'Europe pour mettre les Femmes à leur place et opérer le bonheur des deux sexes" -- Le Glossographe : un projet de réforme de l'orthographe par l'euphonie -- L'Andrographe : "ou idées d'un honnête homme sur un projet de règlement proposé à toutes les Nations de l'Europe pour opérer une réforme générale des moeurs, et, par elle, le bonheur du genre humain" -- Le Thesmographe ne sera publié qu'en 1789, et proposera aux Etats Généraux "une réforme générale des lois").
(source : collection les Hommes de la Liberté, par Claude MANCERON, tome I, les Vingt Ans du Roi, pages 274 à 279, et 636).
Son oeuvre :
1767 La Famille vertueuse.
1768 Lucile; Le Pied de Fanchette.
1769 La Fille naturelle ; Lettres de lord Austin de N** à lord Humphrey de Dorset; Le Pornographe, ou la Prostitution réformée
1770 La Mimographe, ou le Théâtre réformé.
1771 Marquis de T**, ou l'École de la jeunesse.
1772 Adèle de Comm**, ou Lettres d'une fille à son père. dernier trimestre
1773 La Femme dans les trois états de fille, d'épouse et de mère ; Ménage parisien, ou Déliée et Sotentout.
1774 Nouveaux Mémoires d'un homme de qualité. décembre
1775 Fin matois, ou Histoire du Grand Tacagno ; Le Paysan perverti ou Ies Dangers de la ville (1775), son chef-d'œuvre. Le Paysan perverti n'est que l'histoire, corsée et poussée à l'exagération, de sa propre vie tumultueuse. Issu de cette famille vertueuse de paysans de Sacy et perverti par la ville, il sombre dans les aventures les plus crapuleuses.
1776 L'École des pères, publication de la 3e édition du Pornographe, enrichie de la note Q sur quelques célèbres tenancières de maisons de prostitution, Gynographes, ou la Femme réformée.
1777 Quadragénaire, ou l'Âge de renoncer aux passions. (Sara)
1778 Nouvel Abeilard ; La Vie de mon père.
1779 La Malédiction paternelle
1780 Les Contemporaines ou Aventures des plus jolies Femmes de l'Age présent. Suite de nouvelles en 42 volumes.
1781 La Découverte australe. L'Andrographe, ou l'Homme réformé.
1782 3e édition du Paysan perverti ; elle est illustrée de 82 gravures et le texte originel, censuré en 1775, est rétabli dans son intégralité. Suite de l'impression des Contemporaines. j
1783 La Dernière Aventure d'un homme de quarante-cinq ans
1784 La Prévention nationale.
1785 Veillées du Marais. La Paysanne pervertie.
1786 La Femme infidèle, Les Françaises.
1787 2e édition des Contemporaines. Paysan-Paysanne pervertis. Les Parisiennes.
1788 l'Ingénue Saxancour, ou la Femme séparée, Les Nuits de Paris (Les nuits révolutionnaires).
1789 Le Plus fort des pamphlets. Nuits de Paris (suite).
1790 Le Thesmographe, ou les Lois réformées.
1791 l'lnstituteur du prince-royal.
1792 Théâtre. Le Drame de la vie
1793 Publication du Théâtre en cinq volumes. Nuits de Paris (suite).
1794 Monsieur Nicolas ou le Cœur humain dévoilé (1794-1797), sorte d'impudente autobiographie (en 14 volumes, près de 5 000 pages) où il se montre à nu, s'analyse, se raconte avec complaisance depuis son enfance, ne nous faisant grâce d'aucun détail. Oeuvre des plus intéressantes du point de vue psychologique et pathologique. C'est aussi une peinture exacte et riche de la vie rustique, artisanale et bourgeoise, une étude de mœurs accompli, par un homme qui a connu intimement toutes les conditions du petit peuple en cette fin du XVIIIe siècle. Nicolas s'y attribue maintes prouesses avec une générosité et un cynisme qui nous déconcertent. Mais que de jolies pages, écrites avec une verve qui rend l'œuvre attachante. Que de fleurs et de suave poésie au long de cette narration alerte et truculente d'une vie déjà longue et remplie de péripéties.
1795 L'Année des dames nationales (ou Les Provinciales).
1796 La Philosophie de Monsieur Nicolas
1798 L'Anti-Justine. Revies
1800 Nouvelle édition, augmentée, du Pied de Fanchette (la quatrième faite par l'auteur). .
1802 Nouvelles Contemporaines. Les Posthumes
1805 L'Histoire des compagnes de Maria.
1811 Cubières-Palmézeaux publie, en puisant dans les manuscrits laissés par Rétif à sa mort, l'Histoire des compagnes de Maria, recueil de nouvelles.
Inédits : L'Enclos et les oiseaux Paris dévoilé, recueil de nouvelles où devaient prendre place « les Converseuses ».
Romancier ou historien? :
Rétif de la Bretonne a voulu, en contant sa vie dans Monsieur Nicolas, faire profession d'historien et il est de fait que la description du quartier de l'Horloge à Auxerre au milieu du XVIIIe siècle semble rigoureusement exacte le passage public du couvent, dont le frère portier verrouillait les grilles le soir venu; les vieux ormes qui l'ombrageaient; le jardin clos de murs qu'on découvrait du grenier de l'imprimerie; la maison même de l'imprimeur François Fournier; la boutique du libraire; la tourelle de l'ancien rempart... On constate également par les Archives départementales que les gens du quartier, les Baron, les Prudot, les Lamblin... habitaient bien les maisons indiquées par Rétif..
Si dans l'immense et captivante production de cet auteur, il reste que la «Vie de mon Père» est son chef d'œuvre, il faudrait se garder de croire tout ce qu'il y est écrit.
« La Vie de mon Père » est sans doute la vie de son père ; mais c'est une vie romancée.
L'un des passages le plus curieux, et d'ailleurs le plus dramatique, de la «Vie de mon Père», est bien celui qui concerne le mariage d'Edme Restif concomitant avec les funérailles de Pierre le père d'Edme et grand-père de Nicolas - En quelques mots voici ce qu'il en dit : Rappelé à Paris, Edme est cueilli à son arrivée par son père qui l'emmène, tambour battant, non à Nitry, mais à Sacy où le père lui fait connaître celle qui sera sa femme, Marie Dondaine. A peine chez lui, Pierre meurt, quasi subitement, et Edme, qui pourrait refuser pareille promise, consent à l'épouser au cours même de la cérémonie funèbre de son père.
