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Note individuelle
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Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine est né à Mâcon le 21 octobre 1790. Il était le fils de Pierre de Lamartine et d'Alix de Roys et avait six sœurs. Il mourut le 28 février 1869 à Paris. Ses parents étaient des aristocrates croyants. Son grand père avait exercé, autrefois une charge dans la Maison d'Orléans. Sa famille se constitua par des alliances et des acquisitions, un très important patrimoine immobilier dans le Maçonnais et le Dijonnais, ainsi qu'en Franche Conté. Mais ce patrimoine sera largement épuré par la mauvaise gestion du grand père d'Alphonse et par les conséquences de la Révolution.
En 1797, la famille de Lamartine ira s'installée dans leur maison entourée de vignes à Milly près de Mâcon. Alphonse grandit parmi les paysans employés au vignoble. Il reçut une éducation et une foi catholique stricte. En 1801, il fut envoyé à la pension Puppin, à Lyon, où il fit une fugue. Les gendarmes l'y ramenèrent et il dut finir son année scolaire. Puis sa mère le mit en pension au collège des Jésuites de Belley, où il suivra les classes de troisième, seconde en rhétorique et philosophie. Brillant élève, il commença à s'enthousiasmer pour l'étude littéraire : Virgile, Horace et Chateaubriand. De cette période naîtra sa vocation poétique. Il nouât des amitiés qui seront pour lui de solides soutiens, surtout celle d'Aymon de Virieu, avec qui il échangea une correspondance ininterrompue jusqu'à la mort de celui-ci en 1841. En 1811, la famille d'Alphonse rassemblera des fonds pour permettre à leur fils de se faire remplacer dans l'armée de l'Empire. Il n'était pas question, dans le milieu familial de servir sous les ordres de "l'usurpateur Napoléon". Alphonse ira à Florence, Rome puis Naples chez un cousin maternel, de décembre 1811 à avril 1812, dans une manufacture de tabacs. Il y vécut une grande histoire d'amour avec Antoniella Jacomino qui deviendra la "Graziella" dans ses œuvres futures. A son retour à Milly, courant 1813, il devient maire, grâce à l'aide de son père. Il fera ainsi involontairement ses débuts dans la carrière politique. Il écrivit cette même année Médée, une tragédie. A la chute de Napoléon, les Bourbons revinrent au pouvoir. Cette nouvelle fut accueillie avec enthousiasme chez la famille de Lamartine. Alphonse alors âgé de 24 ans obtint, grâce à son père, une place dans les gardes du corps de Louis XVIII, en garnison à Beauvais. Le retour de Napoléon en juin 1815, lui fit abandonner son poste, afin d'échapper à une conscription impériale pendant les cents jours. Sa famille le fit passer en Suisse, puis sur la rive savoyarde du lac Léman. Puis ensuite il revint à Milly. Il fit souvent des séjours à Paris où il s'adonna au jeu et contracta de lourdes dettes.
Seul garçon de la famille il reçut en héritage les domaines de ses parents. Sans y être obligé il voulut dédommager ses sœurs par des rentes. Après le second retour des Bourbons au pouvoir, il gagna Chambéry invité par Louis de Vignet, neveu des frères de Maistre. Mais au sein de la famille règne alors un certain malaise. Son oncle aîné, régnait sur la famille et était un proche de l'Empire. Alphonse s'éloigna alors et s'exila au bord du lac du Bourget dans la ville d'Aix-les-Bains. En 1816, il sauva une jeune femme créole, Julie Charles, d'un naufrage sur le lac du Bourget. Elle était mariée et malade de la tuberculose. Un amour spirituel naîtra entre eux, fait de rencontres furtives et de longues et fébriles attentes. Il fréquenta le salon de Julie à Paris de janvier à mai 1817. Au court de l'été de cette même année, il se rendit à Aix-les-Bains où il l'attendra en vain. Lamartine revient seul revoir les lieux qu'il avait visités autrefois avec elle. Surpris de trouver la nature toujours semblable à elle-même et indifférente, il souhaita qu'elle garde au moins le souvenir de leur bonheur passé et écrivit alors le poème "le Lac", évoquant l'angoisse d'un amour en danger et la tristesse occasionnée par la fuite du temps. L'état de santé de Julie se détériora et elle mourut le 18 décembre 1817 de phtisie. Alphonse l'apprit à Milly le jour de Noël. Il fut marqué par cette perte et elle sera la source de l'inspiration des "Méditation poétiques". En 1818 sa tragédie "Saûl" fut refusée par Talma, de la Comédie Française. Ceci le fit renoncer à écrire des tragédies et il retrouva son inspiration pour les poèmes.
En 1819, il fut présenté à Miss Marianne Elisa Birch, une jeune anglaise protestante, rencontrée lors du mariage de sa sœur Césarine. Juste après il eut une liaison de cinq mois avec la Princesse Léna de Larch. Au cours du mois d'août 1819, il demanda Miss Birch en mariage lors d'une retrouvaille à Aix-les-Bains. Le château de Caramagne fut loué en 1820 à la Marquise de La Pierre, par Madame Birch, dont la fille allait devenir la femme du poète Alphonse de Lamartine. Leur contrat de mariage fut signé dans le grand salon du château le 25 mai 1820 et la cérémonie religieuse se déroula à la Sainte-Chapelle du château ducal de Chambéry. En mars 1820 la parution des "Méditations poétiques" connaîtra un grand succès. Trois mois plus tard il se maria avec Miss Brish à Chambéry et il devient attaché d'ambassade à Naples. En 1821, le couple quitta Naples pour Rome où en février naîtra leur premier fils, Alphonse. Ils viendront ensuite s'installer au château de St Point, dans le Maçonnais où naîtra en juin de l'année suivante leur fille Julia. En novembre survint le décès de leur fils Alphonse. En 1823, il publia "La mort de Socrate" et les "Nouvelles méditations poétiques". Il vit sa demande d'admission à l'Académie Française rejetée en 1824 et cette même année il enterra ses sœurs Césarine et Suzanne. En 1825, la mort de Lord Byron, lui inspira les 2000 vers, repartis en 49 sections "Le chant du pèlerinage d'Harold". Charles X, Roi de France, lui confiera ainsi qu'à Victor Hugo, la croix de la Légion d'Honneur et sera nommé secrétaire d'ambassade à Florence puis chargé d'affaires de France en Toscane. Son retour en France en 1828, le plongea dans une grande tristesse, il écrivit "Novissima Verba" poème de désespoir, sous le tire "Mon âme est triste jusqu'à la mort".