Avouons que c'est bien trouvé pour corser un récit dont la trame infiniment plus simple n'eût sans doute sorti que bien peu des habitudes de nuptialité du siècle.
Or, sans chercher aucunement à les solliciter, les textes sont là. Lesquels ? Non pas celui de la curieuse célébration liturgique, parfaitement exclue des funérailles combinées avec les noces, mais, dans les archives de Nitry, au registre paroissial de 1713, l'acte d'inhumation du père.
L'âge de Pierre est manifestement gratté. On ne sait par qui ni pourquoi ? Mais l'on sait que Pierre s'est marié le 21 janvier 1687 et la naissance de son fils Edme date de 1690. Autre remarque que l'on ne trouve pas le registre paroissial de 1690.
Il est donc vraisemblable que Pierre Rétif est né entre 1660 et 1667. En 1713, à sa mort, il ne pouvait avoir moins de 46 ans (non 42 ans comme il est dit dans la «Vie» ; sans doute 48 ans.
Autre texte parfaitement précis, lui aussi, le mariage d'Edme Rétif avec Marie Dondaine. Celui-ci dans les registres paroissiaux de Sacy, année 1713. Ce n'est donc plus la même paroisse, la même église, dans l'unique et impossible cérémonie.
Plusieurs remarques relatives à ce texte : la bénédiction nuptiale est donnée deux jours après les funérailles, non à Nitry mais à Sacy, comme c'est l'usage. Elle est donnée après les bans des trois dimanches consécutifs, sans aucun empêchement ni opposition. Le fait qui semble bien exclure le retour précipité de Paris, comme il semble bien comporter l'agrément au mariage du fiancé qui a dû être préalablement informé, sous peine de nullité.
La fiancée - «la plus âgée des rebutantes créatures» à ce qu'en dit Rétif - était en fait, non la plus âgée mais la seconde des filles de Thomas Dondaine ; elle semble avoir eu deux ans de plus qu'Edme Rétif, son futur mari.
Enfin, la bénédiction est donnée par Broard, curé de Nitry, en présence de Pinard, curé de Sacy. (Observons que dans la «Vie» les noms des curés sont Pinard, curé de Nitry, et Pandevant, curé de Sacy). On ne chicanera pas l'auteur sur ces détails ; là au moins, on reconnaît facilement que Restif qui écrivait plus de soixante ans après, ait pu confondre les noms des prêtres.
Aura-t-il pu se tromper aussi involontairement sur la durée du premier mariage de son père, sur le temps et les circonstances de son veuvage, sur la bigamie du premier mari de sa propre mère, sur l'âge de celle-ci quand elle se remarie ? Il faut bien répondre que c'est impossible. Beaucoup d'autres faits pourraient être relevés qui prouveraient «l'immense faculté d'oubli» de Restif, s'ils ne tendaient davantage à laisser croire que sa fantaisie imposait à ses assertions une distorsion qui les pimentait.
A l'en croire, Marie Dondaine aurait donné sept enfants à son mari, en sept années de mariage. Après sa mort, le père aurait été veuf après sept années et à quarante-deux ans, aurait épousé une jeune veuve qui n'aurait guère eu que vingt ans.
Tout cela est volontairement erroné. On en cherche vainement les raisons.
Les archives de Sacy possèdent l'acte de décès, très bref, de Marie Dondaine
En 17 années - et non pas sept, comme le dit Nicolas Rétif elle a eu 9 enfants dont sept ont vécu : Anne (1714), Nicolas-Edme (1715), Marie (1716), Marie-Anne (1718), Thomas (1720), Marie-Madeleine (1723) et Marguerite-Anne (1727).
On aura reconnu en Nicolas-Edme, le frère aîné, par la suite curé de Courgis, et Thomas, minoré, qui vécut avec son ainé.
L'âge de Marie Dondaine paraît exact, à deux ans près, sans doute. Il faut noter qu'on précise l'inhumation «dans l'église», pratique encore courante à cette époque : les Dondaine, ses parents, notabilités de Sacy, y étaient sans doute antérieurement inhumés.
Par contre, Restif déclarant, selon Vallery-Radot, qu'il désirait être enterré «vers la porte des épousailles» (en partie murée à cette époque) dans la tombe de ses parents, il semble que ce serait à l'extérieur, dans le cimetière qui entourait l'église jusqu'à une date assez récente où ce cimetière a été désaffecté.
Les mêmes archives de Sacy contiennent aussi l'acte du second mariage. Son texte est fort intéressant.
Edme Rétif avait été veuf trois ans et demi - non point sept ans - avant d'épouser Barbe Ferlet, dite «de Bertro», par son fils.
Edme Rétif avait alors 44 ans et Barbe, 30 ans, non point environ 20 ans comme le laisse entendre son fils. Le précédent mari de cette dernière, Messire Boujat, était mort deux mois auparavant. Il paraît qu'il ne fut pas bigame, mais que le fils qu'il avait eu de Barbe, cet Albert Boujat, demi-frère de Nicolas, était né en 1730, avant le mariage.
Vraisemblablement, le mariage, sans être bâclé, a dû être fait avec une certaine hâte. Ceci ressort de la «Vie» où l'intervention influente du jeune curé Foudriat est bien notée.
Il faut s'arrêter sur l'intervention de Mre Mignot, Grand Vicaire de I'Evêque. Ce personnage est vraisemblablement celui qui, avec M. Potel, a continué l'histoire des évêques d'Auxerre entreprise par l'abbé Jean Lebeuf. Il sort de cette intervention la notoriété de «l'Honnête Homme» Edme Rétif, lieutenant pour l'Evêque de la seigneurie de Sacy, comme pour le Chapitre d'Auxerre et pour La Commanderie du Temple.
Restif parle toujours avec le plus grand respect et la plus grande considération de Mgr de Caylus, évêque d'Auxerre pendant cinquante et un ans et l'une des têtes du Jansénisme.
Observons qu'après son mariage, Edme Rétif est allé habiter, avec sa famille dans la maison de Mre Boujat, en face de l'église. C'est là qu'est né N. Restif. Il n'a habité La Bretonne qu'en 1742 ; Restif avait alors huit ans. Le premier domicile de son père fut celui même du beau-père Thomas Dondaine.
Du second mariage d'Edme Rétif, sont nés au moins huit enfants dont sept ont vécu
Nicolas-Edme, notre héros, né le 23 octobre 1734, puis les jumelles Marie-Geneviève et Catherine (1735), Charles (1740), Jean-Baptiste (1742), Marie­-Anne (1743) et Pierre (1744). Ce dernier sera l'héritier du domaine agricole de son père. Restif, généreusement, lui accordera la deuxième pseudo-histoire de bigamie de son livre.
Il entra le 14 juillet 1751 en qualité d'apprenti à l'imprimerie Fournier et la quitta devenu compagnon pour prendre le coche de Paris, le 1er septembre 1755.
En novembre 1751, Rétif voit pour la première fois la femme de son patron et en tombe aussitôt amoureux : elle sera Mme Parangon pour Monsieur Nicolas. Elle est belle, douce, aimable et n'a, dans l'œuvre, qu'à peine vingt-deux ans. L'imprimeur, toujours dans l'œuvre, gros homme bourru déjà vieillissant, délaisse sa femme pour courtiser les gotons du quartier, et les époux gardent "une conduite abstème l'un avec l'autre". Il est évident que la belle imprimeuse ne restera pas indifférente à la flamme du jeune apprenti de dix-sept ans.
En fait, François Fournier, marié en premières noces le 23 avril 1743, demeuré veuf avec deux jumeaux l'année suivante, avait convolé, le 10 mai 1746, à Vermenton, avec Marguerite Collet, de quinze ans plus jeune que lui. En 1751, la «divine Colette» a vingt-six ans, donc presque dix ans de plus que l'apprenti. De plus, elle a déjà donné à son mari quatre enfants. Si les deux jumeaux du premier lit sont élevés à la maison, cela fait donc six enfants (dont les aînés ont sept ans) vivant autour de la jolie dame.
Si en mars 1753 Nicolas constate avec peine que Mme Parangon l'abandonne trop à lui-même, il néglige de mentionner que le 27 elle met au monde une fille; et s'il avertit son lecteur que le 26 mars de l'année suivante il a fait violence à la belle Colette, sans d'ailleurs que celle-ci lui en garde rancune, son imagination seule lui permet de croire que l'imprimeuse a pris le coche pour Paris au mois d'août suivant pour accoucher en secret du fruit de leur aventure : le 27 juillet 1754, à Auxerre, quatre mois après l'attentat, Mme Parangon donne à son mari un sixième enfant.
L'histoire de Fanchette n'est pas moins amusante. En décembre 1751, Mme Parangon aurait offert à l'apprenti la main de sa sœur cadette Fanchette, âgée de treize ans; elle aurait souhaité la faire venir à Auxerre, mais jugeait malséant d'arracher à un père veuf la seule fille qui lui restait... Heureusement pour le notaire François Collet, malheureusement pour la véracité de Rétif, Fanchette ne perdra sa mère que le 29 mai 1760. Après "l'attentat", Mme Parangon se trouve plus que jamais décidée «par vertu» à donner sa sœur à Nicolas; elle met son père au courant de son aventure et ce dernier approuve sa fille aînée : si Nicolas épouse Fanchette, Colette pourra l'aimer comme un frère. Fanchette se rend à Paris, comme l'imprimeuse, en juillet 1754 et y reste six mois, selon Nicolas..., mais selon les textes officiels, elle est marraine à Vermenton le 20 octobre 1754. Les deux sœurs sont de retour à Auxerre en janvier 1755, et le 21 Nicolas est invité à dîner avec les Fournier et les Collet chez le chirurgien Bourgoin, oncle de l'imprimeur. Le repas est délicieux, on chante des ariettes, "Fanchette y brille dans son adorable mignardise ...", il est seulement fâcheux de rencontrer sur les registres de Saint-Regnobert, à la date du 8 décembre 1754, mention de la mort de "Jean-Baptiste Bourgoin, Me chirurgien, lieutenant de Monsieur le premier chirurgien du roi".
Rétif, toujours persuadé qu'aucune femme "sérieusement attaquée par lui ne peut lui résister", conte encore les malheurs de Marianne Turgis, la jolie bouchère d'Auxerre qui meurt dans une "frénésie furieuse" en 1758 lorsqu'elle apprend le mariage de Nicolas..., et dont la mort ne se trouve mentionnée que le 8 janvier 1790 sur les registres de Saint-Pierre-en-Château.
Marianne Turgis avait tout de même trouvé la force, après le départ de Nicolas, de se marier en 1757 et de donner neuf enfants à son époux.
Il y a d'autres épisodes auxerrois, non moins imaginaires, du prétendu récit autobiographique de Monsieur Nicolas. Incapable de savoir où commence le réel et où s'arrêtent les fantaisies de son imagination, le vaniteux et rancunier Rétif de la Bretonne n'en a pas moins laissé d'inoubliables tableaux de la vie auxerroise au milieu du XVIIIe siècle.
(Source : http://auxerre.historique.free.fr).
Nicolas Restif de la Bretonne le premier tagueur de l'Histoire, 11 Place des Vosges, Paris 4ème, Métro Saint Paul.
Une signature gravée dans la pierre évoque un grand écrivain parisien qui a sévi au XVIIIe siècle : Nicolas Edme Restif de la Bretonne.
L'auteur des Nuits de Paris est un promeneur infatigable, qui arpentait les rues de la capitale dès que le soir tombait, pour observer ce qui s'y passait.
Il avait pour habitude de laisser derrière lui les traces de sa vie. A l'aide d'une clé ou d'un bâton ferré (son "pinceau !"), Nicolas Restif de la Bretonne, surnommé le "griffon", grava de multiples empreintes sur des pierres de la ville : son prénom, des dates anniversaires, les noms des femmes aimées et plus généralement tout évènement survenu dans son existence.
Les parapets de l'Ile Saint Louis furent son "théâtre" de prédilection, il y laissa plusieurs centaines d'inscriptions...