A Paris, en 1829, il rencontra Chateaubriand, Hugo et Sainte Beuve. En novembre grâce à l'appui de Chateaubriand il fut reçu à l'Académie Française, mais son bonheur sera de courte durée car survint la mort de sa mère. En 1830, il publia les "Harmonies poétiques et religieuses". Il abandonna aussi sa carrière diplomatique et présenta sa démission au Roi Louis-Philippe et se lança dans la politique. Il connaîtra trois échecs comme candidat député. Alphonse publia cette même année les odes "Contre la peine de mort" puis l'année suivante "les Révolutions et Némésis". Après ses échecs politiques il réalisa un vieux rêve. En 1832 il embarqua sa famille et quelques amis pour un long voyage en Orient. Il visita le tombeau du Christ en terre Sainte. Malheureusement sa fille Julia mourut à Beyrouth le 6 septembre 1832. Quinze ans après la mort de Julia Charles, dix ans après celle de son fils Alphonse et trois ans après celle de sa mère, Lamartine fut de nouveau frappé par le deuil. Sa foi religieuse vacilla. Il hurla son chagrin, son désespoir et sa révolte contre Dieu dans "Gethsémani ou La mort de Julia". Ces poèmes seront publiés en 1835 dans "Voyage en Orient". En janvier 1833, Alphonse sera élu député de Bergues dans le Nord. Il apprit cette élection en avril alors qu'il était encore en Orient. Il ne prit ses fonctions de député qu'en décembre. Il publia en 1834 "Les Destinées de la poésie" dans la revue des Deux Mondes. L'approfondissement de sa propre philosophie chrétienne le lança dans la création d'une œuvre vouée à décrire "l'histoire de l'âme humaine". Il publia "Jocelyn" inspiré par la vie de l'Abbé Dumont curé de Milly. En 1838, il devint député de Mâcon et se déplaça lentement au fil du temps vers la gauche politique, allant jusqu'à devenir la tête de file des révolutionnaires en 1848. Son père mourut en 1840. Huit ans plus tard lors de la chute de Louis-Philippe et de la proclamation de la Seconde République, Lamartine fit partie de la Commission du gouvernement provisoire. Il fut Ministre des Affaires Etrangères de février à mai 1848. Il mena une politique modérée. Il signa le décret d'abolition de l'esclavage du 27 Avril 1848. En décembre de la même année, Lamartine obtint à l'élection présidentielle, 0.28% des voies ce qui porta au pouvoir Louis Napoléon Bonaparte.
La fin de sa vie fut marquée par des problèmes d'argent, dus à sa générosité. Il revint un temps à ses souvenirs de jeunesse pour écrire des poèmes, mais il dut très vite revenir à du concret. La qualité de ses œuvres s'en ressentit. A la fin des années 1860, il fut quasiment ruiné et dut vendre sa propriété à Milly et accepter l'aide d'un régime qu'il réprouva. En 1867 il fut frappé d'Apoplexie et perdit la raison et l'usage de la parole. Il mourut deux ans plus tard suite à une seconde apoplexie le 28 février 1869.
(Source : http://www.123savoie.com/article-85477-1-alphonse-de-lamartine.html).
Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine dit Alphonse de Lamartine, né à Mâcon le 21 octobre 1790 et mort à Paris le 28 février 1869, est un poète, romancier, dramaturge et prosateur en même temps qu'un homme politique français, l'orateur d'exception qui fut l'un des participants de la révolution de février 1848 et qui proclama la Deuxième République (Voir le récit que Lamartine fait lui-même des événements dans son Histoire de la Révolution de 1848 ou dans Trois Mois au pouvoir, notamment l'épisode fameux du drapeau rouge. Dans ses Mémoires inédits, il écrit : «La révolution, à laquelle je restai entièrement étranger, s'accomplit. Je n'y parus qu'aux dernières heures, quand le roi était en fuite ; j'y parus comme le destin, pour la prononcer et la contenir. On a dit, on a écrit que c'était telle ou telle faction ou société secrète qui l'avait faite. Ce n'est pas vrai. J'en appelle à cent mille témoins oculaires. Non, je ne m'en défends pas ; c'est moi seul qui ai improvisé la république […].» Mémoires inédits, p. 7 de l'édition Hachette de 1909.) []. Il est l'une des plus grandes figures du romantisme en France.
Alphonse de Lamartine naît à Mâcon dans une famille de petite noblesse attachée au Roi et à la religion catholique ; il passe son enfance en Bourgogne du sud, en particulier à Milly dont les paysages resteront ancrés en lui et marqueront fortement certains poèmes des Méditations poétiques. Un temps en collège à Lyon, il poursuit son éducation à Belley, où il rencontre son grand ami et confident Aymond de Virieu. Après son retour à Mâcon, une aventure sentimentale avec une adolescente incite ses parents à le divertir de cette liaison précoce. «Une diversion naturelle [lui] était nécessaire» (Lamartine, Mémoires inédits, Livre Troisième, chapitre XII, p. 126 de l'édition Hachette de 1909)[] : un voyage dans le sud de l'Italie, effectué en compagnie de Virieu et évoqué plus tard dans le roman Graziella et certains poèmes des Méditations poétiques comme «Le lis du golfe de Santa Restituta» ou «Le Golfe de Baya». Après son voyage en Italie et une éphémère fonction militaire auprès de Louis XVIII, il revient en Bourgogne où il mène une vie de jeune homme oisif et séducteur.
Mais sa rencontre avec une jeune femme mariée alors comme lui en cure à Aix-les-Bains, Julie Charles, au mois d'octobre 1816, marque un tournant décisif dans la vie du poète. En effet, leur histoire d'amour passionnée vire à la tragédie lorsque Julie, restée à Paris, meurt en décembre 1817 tandis que Lamartine attend de la retrouver au bord du lac du Bourget où ils se sont promis d'être à nouveau réunis. Il écrit alors les poèmes des Méditations dont le recueil est publié en 1820 et obtient un succès fulgurant, venant couronner le mouvement Romantique de la poésie qui jusque là lui faisait défaut (Son succès dépassa toutes les espérances de l'auteur et il s'en vendit, affirme-t-on, jusqu'à 45 000 exemplaires en quatre ans)[]. Malgré son chagrin, Alphonse épouse la même année Marianne-Elisa Birch, une jeune Anglaise, et occupe des fonctions de secrétaire d'ambassade en Italie avant de démissionner en 1830. Il publie alors d'autres poèmes comme, en 1823, les Nouvelles Méditations poétiques et La Mort de Socrate, ou encore, en juin 1830, les Harmonies poétiques et religieuses après avoir été élu à l'Académie française en 1829[].
En 1830, il décide d'entrer en politique en se ralliant à la Monarchie de juillet mais échoue à la députation. Il effectue alors un voyage en Orient où il visite la Grèce, le Liban et les lieux saints du christianisme, relaté dans Voyage en Orient et marqué par le drame de la mort de sa fille Julia. En 1833, Lamartine est élu député et le restera jusqu'en 1851 : il passe du royalisme au républicanisme et prononce des discours remarqués. Il joue un rôle important au moment de la Révolution de 1848, proclamant la République, et assure pendant trois mois le poste de chef du gouvernement provisoire, mais se retire de la politique après sa lourde défaite, n'obtenant que 0,26 % des suffrages lors de l'élection présidentielle qui porte au pouvoir Louis-Napoléon Bonaparte le 20 décembre 1848.
Lourdement endetté, il vend à regrets le domaine de Milly en 1860 et écrit des œuvres alimentaires comme de nombreuses compilations historiques, son Cours familier de littérature (1856-1869), et d'autres œuvres moins décriées mais demeurant mineures telles que Le Tailleur de pierre de Saint-Point en 1851. Son dernier grand poème La Vigne et la Maison est écrit en 1857. Alphonse de Lamartine meurt en 1869 presque octogénaire et repose dans le caveau familial au cimetière communal[], le long du mur du parc du château de Saint-Point qu'il a habité et transformé depuis 1820.
Son lyrisme associé à une expression harmonieuse fait la qualité des poèmes de Lamartine, la partie la plus marquante de son œuvre étant constituée par les poèmes pleins de sensibilité inspirés par Julie Charles, empreints des thèmes romantiques de la nature, de la mort, et de l'amour (par exemple dans «Le Lac», «L'Isolement», «L'Automne»...) (Acte de naissance du romantisme en France, l'ouvrage reste assez conventionnel par sa forme. La versification, régulière, et le lexique, d'un registre élevé, restaient ceux du siècle précédent) [] . Admiré et salué par toute la génération, romantique (Victor Hugo, Nodier, Sainte-Beuve), Lamartine est parfois jugé plus sévèrement par les générations suivantes : Flaubert parle de «lyrisme poitrinaire» (Gustave Flaubert, Lettre à Louise Colet, 6 avril 1853 : « C'est à lui que nous devons tous les embêtements bleuâtres du lyrisme poitrinaire.» Correspondance tome II, éd. La Pléiade, 1980, p. 299) [] et Rimbaud écrit dans sa Lettre du voyant à Paul Demeny que «Lamartine est quelquefois voyant, mais étranglé par la forme vieille». Il reste cependant largement - et légitimement - admiré pour la puissance de son génie poétique et compte indiscutablement parmi les plus grands poètes français du XIXe siècle.