Quelques exemples : l'abandon de sa femme, en septembre 1780 se traduit par un Abiit hodie monstrum, le monstre est parti aujourd'hui; le refus de son manuscrit "paysan perverti" en mai 1782 se traduit par "rusticana recusata", le paysan a été refusé; ses amours avec une jeune fille dénommée Sara, en 1781, vaudront aux ponts de l'Ile saint Louis de nouvelles écorchures : "Sara filia", Sara ma fille; "Data tota, félix", donnée complètement, heureux; ou encore "ruptura", rupture... Malheureusement il ne reste plus de traces de ces témoignages, les caprices du temps, la modernisation de la capitale ont fait disparaître à jamais ces instantanés de vie, sauf une... Place des
Vosges.
Il subsiste une inscription en bon état :
1764
NICO
LAS
Unique et émouvant clin d'œil du "griffon"!
Nicolas Restif de la Bretonne a retranscrit dans un livre, "Mes inscriptions", tous ses graffitis. Dès la troisième page il informe le lecteur : "Ce fut en 1779, le 5 novembre, à l'époque de mon premier mal de poitrine, que je commençais d'écrire sur la pierre, à l'Ile Saint Louis... Je le fis dans cette idée : reverrai-je cette marque l'année prochaine?"
Un peu plus loin il précise :
"Il faut pourtant dire que j'avais fait une inscription en 1776, la nuit du 24 au 25 auguste, mais cette date est isolée, elle n'eut pas de suite, au lieu de celle du 5 novembre 1779 qui est le commencement d'un livre que je vais réaliser ici...Je ne fis plus d'inscriptions depuis la première jusqu'au 1er janvier 1780, ce jour là je me promenais autour de l'Ile, souffrant, une idée me frappa : combien d'êtres commencent cette année et ne la finiront pas? Serai-je au nombre de ces infortunés? Plein de ces réflexions, je prends ma clef et j'écris sur la pierre : 1°anni 1780".
Restif tint sur les parapets de l'Ile Saint Louis un véritable journal de 1779 à 1785. A cette date il s'aperçoit que certains de ses écrits ont été effacés. Il soupçonne son gendre haï, Augé, d'en être directement responsable ou d'avoir soudoyé des gamins pour le faire. C'est à ce moment là qu'il décide de consigner par écrit ceux qui restent. Ils sont écrits en latin, et accompagnés de dates.
Nicolas indiquant dans son livre qu'il a commencé ses écrits en 1776, le graffiti de la place des Vosges est-il de lui? L'idée est séduisante. Il est possible que Nicolas Restif de la Bretonne ait commencé à écrire sur les murs de Paris avant cette date, et ailleurs que sur l'Ile Saint Louis.
"Selon certaines sources, ce serait précisément dans le Marais, rue de Saintonge, le 8 septembre 1768, qu'il aurait laissé sa première inscription en souvenir d'une certaine Victoire. C'est également dans le Maris qu'habitait, rue Payenne, sa protectrice, la marquise de Montalembert".
En 1764 Restif a trente ans, Paris lui appartient. En 1767, il publie son premier livre, "la Famille vertueuse", et décide de se consacrer entièrement à la littérature.
Il est tout à fait plausible d'imaginer que dans l'enthousiasme de sa jeunesse et des succès à venir, il ait gravé son prénom dans la pierre de la place aristocratique des Vosges, où il prit ses habitudes.
Sources : M. Krief et Paris graffitis, éditions Parigramme.
(Source : http://www.visites-guidees.net/categorie-12514255.html).
GERARD DE NERVAL, DANS LES ILLUMINÉS, RÉSUME LA JEUNESSE DE RÉTIF A SACY ET A COURGIS
L'enfance à Sacy - Le village de Saci, situé en Champagne, sur les confins de la Bourgogne, à cinquante lieues de Paris et trois d'Auxerre, est traversé dans toute sa longueur d'une seule rue composée de chaque côté d'une centaine de maisons. A l'une des extrémités appelée la Porte là-haut, en traversant un ruisseau nommé la Farge, on trouve l'enclos de Labretone, dont les murs blancs se dessinent sur un horizon de bois et de collines vertes. C'est là qu'était né Nicolas Restif, dont le grand-père, homme instruit et allié à la magistrature, se croyait descendant de l'empereur Pertinax. Il est permis de croire que la généalogie qu'il avait dressée à cet effet n'était qu'un jeu d'esprit destiné à ridiculiser les prétentions de quelques gentilshommes ses voisins, qu'il recevait à sa table. Quoi qu'il en soit, la famille des Restif était considérée dans le pays autant par son aisance que par ses relations : plusieurs de ses membres appartenaient à l'église; on songea d'abord à lancer le jeune Nicolas dans cette carrière, mais son naturel indépendant et même un peu sauvage contraria longtemps cette idée. Il ne se plaisait qu'au milieu des bergers, dans les bois de Saci et de Nitri, partageant leur vie errante et leurs fatigues.
Le vallon de Boutparc - Derrière le bois de Boutparc, vis-à-vis les vignes de Montgré, on rencontrait un vallon sombre bordé de grands arbres. En y réfléchissant, Nicolas se dit : Ce vallon n'est à personne… Je le prends, je m'en empare; c'est mon petit royaume! Il faut que j'y élève un monument. Pendant plusieurs jours, il travailla à dresser une pyramide. Quand elle fut terminée, il lui vint à l'esprit d'y faire un sacrifice dans les règles. Il se mit en quête d'une victime, et parvint à atteindre avec sa fronde un oiseau de proie de l'espèce qu'on nomme bondrée. Nicolas appela par ses cris les bergers qui passaient au loin. Dès lors commença la cérémonie : on alluma du bois sec où l'on jeta les entrailles de l'oiseau, selon le rite patriarcal; puis Nicolas posa le corps sur un petit bûcher et improvisa une prière qui fut accompagnée de quelques versets des psaumes. Le secret fut dévoilé, le sacrifice fut traité d'abominable profanation des choses saintes et l'abbé Thomas, frère du premier lit de Nicolas, qui demeurait à quelques lieues de Saci, se rendit exprès à La Bretone pour donner le fouet au jeune hérétique.
Nicolas à Bicêtre - Nicolas avait deux frères du premier lit qu'on voyait peu dans la famille; l'aîné était curé de Courgis; le dernier, l'abbé Thomas, était précepteur chez les jansénistes de Bicêtre, et venait voir sa famille pendant les vacances. Lorsqu'il repartit cette année-là, on lui confia son jeune frère, auquel il convenait d'inspirer enfin des idées sérieuses. Tous deux s'embarquèrent à Auxerre par le coche d'eau. L'abbé Thomas était un grand garçon maigre, ayant le visage allongé, le teint bilieux, la peau luisante tachée de rousseurs, le nez aquilin, les sourcils noirs et fournis comme tous les Restif. Il était concentré et très vigoureux sans le paraître, d'un tempérament emporté et plein de passion, qu'il était parvenu à mater par une volonté de fer et une lutte obstinée. A peine eut-il placé Nicolas parmi les autres enfants de Bicêtre qu'il ne s'occupa plus de lui que comme d'un étranger. Quand ce dernier se vit seul au milieu de tous ces petits curés, comme il le disait, perdu dans les longs corridors voûtés de cette prison monastique, il fut pris du mal du pays. La monotonie des exercices religieux n'était pas de nature à le distraire, et les livres de la bibliothèque ne lui plaisaient pas autrement. Cependant un changement se préparait dans la situation des jansénistes de Bicêtre. L'archevêque Gigot de Bellefond, qui les protégeait, étant venu à mourir, fut remplacé par Christophe de Beaumont. Celui-ci nomma un nouveau recteur qui, dès le jour de son installation, regarda de travers le maître des enfants de chœur et les gouverneurs jansénistes. L'abbé Thomas sentit qu'il fallait quitter la place. En effet, quelques jours plus tard, il fut averti que l'ordre d'expulsion des jansénistes allait être expédié. Il était prudent de le prévenir. Les élèves furent renvoyés à leurs parents, puis le maître se mit en route avec son sous-maître et Nicolas pour retourner à Saci.
Nicolas à Courgis rencontre Jeannette- L'abbé Thomas ne se plaisait pas dans la maison paternelle. Dès le lendemain, il emmena Nicolas chez son frère aîné, curé à Courgis, pour lui enseigner le latin. Les dimanches et les fêtes, l'église se remplissait d'une foule de jeunes filles sur lesquelles il levait les yeux à la dérobée. Ce fut le jour de Pâques que son sort se décida. La grand'messe était célébrée avec son diacre et sous-diacre; les sons de l'orgue, l'odeur de l'encens, la pompe de la cérémonie exaltaient à la fois son âme; il se sentait dans une sorte d'ivresse. A l'offerte, on vit défiler les communiantes dans leurs plus beaux atours, puis leurs mères et leurs sœurs. Une jeune fille venait la dernière, grande, belle et modeste, le teint peu coloré comme pour donner plus d'éclat au rouge de la pudeur; elle était mise avec plus de goût que ses compagnes, son maintien, sa parure, sa beauté, son teint virginal, tout réalisait la figure idéale que toute âme jeune a rêvée. La messe finie, l'écolier sortit derrière elle. Depuis ce moment, Nicolas ne fut plus occupé que de Jeannette. Il la chercha des yeux tout le reste de la journée, et ne la revit qu'à l'encensement du Magnificat, quand tous ceux qui sont dans le chœur se tournent vers la nef. Le lendemain, l'impression était plus forte encore; il se promit de se rendre digne d'elle par son application à l'étude. Nicolas avait fait une prière qu'il répétait sans cesse pour concilier sa religion et son amour : Unam petii a Domino, disait-il tout bas, et hanc requiram omnibus diebus vitae meae. Il entrait de bonne heure dans l'église et, s'y trouvant seul, il courait à la place habituelle de Jeannette, s'y agenouillait, puis s'appuyait aux mêmes endroits qu'elle, baisait la pierre qu'avaient touchée les pieds de la jeune fille et récitait sa prière favorite.
Nicolas est amoureux de Marguerite Pâris- Marguerite Pâris, la gouvernante du curé de Courgis, touchait à la quarantaine; mais elle était fraîche comme une dévote et comme une femme qui avait toujours vécu au-dessus du besoin. Elle se coiffait avec goût et de la même manière que Jeannette Rousseau. Elle eut affaire à la ville voisine, c'est-à-dire à Auxerre. L'âne de la cure était un roussin fort têtu, et qui, plusieurs fois déjà, avait compromis la sûreté de sa maîtresse. Nicolas, plus fort que les enfants de chœur qui le guidaient ordinairement, fut choisi pour cet office. A la descente de la vallée de Montaleri, qui était difficile, Nicolas la prit dans ses bras pour lui faire mettre pied à terre et la soutint jusqu'au fond de la vallée, où elle marcha quelque temps sur le gazon. Il fallut ensuite la faire remonter sur l'âne. Nicolas arrangeait de temps en temps les jupes de Marguerite sur ses jambes, affermissait ses pieds dans le panier; quand l'âne faisait un faux pas, Nicolas soutenait la sœur par la taille, et cela le faisait rougir comme une rose. Il était près de neuf heures quand la gouvernante et Nicolas rentrèrent à la cure. On se coucha à dix. A moitié éveillé, moitié soumis à une hallucination fiévreuse, Nicolas se glisse hors de son lit, puis parvient à gagner le jardin par la porte de la cuisine. Le voilà devant la fenêtre de Marguerite, qui l'avait laissée ouverte à cause de la chaleur. Elle dormait, ses longs cheveux dénoués sur ses épaules; la lune jetait un reflet où se découpait sa figure régulière, belle et jeune dans ce favorable demi-jour. Mais l'abbé Thomas avait suivi Nicolas dans son escapade; d'un pied brutal, il l'enleva en un instant à toute la poésie de la situation. Prenant Nicolas par une oreille, il le ramena dans sa chambre, le fit habiller aussitôt, et, sans attendre le jour, se mit en route avec lui pour la maison paternelle. Le scandale fut tel qu'il se tint le lendemain un conseil de famille dans lequel on décida que Nicolas serait mis en apprentissage chez M. Parangon, imprimeur à Auxerre. Marguerite fut elle-même soupçonnée d'avoir, par son indulgence et sa coquetterie, donné lieu à la scène qui s'était passée, et on la remplaça au presbytère par une dévote à la taille robuste qui s'appelait sœur Pilon.