Biographie :
Né à Mâcon le 21 octobre 1790, son père Pierre de Lamartine (21 septembre 1752-Mâcon 1840) est seigneur, chevalier de Pratz et, capitaine au régiment Dauphin-cavalerie, et sa mère Alix des Roys, «fille de l'intendant général de M. le duc d'Orléans[] » (Lamartine, Confidences, Livre Premier, chapitre VII. Lamartine précise en outre que sa mère «fut élevée avec le roi Louis-Philippe.»). Les dix premières années de sa vie, passées à la campagne à Milly, sont influencées par la nature, ses sœurs, sa mère, et surtout par l'abbé Dumont («Cet abbé Dumont qui m'a servi de type dans le poème de Jocelyn, et qui devint mon ami plus tard.» Lamartine, Nouvelles Confidences, Livre premier, chapitre XLII.) [], curé de Bussières, qui lui insuffle une grande ferveur religieuse, renforcée par les années qu'il passe au collège de Belley, pendant lesquelles il lit Chateaubriand, Virgile et Horace.
De retour à Milly, il commence à écrire de la poésie sous l'inspiration de l'Ossian de Baour-Lormian. Puis, après une aventure sentimentale qui inquiète ses parents, il entame un voyage en Italie (1811-1812) pendant lequel il rencontre une jeune Napolitaine, Antoniella, qui sera le modèle de sa Graziella. Il s'essaye ensuite à la tragédie (avec Médée) et écrit ses premières élégies.
En 1814, il devient quelque temps garde du corps de Louis XVIII une fois ce dernier intronisé : il se réfugie en Suisse au moment des Cent-Jours et démissionne finalement en 1815 (Lamartine, Mémoires inédits, p. 304 de l'édition Hachette de 1909)[]. Il revient ensuite à Milly, et mène une vie de gentleman campagnard. Seul garçon de sa famille, il doit recevoir en héritage les domaines de ses parents, mais, sans y être obligé, il s'engage à indemniser ses sœurs par des rentes.
En 1816, victime de langueurs, il part à Aix-les-Bains en Savoie. Le poète y rencontre Julie Charles, née Bouchaud des Hérettes, une femme mariée, épouse du physicien et aéronaute Jacques Charles, de six ans son aînée, atteinte de «phtisie», comme on appelait à l'époque la tuberculose galopante[]. Les deux jeunes gens entament une idylle qui durera jusqu'à la mort de Julie en décembre 1817, à l'âge de 33 ans. Le poète est profondément marqué par cette perte tragique qui lui inspire, en partie, le recueil Méditations poétiques (1820). Ce dernier obtient un immense retentissement et le propulse socialement : il peut épouser Mary-Ann Birch et devient attaché d'ambassade à Naples. Le couple (Ils auront deux enfants, Alphonse, né en 1821, mort en 1822, et Julia, née en 1822 et morte lors du voyage en Orient, en 1832, à Beyrouth)[] voyage en Italie, en Angleterre, à Paris. En même temps, le poète publie les Nouvelles Méditations poétiques, La Mort de Socrate, Le Dernier Chant du pèlerinage d'Harold.
En 1822, sa fille Julia naît. En 1824, il perd sa sœur Césarine, épouse du comte Xavier de Vignet au mois de février, puis son autre sœur Suzanne de Montherot (Suzanne de Montherot est la mère de Jean-Charles de Montherot)[] en août, à la suite de quoi il échoue à l'Académie française, à laquelle il sera finalement élu en 1829[].
En 1825, il est nommé secrétaire d'ambassade à Florence, mais se voit refuser le poste de ministre de France : qu'importe, il demande un congé, revient en province, et publie Les Harmonies poétiques et religieuses.
Lamartine se rallie à la monarchie de Juillet mais est candidat malheureux à la députation (il échoue dans trois départements, à Bergues, à Toulon et à Mâcon). Il écrit Sur la politique rationnelle, commence Jocelyn et fait un voyage en Orient dès 1832 : il visite la Grèce, le Liban, va jusqu'au Saint-Sépulcre pour raffermir ses convictions religieuses, mais ce voyage sera fortement marqué par la mort de sa fille Julia, qui lui inspire le poème Gethsémani ou la Mort de Julia, texte qu'il intégrera par la suite dans son récit du Voyage en Orient.
En 1833, il est élu député et ne cessera de l'être jusqu'en 1851. En 1838, avec Honoré de Balzac et Paul Gavarni, il va à Bourg-en-Bresse pour témoigner en faveur d'un ancien actionnaire du journal Le Voleur, Sébastien-Benoît Peytel, accusé d'assassinat. Sa démarche est infructueuse puisque l'accusé est guillotiné à Bourg-en-Bresse le 28 octobre 1839 (Pierre-Antoine Perrod, L'Affaire Peytel, préface de Marcel Bouteron, Paris, Hachette, 1958, p. 174-175)[].
À la suite de ses voyages en Orient, il deviendra avec Victor Hugo un des plus importants défenseurs de la cause du peuple serbe, dans sa lutte contre l'Empire ottoman (Voir ses «Notes sur la Serbie» dans le Voyage en Orient)[]. En juillet 1833, lors de sa visite de Nis (en Serbie), Lamartine, devant la tour des crânes, s'écria : «Qu'ils laissent subsister ce monument ! Il apprendra à leurs enfants ce que vaut l'indépendance d'un peuple, en leur montrant à quel prix leurs pères l'ont payée[].» (Lamartine, Voyage en Orient, p. 590 de l'édition de Sarga Moussa, Honoré Champion, Paris, 2000).
À la suite de graves soucis d'argent, Lamartine envisage d'abandonner la politique et commence à rédiger l'Histoire des Girondins. Il remplit toutefois sa tâche de député consciencieusement et se déplace lentement vers la gauche au fil des années, allant jusqu'à devenir la tête de file des révolutionnaires de 1848. Son Voyage en Orient, son Histoire des Girondins, qui lui redonne une certaine popularité, ainsi que ses discours à la Chambre manifestent une certaine inflexion dans sa pensée politique.
La Révolution de 1848 :
En 1848, à l'occasion de la chute de Louis-Philippe et de la proclamation de la Seconde République, Lamartine fait partie de la Commission du gouvernement provisoire. Il est ainsi Ministre des Affaires étrangères de février à mai 1848.
Partisan d'une révolution politique, il est plus proche des libéraux que des partisans d'une réforme politique et sociale (Louis Blanc, Albert, etc.). Le 24 février 1848, il s'oppose ainsi à l'adoption du drapeau rouge («Le drapeau», in Victor Hugo - Lamartine. Discours et lettres, Éditions de l'Épervier, 2010)[].
De concert avec François Arago, il mène une politique modérée. C'est lui qui signe le décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848. Le 10 mai 1848, le gouvernement provisoire est remplacé par une commission exécutive, dont ont été exclus les plus à gauche (Louis Blanc, etc.). Lamartine siège alors avec François Arago (également président de la Commission), Louis-Antoine Garnier-Pagès, Alexandre Auguste Ledru-Rollin et Pierre Marie de Saint-Georges.
Après la fermeture des Ateliers nationaux, décidée par la Commission exécutive, et les Journées de Juin, réprimées dans le sang par le général Cavaignac, la Commission démissionne. Le 28 juin 1848, Cavaignac devient président du Conseil des ministres par intérim.