VIE ET OEUVRE DE RETIF DE LA BRETONNE
1734 - Naissance à Sacy de Nicolas-Edme Rétif, dans une maison voisine de l'église, à la Porte Là-Bas.
1742 - La famille Rétif s'installe à la ferme de La Bretonne à l'extrémité est de Sacy, à la Porte Là-Haut.
1745 - Nicolas est mis en pension à Vermenton chez sa demi-sœur Anne, puis à l'école de Joux-la-Ville.
1746 - Nicolas part pour Bicêtre, à "l'école des enfants de chœur de l'hôpital", sous l'autorité de son demi-frère, l'abbé Thomas. 1747 - Victime de la politique anti-janséniste, la communauté de Bicêtre se disperse; Nicolas, passant par Auxerre, revient à Courgis. 1748 - Nicolas est chez son demi-frère et son parrain Nicolas-Edme, curé de Courgis. Le jour de Pâques, il voit pour la première fois la fille du notaire, âgée de 17 ans, Jeannette Rousseau; elle sera son premier amour, secret et silencieux.
1750 - Nicolas est renvoyé de Courgis pour avoir été trop sensible au charme des jeunes filles; il revient à Sacy où, pendant 18 mois, il s'adonne aux travaux des champs.
1751 - Le 14 juillet, il part pour Auxerre; il va y apprendre le métier de typographe chez François Fournier. Marguerite, l'épouse de François Fournier, entre dans la vie de Nicolas; elle a 26 ans et déjà 4 enfants (elle en aura ensuite 3 autres) : ce sera "Madame Parangon".
1755 - Nicolas devient compagnon imprimeur. Après un court séjour à Sacy, en août, il part à Paris travailler à l'imprimerie royale du Louvre.
1756 - En janvier, il va travailler chez Claude Hérissant, dans l'île de la Cité.
1757 - Il va travailler chez Knapen, imprimeur de la Cour des aides; il loge dans une mansarde rue Sainte-Anne-du-Palais.
1759 - Cherchant du travail, il va à Sacy, Dijon, Sacy, Auxerre, Paris; puis il revient à Auxerre chez son ancien patron (dont la femme est morte).
1760 - Nicolas épouse Agnès Lebègue (22 ans) à Auxerre.
1761 - Naissance de sa fille Agnès. Nicolas retourne avec sa femme travailler à Paris; ils logent chez un marchand de vin.
1764 - Naissance à Sacy de sa fille Marie-Anne, dite Marion.
1767 - Nicolas abandonne son métier de typographe pour se consacrer à la littérature.
Rétif eut plusieurs raisons d'en vouloir à son épouse, "la laide Agnès" : alors qu'il comptait sur une dot confortable, son beau-père fut ruiné par un procès; de plus elle n'accepta pas "d'employer les ressources de l'amour pour soutenir sa maison", obligeant ainsi son mari à rançonner ses propres maîtresses.
Rétif ne revint à Sacy que pour régler la succession de ses parents (en 1764, 1771 et 1773), cédant sa part à son frère Pierre, le "paysan". Il ne devait plus revenir dans ce pays qui fut pour lui "le paradis".
Dès lors, Nicolas ne cessa d'écrire et de publier. En 1790, il installera même une petite presse dans son logement rue de la Bûcherie, ce qui lui permettra d'imprimer ses œuvres "à la maison".
Ses multiples fréquentations féminines nourrirent une grande partie de son œuvre ("l'amour est une maladie chez moi", disait-il), ainsi que ses errances dans le Paris nocturne (il se compare à un hibou).
Son égoïsme l'empêcha de mener une vie familiale normale. Il se sépara de sa femme en 1785 et eut des relations incestueuses avec au moins une de ses deux filles, Agnès (dans le registre qu'il tient de ses relations sexuelles, il la désigne sous l'anagramme transparent de "Senga").
Incapable de conclure un contrat raisonnable avec ses éditeurs, ruiné par la banqueroute des assignats, il connut le dénuement. La Convention lui accorda un secours de 2000 francs; on lui fit avoir un petit emploi au ministère de la Police. Mais il mourut dans la misère, en 1806.
Son œuvre, surabondante et ambitieuse, voulait être "un utile complément" à l'Histoire Naturelle de Buffon. Citons :
- La Famille vertueuse (1767)
- Le Pied de Fonchette ou le Soulier couleur de rose (1769)
- Le Paysan perverti ou les dangers de la ville (1776)
- La Vie de mon Père (1779)
- Les Contemporaines ou aventures des plus jolies femmes de l'âge présent (42 vol., 1780-1788)
- La Paysanne pervertie (1784)
- Ingénue Saxancourt ou la femme séparée (1789)
- Les Idées singulières : Le Pornographe, Le Mimographe, Le Glossographe, Les Gynographes, L'Andrographe, Les Thesmographes (de 1769 à 1798)
- Les Filles du Palais-Royal (1790)
- Les Nuits de Paris ou le spectateur nocturne (1788-1793)
- Monsieur Nicolas ou le coeur humain dévoilé (1794-1797).
(Source : http://www.bude-orleans.org).
Apprenti typographe à Auxerre, ouvrier-imprimeur à Paris, littérateur de talent prolifique, ruiné en 1798 il entre dans la police, puis meurt dans la misère.
(statue de lui, très kitch..)
Auteur de près de 300 volumes dont le chef-d'œuvre est le Paysan perverti. Il eut une influence considérable, souvent non avouée, sur ses successeurs à commencer par Balzac. Son œuvre souvent à prendre avec des pincettes est d'un très grand intérêt du point de vue historique et sociologique. (Promethée).
Et Monsieur Nicolas, ou le Cœur dévoilé. Il avait des frères et sœurs. (Apollon).
(Source : voir fichier Geneanet de Guillaume de Tournemire).