En décembre, Lamartine obtient juste 0,26 % lors de l'élection présidentielle qui porte au pouvoir Louis-Napoléon Bonaparte. En avril-juin 1850, lors des débats parlementaires sur la loi de déportation politique, Lamartine s'oppose au choix des îles Marquises, bien qu'il ne fût pas opposé au principe même de la déportation («Ce système de déportation est un supplice par la distance même», dit-il, mais pas après avoir dit: «Les Grecs avaient l'ostracisme ; Rome avait la déportation dans les îles, en Corse, en Sardaigne. L'Angleterre elle-même, à l'époque la plus orageuse de son histoire, établit ce système, qui la sauva de bien des crimes comme nos affreuses journées de septembre». Cité par Louis-José Barbançon, La loi de déportation politique du 8 juin 1850 : des débats parlementaires aux Marquises. 1/3, Revue Criminocorpus, dossier no 2)[ ].
Sous le Second Empire :
La fin de la vie de Lamartine est marquée par des problèmes d'argent, dus à sa générosité et à son goût pour les vastes domaines. Il revient un temps aux souvenirs de jeunesse avec Graziella, Raphaël, mais doit très vite faire de l'alimentaire. La qualité de ses œuvres s'en ressent rapidement, et désormais les productions à la mesure du poète, telles que La Vigne et la Maison (1857), seront rares. À la fin des années 1860, quasiment ruiné, il vend sa propriété à Milly et accepte l'aide d'un régime qu'il réprouve. C'est à Paris qu'il meurt en 1869, deux ans après une attaque l'ayant réduit à la paralysie.
L'inspiration politique et sociale :
Dès 1830, la pensée politique et sociale de Lamartine va devenir un aspect essentiel de son œuvre. Légitimiste en 1820, il évolue peu à peu vers la gauche, mais voit un danger dans la disparition de la propriété : cette position ambiguë est intenable. En 1831, il est attaqué dans la revue Némésis : on lui reproche d'avilir sa muse en la faisant la servante de ses idées politiques. Lamartine réplique («A Némésis», in Œuvres poétiques, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1963)[], et dès cette période, son œuvre est de plus en plus marquée par ses idées. Lamartine croit au progrès : l'histoire est en marche et les révolutions sont un moyen divin pour atteindre un objectif. La démocratie est la traduction politique de l'idéal évangélique. Jocelyn, La Chute d'un ange, témoignent des préoccupations sociales de leur auteur, qui œuvre aussi pour la paix.
La pensée religieuse de Lamartine :
Jocelyn, La Chute d'un ange, le Voyage en Orient révèlent la pensée religieuse de Lamartine. Son déisme est assez vague, mais le poète veut expurger la religion de la croyance aux miracles, de celle de l'enfer, etc. Cependant, certaines de ses œuvres seront mises à l'index. Sa foi en la Providence est contingente des vicissitudes de sa vie, mais le désir de servir Dieu est à chaque fois plus fort. La présence de figures romanesques et religieuses, telles l'Abbé Dumont, traversant son œuvre, participe de cette vision évangélique.
Non-violent, il prêche également pour le végétarisme. Elevé par sa mère dans le respect de la vie animale il répugnera toute sa vie à manger de la viande. Il l'écrira même en vers dans La chute d'un Ange (1838) (La chute d'un Ange 1838, 7eme vision, Le prophète)[] et plus explicitement dans Les confidences (1849) (Alphonse de Lamartine, Les confessions, Livre IV, Note VIII)[] et ses arguments seront repris par les défenseurs du végétarisme au XXè siècle.
Regards sur l'œuvre :
Maître du lyrisme romantique et chantre de l'amour, de la nature et de la mort, Alphonse de Lamartine marque une étape importante dans l'histoire de la poésie française avec sa musique propre. En effet «La révolution française de la poésie peut être datée des Méditations poétiques de Lamartine : cette mince plaquette […] eut un effet à la fois détonant et fondateur dans la redéfinition lente de la poésie à laquelle procède le XIXe siècle» (Aurélie Loiseleur, Préface de son édition des Méditations poétiques et Nouvelles Méditations poétiques, Librairie Générale Française, 2006, p. 8)[]. Lamartine, admiré par Hugo, Nodier ou Sainte-Beuve, disait de la poésie qu'elle était «de la raison chantée» (Lamartine, Des destinées de la poésie, 1834)[] et retrouva les accords d'un langage enthousiaste, c'est-à-dire d'une possible communion avec Dieu. La poésie est chant de l'âme. Si ses élégies restent dans la lignée de celles de Chénier, Bertin ou Parny, ses méditations et ses poèmes métaphysiques (notamment «La Mort de Socrate» et «Le Désert») sont le résultat d'une expérience nouvelle, qui ont pu faire dire à Rimbaud que «Lamartine est quelquefois voyant, mais étranglé par la forme vieille.»(Lettre du voyant.).
L'œuvre - immense : 127 volumes - propose parfois des textes moins reconnus (poèmes de circonstances par exemple ou de nombreux textes du Cours familier de littérature) («Il faut donc procéder à une décantation et éliminer peut-être les trois quarts de sa production pour retrouver Lamartine dans son œuvre vive» - Magnien Émile - Conservateur honoraire du musée de Mâcon)[], mais on y reconnait le plus souvent l'expression d'un artiste, pour qui la poésie est « l'incarnation de ce que l'homme a de plus intime dans le cœur et de plus divin dans la pensée[].» (Lamartine, Des Destinées de la poésie, 1834) Certains de ses contemporains furent sévères avec lui, (Flaubert parle ainsi de « lyrisme poitrinaire »[]), mais il restera comme le grand restaurateur de l'inspiration lyrique. La beauté de cette poésie suppose donc la profonde sympathie de son intime lecteur : «La phrase fait secrètement entendre ce qu'elle fait discrètement voir et ressentir. Quiconque la murmure se substitue à celui qui l'inventa et se met à confondre les automnes de son âme avec ceux de la nature car ils sont signes de la déploration qu'il y a en Dieu. / Telle aura été la visitation de Lamartine» (Jean Grosjean, «Deux quatrains d'automne», in Cantilènes, Gallimard, Paris, 1998, p. 93)[].
Son Voyage en Orient est avec celui de Nerval, après l'Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand, l'un des chefs-d'œuvre du récit de voyage. Son titre complet, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833), ou Notes d'un voyageur, souligne assez bien l'ambition littéraire de Lamartine, poète d'une nature illimitée dont la vision voluptueuse ouvre un espace immense à la rêverie, à une profonde méditation. «La poésie se rêve en effet le plus souvent chez Lamartine comme une coulée douce, d'ordre presque érotiq ue, chargée tout à la fois de délivrer le moi et d'occuper en face de lui, disons presque de séduire, l'espace d'un paysage[].» (Richard 1999, p. 153).
Mandats politiques :
Député du Nord (Bergues) - opposition légitimiste : 7 janvier 1833 au 25 mai 1834 et 21 juin 1834 au 3 octobre 1837 ; Député de Saône-et-Loire (Mâcon) - gauche : 4 novembre 1837 au 2 février 1839, 2 mars 1839 au 12 juin 1842, 9 juillet 1842 au 6 juillet 1846 et 1er août 1846 au 24 février 1848 ; Député des Bouches-du-Rhône - centre-gauche : 23 avril 1848 au 26 mai 1849 ; Député du Loiret (Gien) - centre gauche : 8 juillet 1849 au 2 décembre 1851 ; Président du Conseil général de Saône-et-Loire en 1836-1837, en 1839-1843, en 1846 et en 1848-1851 ; Conseiller général de Mâcon-Nord : 1833-1848 ; Conseiller général de Mâcon-Sud : 1848-1852 ; Conseiller municipal de Mâcon : 21 juin 1840 au 29 janvier 1852.
Œuvres :
Poésie : Méditations poétiques (1820) dont «Le Lac» et «L'Isolement» ; La Mort de Socrate (1823) ; Nouvelles Méditations poétiques (1823) dont «La Solitude» et «Les Préludes» (ce dernier poème fut mis en musique par Franz Liszt) ; Le Dernier Chant du pèlerinage d'Harold (1825) ; Épîtres (1825) ; Harmonies poétiques et religieuses (1830) dont «Milly, ou la Terre natale» ; Recueillements poétiques (1839) ; Le Désert, ou l'Immatérialité de Dieu (1856) ; La Vigne et la Maison (1857). Ces œuvres, ainsi que les poèmes dramatiques (théâtre) et les romans en vers (Jocelyn et La Chute d'un ange) sont réunies dans les Œuvres poétiques de la Bibliothèque de la Pléiade aux éditions Gallimard (texte établi, annoté et présenté par Marius-François Guyard).
Romans en prose : Raphaël (1849) ; Graziella (1849) ; Le Tailleur de pierre de Saint-Point (1851) ; Geneviève, histoire d'une servante (1851) ; Fior d'Aliza (1863) ; Antoniella (1867).
Épopées ou romans en vers : Jocelyn (1836), dont une version illustrée par Albert Besnard ; []La Chute d'un ange (1838).
Théâtre : Médée (crée en 1813 publié en 1873) ; Saül (écrit en 1818 mais publié en 1861) ; Toussaint Louverture (1850).
Histoire : Histoire des Girondins, en huit volumes (1847) ; Histoire de la Restauration, en huit volumes (1851) ; Histoire des Constituants (1853) ; Histoire de la Turquie (1853-1854), ce livre contient une Vie de Mahomet ; Histoire de la Russie (1855).
Mémoires, autobiographies et récits de voyage : Voyage en Orient (1835) ; Trois Mois au pouvoir (1848) ; Histoire de la révolution de 1848 (1849) ; Confidences contenant le récit de Graziella (1849) ; Nouvelles Confidences contenant le poème des Visions (1851) ; Nouveau Voyage en Orient (1850) ; Mémoires inédits (1870).
Biographies : Le Civilisateur, Histoire de l'humanité par les grands hommes, trois tomes (1852 : «Jeanne d'Arc», «Homère», «Bernard de Palissy», «Christophe Colomb», «Cicéron», «Gutemberg» ; 1853 : «Héloïse», «Fénelon», «Socrate», «Nelson», «Rustem», «Jacquard», «Cromwell» (Première et deuxième parties) ; 1854 : «Cromwell» (Troisième partie), «Guillaume Tell», «Bossuet», «Milton», «Antar», «Madame de Sévigné»).
Autres : Des destinées de la poésie (1834) ; Sur la politique rationnelle (1831) ; Lectures pour tous ou extraits des œuvres générales (1854) ; Cours familier de littérature (1856) ; Nombreux discours politiques (Les Plus Beaux Discours de Lamartine, éd. de F. Crastre, Éditions du Centaure, Paris. Voir aussi le site de l'Assemblée Nationale, notamment le discours du 17 mars 1838 sur la peine de mort).[]
Correspondance : Correspondance d'Alphonse de Lamartine : deuxième série, 1807-1829. Tome III, 1820-1823 (textes réunis, classés et annotés par Christian Croisille ; avec la collaboration de Marie-Renée Morin pour la correspondance Virieu). - Paris : H. Champion, coll. « Textes de littérature moderne et contemporaine » no 85, 2005. - 521 p., 23 cm.
Lamartine, lettres des années sombres (1853-1867), présentation et notes d'Henri Guillemin, Librairie de l'Université, Fribourg, 1942, 224 pages.
Lamartine, lettres inédites (1821-1851), présentation d'Henri Guillemin, Aux Portes de France, Porrentruy, 1944, 118 pages.
Correspondance du 25 décembre 1867
(Source : encyclopédie en ligne Wikipédia).
Homme de lettres et diplomate, Alphonse de Lamartine ne débute sa carrière politique qu'après la révolution de juillet 1830. Principal représentant du courant libéral et progressiste, notamment dans son Histoire des Girondins (1847), il s'oppose au régime de Louis-Philippe. Élu député en 1833, après deux échecs, optant pour le Nord, réélu en 1834, optant pour Bergues, puis en 1837 pour Mâcon-ville -sa ville natale-, il est encore réélu en 1842 et 1846. A la proclamation de la République, en février 1848, il devient membre du gouvernement provisoire et ministre des affaires étrangères. Le 23 avril 1848 il est élu triomphalement à l'Assemblée nationale constituante et opte pour le département de la Seine. Dans son Histoire de la révolution de 1848 il décrit avec lyrisme cette journée d'élection au suffrage universel :
«Au lever du soleil, les populations recueillies et émues de patriotisme se formèrent en colonnes à la sortie des temples, sous la conduite des maires, des curés, des instituteurs, des juges de paix, des citoyens influents, s'acheminèrent par villages et hameaux aux chefs-lieux d'arrondissement, et déposèrent dans les urnes sans autre impulsion que celle de leur conscience, sans violences... les noms des hommes dont la probité, les lumières, la vertu, le talent et surtout la modération leur inspiraient le plus de confiance pour le salut commun et pour l'avenir de la République.
Il en fut de même dans les villes. On voyait les citoyens riches et pauvres, soldats ou ouvriers, propriétaires ou prolétaires, sortir un à un du seuil de leurs maisons, le recueillement et la sérénité sur leurs visages, porter leurs suffrages écrits au scrutin... les déposer dans l'urne et revenir avec la satisfaction peinte sur les traits comme d'une pieuse cérémonie.»
Député, Lamartine siège à la commission exécutive instituée le 9 mai par l'Assemblée. Il participe aux débats de l'Assemblée constituante consacrés à l'organisation et au fonctionnement des institutions de la future IIe République. Dans ce cadre, il prône un système de séparation stricte des pouvoirs, inspiré du « modèle américain ». Le 6 octobre 1848, l'Assemblée discute l'amendement Leblond attribuant aux représentants du peuple la désignation du Président de la République. Or Lamartine combat l'amendement. Il défend avec insistance le principe de l'élection du Président de la République au suffrage universel, même s'il ne néglige pas le risque de «réminiscence d'Empire».
La Constitution du 4 novembre 1848 reprendra l'essentiel des idées d'Alphonse de Lamartine. Celui-ci pourra ainsi se présenter le 10 décembre à la magistrature suprême mais il subit un échec cuisant n'obtenant que 17 910 voix face à Louis-Napoléon qui, lui, en obtient cinq millions et demi.
(Source : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/lamartine/index.asp).
Alphonse-Marie-Louis de Prat de Lamartine. L'un des plus grands poètes français du 19e siècle et un homme politique célèbre, né à Mâcon le 21 octobre 1790, mort à Paris le 28 février 1869.