RESTIF de LA BRETONNE Nicolas Edme
RÉTIF Edme
RÉTIF Pierre
SIMON Anne Marguerite
FERLET Barbe
 
 




RESTIF de LA BRETONNE Pierre Edmé Etienne dit Edmé Etienne
Laboureur à la ferme de La Bretonne

Naissance : 21 août 1744 à Sacy 89
(Source : http://auxerre.historique.free.fr).
Décès : 31 juillet 1778 à Sacy 89
(Source : http://auxerre.historique.free.fr). Ou 5 août, Ou 1776 selon les sources.

Père : RÉTIF Edme ( 1690 - 1763 )
Mère : FERLET Barbe ( 1703 - 1771 )

Union : PIOCHOT Françoise ( 1736 - 1811 )
Mariage religieux : vers 1764 à Sacy 89
(Source : http://auxerre.historique.free.fr).
Enfants : RÉTIF Pierre ( 1768 - ? )
RÉTIF Edme Etienne ( 1769 - an III )
Note individuelle : Le dernier de ses frères, et des enfants du second lit, Pierre, mérite qu'on s'arrête à son cas. Né en 1745, il était le filleul de Nicolas et de l'une de ses sœurs du premier lit. Notre Restif a dû fort peu le connaître à la Bretonne puisqu'il en partait à ce moment. Il n'est pas exclu qu'il l'ait vu davantage à Paris puisque ce Pierre, à l'âge de 19 ans et déjà marié, devait être le héros peu recommandable d'une histoire de lettres anonymes et d'une offre de mariage à une jeune fille de famille respectable. Ainsi allait-il, tout comme le premier mari de sa mère, être bigame.
Heureusement, les choses n'allèrent pas plus loin. Mais faut-il voir là cette raison qui le fit revenir dans sa famille où le vieux père, Edme, achevait sa vie (1764) ? Il est curieux que ce soit le seul garçon qui ait été appelé à succéder à son père dans le domaine de la Bretonne. Il mourut en 1776, laissant sept enfants.
Il existe actuellement des descendants qui portent le nom de Restif de la Bretonne. Pierre étant le seul descendant a avoir une descendance masculine, serait donc le seul dont ils pourraient tenir leur nom et participer à la notoriété du vieil oncle Nicolas.
(Source : http://auxerre.historique.free.fr).
Nicolas lui vendra le reste de son patrimoine (Source : http://www.bude-orleans.org).
Né et décédé à la Bretonne, et sieur de la Bretonne selon Guillaume de Tournemire.