Vie et œuvre :
Fils d'un gentilhomme dont la famille, originaire de la Bourgogne et de la Bresse, comptait de nombreuses et anciennes alliances dans ces deux provinces, il était l'aîné de six sœurs. Sa mère fut sa première éducatrice et lui apprit à lire dans la Bible illustrée ou plutôt, comme on disait alors, «historiée», connue sous le nom de Royaumont. Après avoir achevé ses études classiques au collège de Belley, dirigé par les pères de la Foi, il fit un premier voyage en Italie, puis vint à Paris et obtint de Talma la faveur de lui lire une tragédie qui ne fut jamais représentée. Echappé à la conscription qui décimait alors la jeunesse et que son aversion pour Napoléon lui eût rendu encore plus odieuse, il fit un nouveau séjour en Italie (1813), à Rome et à Naples, où il ébaucha le roman d'amour dont Graziella fut l'héroïne. Lors de la première Restauration, il entra dans les gardes du corps et y servit jusqu'à la fin des Cent-Jours. Après des années de rêveries, de séjours prolongés dans divers châteaux appartenant à son père ou à ses oncles, d'incertitude sur la carrière qu'il entendait suivre, il mit au net un recueil de poésies écrites sous des inspirations fort diverses, mais très différentes de celles que lui avait dictées durant son adolescence sa juvénile admiration pour Dorat et Parny. Ce recueil, présenté sans succès aux principaux éditeurs de la capitale et notamment à Pierre Didot dont Lamartine a conté plus tard la réception, trouva enfin asile dans une librairie classique et parut sous le titre de Méditations poétiques et religieuses (1820, in-18). Son succès dépassa toutes les espérances de l'auteur et il s'en vendit, affirme-t-on, jusqu'à 45 000 exemplaires en quatre ans.
Le 5 juin 1820 Lamartine épousait à Chambéry une jeune Anglaise protestante, miss Mary-Anne-Elisa Birch, et se rendait aussitôt à Naples en qualité d'attaché à la légation de France, poste qu'il échangea bientôt contre ceux de secrétaire d'ambassade à Londres et de chargé d'affaires en Toscane. De Nouvelles Méditations poétiques (1823), accueillies avec moins de faveur que les premières, furent suivies de deux poèmes, La Mort de Socrate et Le Dernier Chant de Childe Harold. Une apostrophe à l'Italie et à la «poussière humaine» dont elle était peuplée lui valut un duel avec le colonel Pepe qui releva le gant au nom de ses compatriotes et le blessa dangereusement. En 1825, un même décret de Charles X conféra la croix de la Légion d'honneur à Victor Hugo et à Lamartine qui rimèrent un mois plus tard l'un une Ode, l'autre un poème en l'honneur du sacre du vieux roi. Les premières éditions de ce Chant renferment quelques vers où le duc d'Orléans (plus tard Louis-Philippe) vit une allusion à son père (Philippe-Égalité) et que le poète s'empressa de supprimer. Le 5 novembre 1829, l'Académie française l'élut au fauteuil laissé vacant par le comte Daru. Il venait à peine d'y prendre séance lorsqu'il publia ses Harmonies poétiques et religieuses (2 volumes, 1830), où sa poésie atteint la plus grande élévation et se perd dans l'idéal. Il refusa peu de temps après le poste de ministre plénipotentiaire en Grèce quand Charles X dut reprendre le chemin de l'exil, voulant rester fidèle aux convictions de sa jeunesse. Il renonça dès lors à la carrière diplomatique et se présenta à la députation ; après deux échecs successifs à Toulon et un à Dunkerque où il avait sollicité un mandat de député, il partit au mois de mai 1832 pour l'Orient, sur un navire spécialement frété pour lui, accompagné de sa femme et de sa fille unique Julia, belle enfant d'une douzaine d'années, qui mourut à Beyrouth. Cette excursion de seize mois, accomplie dans des conditions véritablement fastueuses, qui lui furent plus tard amèrement reprochées, a été racontée par le poète dans son premier livre en prose : Voyage en Orient. Souvenirs, impressions, pensées et paysages (1835, 4 volumes in-8), dont le contenu justifie amplement son sous-titre par la variété, l'éclat, la profondeur des pages qui le composent.
Élu, pendant son absence, député à Bergues (Nord), puis à Mâcon, il resta député de Bergues jusqu'en 1837, puis opta pour sa ville natale, qu'il représenta constamment jusqu'en 1848 ; il se rallia d'abord à la monarchie de Juillet en faisant ses réserves et ne siégeant dans aucun groupe ; bien qu'il se fût révélé orateur dès qu'il eût pris la parole sur la discussion de l'adresse au roi, il n'eut pendant plusieurs années aucune influence sur les diverses législatures dont il fit partie. Malgré le nombre et l'importance des discours qu'il prononça en maintes circonstances, tantôt sur des matières générales (l'abolition de la peine de mort, la question d'Orient, la défense des études littéraires, l'assistance sociale), tantôt sur des sujets tout techniques, comme l'industrie du sucre où il fit preuve de connaissances spéciales tout à fait inattendues, il n'avait pas dit adieu aux lettres. En 1835, le magnifique poème Jocelyn, présenté comme le fragment d'un vaste cycle humanitaire, qui devait embrasser tous les âges et toutes les conditions, obtint un succès que ne retrouva pas, deux ans plus tard, La Chute d'un ange, autre fragment de ce même ensemble dont un troisième épisode, intitulé Les Pêcheurs, n'a pas vu le jour, parce que le manuscrit en fut perdu ou détruit, durant un voyage aux Pyrénées. Les Recueillements poétiques qui parurent en 1839 sont précédés d'une préface en prose où l'auteur, prêchant d'exemple, expose les devoirs sociaux du poète.
Volontairement écarté de diverses combinaisons ministérielles et s'éloignant un peu plus chaque jour de ce qu'il avait lui-même défini le «parti des bornes», contre lequel il appelait de tous ses vœux la «révolution du mépris», démocrate-conservateur, comme il s'était qualifié lui-même, il se rapprochait chaque jour davantage du parti radical et socialiste ; il porta un dernier coup à la monarchie de Juillet moins encore par son adhésion aux banquets réformistes qui préludèrent à la chute du dernier ministère Guizot, que par sa publication de l'Histoire des Girondins (1847, 8 volumes in-8 et in-18). Sévèrement jugé depuis par la critique historique, écrit hâtivement sur des documents de seconde main, ou d'après les témoignages confus ou pleins de réticence des derniers survivants de cette grande époque, ce livre, né de cette pensée «que le sang ne souille pas l'idée qui le fait couler» et que «toute vérité descend d'un échafaud», eut sur la marche des esprits une influence indéniable.
Le 24 février 1848, Lamartine fut de ceux qui réclamèrent l'institution d'un gouvernement provisoire, mais non la proclamation de la République qu'il dut accepter néanmoins comme un fait accompli. Personne n'a oublié le rôle courageux qu'il joua à l'Hôtel de Ville, ni avec quelle éloquence il combattit les factieux ou les égarés qui menaçaient la paix publique. La circulaire qu'il adressa, en qualité de ministre des Affaires étrangères, aux puissances européennes, commentait et développait le programme généreux et vague qu'il avait maintes fois exposé, parfois au péril de sa vie, aux députations de toutes nuances qui se succédaient sans interruption sur la place de Grève. Ce fut l'apogée de sa popularité et elle était alors telle que dix départements l'envoyèrent simultanément à l'Assemblée constituante. Il opta pour celui de la Seine, qui l'avait placé le premier sur une liste de trente-quatre noms. Acclamé par ses collègues lorsqu'il rendit compte de son administration, il vit décroître promptement son prestige, soit lorsqu'il fut élu, non sans peine, membre de la commission exécutive, dont Ledru-Rollin était le chef, soit après les journées de Juin, soit enfin lors de l'élection à la présidence de la République, pour laquelle il ne recueillit que quelques milliers de suffrages. Cette réaction s'accentua davantage encore l'année suivante, où il ne se trouva qu'un seul département, celui du Loiret, pour l'envoyer siéger à l'Assemblée législative jusqu'au jour où le coup d'État du 2 décembre le rendit aux lettres.
Durant de longues années Lamartine avait dépensé, avec l'insouciance traditionnelle du grand seigneur et de l'artiste, la fortune considérable que sa femme lui avait apportée en dot et les revenus qu'il tirait de la vente de ses livres et de l'exploitation de ses vignobles du Mâconnais. Tombé du pouvoir, il dut en même temps faire face à la ruine. Il ne suffit à combler le déficit ni par la vente des vastes concessions territoriales que lui avait accordées le sultan, ni par la cession de ses œuvres anciennes à une société spéciale, ni par la mise en vente ou en loterie de ses domaines de Milly et de Saint-Point. Bien qu'il ait pu dire (dans la préface des Recueillements) avec la fatuité du génie : «J'écris en vers quand je n'ai pas le temps d'écrire en prose», c'est à la prose qu'il demanda des ressources, car son drame de Toussaint Louverture joué à la Porte-Saint-Martin par Frédérick Lemaître (août 1850) et Les Visions (1852, in-16), fragment dont la conception remontait sans doute à celle de La Chute d'un Ange, furent ses adieux à la poésie. Raphaël (1849), Les Confidences (1849) et Les Nouvelles Confidences (1851), Geneviève, histoire d'une Servante (1850), Le Tailleur de pierre de Saint-Point (1851), Graziella (1852), que lui dictèrent des réminiscences personnelles ou les souvenirs du pays natal, offrent encore de nombreuses pages dignes de prendre rang non loin des chefs-d'œuvre de sa jeunesse. On ne saurait porter un jugement aussi favorable sur les volumineuses improvisations intitulées : Trois Mois au pouvoir (1848), Histoire de la Révolution de 1848 (1849) ; Histoire des Constituants (1850) ; Histoire de la Restauration (1852) ; Histoire de la Turquie (1854) ; Histoire de la Russie (1855) ; celle-ci empruntée trop littéralement aux travaux de Schnitzler à qui Lamartine donna publiquement acte de sa protestation. De 1856 à 1867 l'auteur publia en outre sous forme d'Entretiens mensuels un Cours de littérature où il jugeait tour à tour, sans plan défini et parfois avec une extrême partialité, les anciens et les modernes. À ce labeur démesuré succéda l'affaissement total de ses facultés et il se survécut deux ans encore sans probablement même avoir eu connaissance du vote de la pension viagère que, sur le rapport de M. Émile Ollivier, le Corps législatif lui avait décernée en 1867. Lorsqu'il s'éteignit dans les bras de sa nièce, Mme Valentine de Cessiat de Lamartine, et de quelques amis fidèles, l'Empire voulut lui décerner des funérailles officielles, mais, conformément à la volonté maintes fois exprimée du poète, ses restes furent transportés à Saint-Point sans aucun faste. Le fauteuil de Lamartine échut à M. Émile Ollivier dont le discours de réception, qu'il refusa de modifier, ne fut jamais prononcé. Une statue du poète, en bronze, due à M. Falguière (1873), a été élevée à Mâcon : on ne la trouve généralement pas très heureuse, bien que la figure fixe et noble soit assez ressemblante ; plus récemment on a inauguré à Passy une belle statue due à M. Marquet de Vasselot. Le centenaire de Lamartine a été célébré en 1890 à Mâcon : MM. Jules Simon et François Coppée ont prononcé des discours.
Outre d'innombrables réimpressions partielles, il y a eu plusieurs éditions générales des œuvres de Lamartine : la plus importante est celle qu'il entreprit lui-même (1860-1866, 61 volumes gr. in-8). Il faut y ajouter : La France parlementaire (1864-1865, 6 volumes in-8), avec une étude de Louis Ulbach, des Mémoires inédits [1790-1815] (1870, in-8), sa Correspondance (1873-1875, 6 volumes in-8 ; 2e édition, 4 volumes in-12) ; des Poésies inédites (1873, in-8, portrait), publiées par sa nièce, qui a légué à divers établissements publics les portraits et les manuscrits du poète pieusement conservés jusqu'à sa mort.
(Source : http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Lamartine).
Alphonse de Lamartine se serait marié religieusement et en secret en Suisse, dans les Grisons, en août 1867 avec Valentine Marie Gabrielle de GLANS de CESSIAT, chanoinesse comtesse de Sainte-Anne-de-Bavière, née le 17 mars 1821, Saint-Amour, Jura, décédée le 16 mai 1894, Paris, inhumée le 24 mai 1894, Saint-Point, Saône-et-Loire. Ce remariage aurait eu lieu après dispense télégraphique du pape Pie IX. Mais aucune preuve écrite n'a jamais été découverte tant en France qu'en Suisse ou au Vatican.
Source : Lamartine et sa famille. Etude généalogique et héraldique, "Ceux du Mâconnais", antenne locale du Cercle Généalogique de Saône-et-Loire, Mâcon, 1993, p. 17, 101-102.
(Source : arbre de la famille Bruel sur Geneanet).
On trouve sur Geneanet, sur l’arbre de la famille Bruel, dans la fiche généalogique d’Alphonse de Lamartine, la note qui suit, et qui a trait à la vie amoureuse et aux enfants naturels du poète. Je ne m’attribue en rien ce travail de recherche, mais il m’a semblé intéressant de lui donner un peu plus de diffusion, car c’est une façon différente d’aborder la vie de Lamartine.
La vie et l'œuvre de Lamartine ont donné lieu à une multitude de travaux et écrits biographiques, historiques, littéraires ou politiques, que nous n'avons ni les moyens ni l'ambition de résumer ici. Comme il s'agit d'une page de généalogie dédiée au poète, et malgré notre sympathie à son égard, mûrie, depuis vingt-cinq ans, par un certain nombre de lectures, nous nous bornerons à rassembler progressivement ce que nous savons sur l'ascendance et la descendance (descendance officielle et officieuse) du célèbre auteur des Méditations. Pour cela, nous nous pencherons plus spécialement sur ses origines et sa jeunesse, utilisant les nombreuses sources bibliographiques, parfois archivistiques, susceptibles de nous éclairer sur cette période de son existence.