RESTIF de LA BRETONNE Pierre Edmé Etienne
RÉTIF Edme
RÉTIF Pierre
SIMON Anne Marguerite
FERLET Barbe
 
 




RÉTIF ?
Mort-né : 25 avril 1730

Père : RÉTIF Edme ( 1690 - 1763 )
Mère : DONDAINE Marie ( 1688 - 1730 )

RÉTIF ?
RÉTIF Edme
RÉTIF Pierre
SIMON Anne Marguerite
DONDAINE Marie
 
 




RÉTIF ?
Mort-né : 20 juillet 1737

Père : RÉTIF Edme ( 1690 - 1763 )
Mère : FERLET Barbe ( 1703 - 1771 )

RÉTIF ?
RÉTIF Edme
RÉTIF Pierre
SIMON Anne Marguerite
FERLET Barbe
 
 




RÉTIF Abraham Gabriel
Ecuyer, conseiller du roi, receveur des tailles de Grenoble

Naissance : 23 juillet 1733 à Noyers 89
Décès : 2 juin 1821 à Paris 75

Père : RÉTIF Pierre Nicolas ( ~ 1706 - 1761 )
Mère : GAUDIN Elisabeth Marie ( ~ 1722 - 1792 )

Union : MARGAT de CRÉCY Jeanne Marie Françoise ( ~ 1744 - ? )
Mariage religieux : 23 avril 1765 à Pigny 18 en la chapelle de Boisbrioux
Enfants : RÉTIF Paul Gabriel ( 1766 - < 1780 )
RÉTIF Jean-Baptiste ( 1772 - < 1780 )
Note individuelle : Fut aussi receveur ancien et alternatif des tailles de l'élection de Grenoble.
Amateur de musique, il fut directeur -trésorier et administrateur de la Société des concerts de Grenoble. Il fut aussi un des fondateurs de le Bibliothèque Municipale de Grenoble.
Il possédait à Seyssins, près de Grenoble, une jolie maison avec des jardins en terrasse, ornés de fontaines et de bassins. Dans la maison, il y avait un magnifique poêle en faïence, de beaux meubles, beaucoup d'argenterie et une belle bibliothèque, où son ex-libris portait ses armes. (cf Généalogie et Histoire n° 52, page 4).
Il entretint une correspondance avec RéTIF de LA BRETONNE (source : Les Jocteur Monrozier en Dauphiné, par Yves JOCTEUR MONROZIER, page 138).

RÉTIF Abraham Gabriel
RÉTIF Pierre Nicolas
RÉTIF Jean
GAUTHIER Anne
GAUDIN Elisabeth Marie
 
 


                     


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