L'enfant du tour de Mâcon : Claude Condemine
Le cas de cet enfant naturel de Lamartine a été étudié par Emile Magnien dans son ouvrage Dans l'intimité de Lamartine, chapitre «L'inquiète adolescence». Plutôt que de le paraphraser, nous estimons bien préférable de reproduire un court extrait de ce chapitre : «Nous sommes en 1808. Lamartine a 18 ans. C'est un adolescent d'une beauté svelte et distinguée. Il mesure 1,82 m, a la taille fine, les épaules larges, un visage aux traits purs où les yeux gris noirs luisent avec une chaude douceur sous l'auréole des cheveux blonds et bouclés. Il a le type même que le «René» de M. de Châteaubriand vient de mettre à la mode. Pour Briffaut, qui le dépeint quelques années plus tard, il ressemble à l'Apollon du Belvédère. Il vient de quitter le collège de Belley où les Pères de la Foi, émules des Jésuites, avaient réussi à l'acclimater, puis à le retenir pendant quatre ans ; et où il a acquis une bonne culture classique. Il en ramène aussi trois amitiés solides, celles de ses condisciples Vignet, Guichard de Bienassis et surtout Virieu. Mais il a peut-être aussi découvert à cette époque autre chose, qui pourrait être le goût et la peur à la fois du péché charnel, s'il est exact qu'en 1805, alors qu'il sortait à peine de l'enfance, il ait fait la précoce connaissance de l'amour sensuel et rendu mère une jeune fille dont, en secret, il n'abandonna jamais l'enfant ? Un texte paru sans signature dans le Monde Illustré du 27 décembre 1946, fait état d'un propos tenu par M. Edouard Herriot à l'un de ses amis dans sa vieille maison du cours d'Herbouville, à Lyon : «Au lendemain d'une conférence sur Lamartine, conta M. Herriot, je reçus une visite qui m'étonna. C'était celle d'un ami, homme intègre et de haute situation. J'avais souvent remarqué la noblesse de ses traits qui me rappelaient quelque chose. Il m'apprit, preuves à l'appui, que Lamartine, à l'âge de quinze ans, avait eu d'une servante, au collège de Belley, un enfant qu'il n'abandonna pas et qui obtint par la suite une position respectable et aisée. Mon ami n'est autre que le petit-fils de cet enfant naturel. Cela explique un peu les nobles discours de Lamartine au sujet des enfants et particulièrement des enfants abandonnés.» Je n'aurais pas fait état ici de cette extraordinaire révélation si le président Herriot lui-même ne m'en avait confirmé l'authenticité en m'autorisant à la reproduire. Mais je crois qu'il faut en rectifier certains détails. Le fait n'est peut-être pas aussi clair que semblait l'affirmer l'interlocuteur de l'ancien maire de Lyon. En effet, un cousin de cet éventuel descendant de Lamartine m'apporta, quelque temps plus tard, une opinion différente en ce qui concerne la mère de ce prétendu enfant naturel - dont il tenait, lui aussi, l'existence pour bien réelle. Tout d'abord il me donna la date exacte de naissance de son aïeul - ou plutôt de sa découverte au «tour» de la Charité à Mâcon. Claude - tel était le nom qui lui fut donné alors - avait été abandonné au tour (qui existe encore, rue Carnot à Mâcon) le 9 avril 1806. Il me fut facile de trouver aux archives municipales le procès-verbal de découverte qui authentifiait sur ce point le renseignement qui m'avait été donné. «L'an mil huit cent six, le neuf avril à dix heures du matin, en l'hôtel de ville de la mairie, et par devant nous Pierre Albert Lavernette, adjoint au maire, faisant fonction d'officier public, s'est présenté Monsieur Boutouge, économe de l'hospice de charité de cette ville, lequel nous a déclaré que ce matin sur les deux heures, il a été exposé un enfant sur un banc qui se trouve à la porte principale d'entrée dudit hospice, lequel enfant il nous a présenté enveloppé du même lange et vêtement et ainsi qu'il nous a dit l'avoir trouvé ; vérification ayant été faite, nous avons reconnu l'enfant être du sexe masculin, paraissant être âgé d'un jour... Nous avons requis l'administration de l'hospice en la personne dudit sieur Boutouge, de recevoir ledit enfant à l'hospice de charité au nombre des orphelins nourris aux frais de l'Etat, auquel enfant nous avons donné le prénom de Claude...» Il n'était plus guère possible de voir en la jeune mère une servante du collège de Belley - à moins de supposer que ses parents, ayant eu son aveu quand à l'identité de son séducteur, aient amené le nouveau-né à Mâcon pour forcer la main en quelque sorte à la famille du garçon et l'inviter discrètement à suivre la destinée de l'enfant. C'est bien peu probable, Belley étant éloigné de Mâcon et les communications, à cette époque, peu rapides, peu commodes et coûteuses pour les gens du peuple. D'autre part, en examinant les dates, on constate que la conception aurait eu lieu en juillet 1805. Or nous savons, par le journal authentique de Madame de Lamartine, qu'Alphonse arriva à Mâcon, pour les vacances d'été, le 18 ou 19 juillet. Aucune impossibilité n'existe donc de ce côté là pour que «l'aventure» ait eu lieu en Mâconnais. Et d'autre part, on peu faire une constatation assez troublante : c'est que, en publiant le Manuscrit de ma mère, Lamartine a changé cette date pour la reporter au 19 août. Or, l'année d'après, 1806, il a bien respecté la date donnée par le manuscrit authentique pour cette arrivée annuelle des grandes vacances. Pourquoi ce décalage - voulu, on n'en peut douter - en ce qui concerne 1805 ? Craignait-il de livrer une piste à d'éventuels curieux ? Il semblerait donc que l'enfant, si enfant du jeune Alphonse il y eut, était celui d'une jeune fille de Mâcon ou du Mâconnais plutôt que celui d'une servante de Belley. Mais qui aurait pu être cette jeune fille ? Le mystère reste entier. Essayons de l'éclairer. [...] Claude, l'enfant trouvé au tour de la Charité de Mâcon le 9 avril 1806, prit le nom de Condemine. C'est un nom de lieu assez fréquent en Mâconnais, et s'il s'en trouve un entre Milly et le château de Bionne, il en est d'autres ailleurs. On ne peut donc, comme était tenté de le faire mon correspondant, tirer argument de ce fait. Mais il est bien vrai que Claude, lorsqu'il épousa une veuve de Grandris, près de Tarare dans le Rhône, possédait 600 F inscrits au contrat de mariage. Neuf ans après il revendait ses propriétés 16.000 F et il avait pu les acquérir tout en élevant les trois enfants de sa femme et les neuf qu'il eut lui-même de ce mariage. Je ne pense pas, comme le pense M. Verdier, qu'un tel bond dans la situation de Claude Condemine ait été possible par la seule vertu de son travail et même de la chance... Ce qui plus encore m'intéresse et me conduit au roman de Geneviève dont nous allons parler, c'est la curieuse fantaisie par laquelle Lamartine fait se placer la servante, originaire de Voiron, chez la femme d'un «fabricant» de Tarare, après l'épreuve qui a injustement souillé sa réputation. Ayant beaucoup pratiqué Lamartine, ayant étudié de près le processus par lequel il passe des souvenirs de base, concrets et précis, mais jamais livrés tels, à ses Confidences enveloppées de poésie et d'idéal, souvent expression d'un narcissisme complaisant, je m'aperçois que l'emprise du souvenir total, revécu avec intensité et délectation dans le présent, est telle qu'il lui faut, dans les aménagements qu'il apporte à son récit, poser de place en place une balise de vérité à seule fin de se justifier en lui-même et de maintenir pour lui une fidélité indispensable à ce qui fut réellement. D'où l'importance exceptionnelle de détails en apparence anodins. Quelle fantaisie a soufflé à l'auteur de faire se placer la servante injustement éprouvée, à sa sortie de prison, chez la femme d'un «fabricant» de Tarare ? Née à Voiron et y ayant été condamnée, on comprend qu'elle n'y revienne pas. Mais avouons que le choix de Tarare est bien inattendu. Or c'est le pays où s'est fixé Claude Condemine et où il est devenu «fabricant». Ne serait-ce pas là l'un de ces détails réels posés comme un jalon dans le déroulement du récit réinventé ? Certes, connaissant ces faits, il devient troublant de lire les discours de Lamartine dans lesquels il s'attacha à défendre les «enfants trouvés». C'est bien là un thème qu'il traita souvent et auquel il donna son expression la plus éloquente dans ses interventions, d'abord à la Société de Morale Chrétienne le 30 avril 1838, puis au Conseil Général de Saône-et-Loire en 1845, contre le préfet qui voulait faire fermer le «tour» de Chalon par économie et éloigner les enfants trouvés du lieu de leur «exposition» pour que les mères coupables, ayant peu de chances de les retrouver, y regardent à deux fois avant de les abandonner. Lamartine éleva le débat et le transporta bien loin des mesures concrètes et limitées qu'il s'agissait de discuter. «Le droit de vivre pour celui qui est né, s'écria-t-il, est un droit divin. La nature est la loi des lois. Quand elle donne la vie à un être humain, la loi qui contesterait ce droit de vivre serait un assassinat... L'enfant illégitime est un hôte à recevoir. La famille humaine doit l'envelopper de son amour... L'enfant repoussé du tour, de la société, de la famille, devient une accusation et un fléau pour le pays... Ne renvoyez donc pas au hasard, à la misère ou à la mort l'enfant que la honte ou la misère vous jettent ! Une économie qui repousserait ces enfants dans la mort serait un meurtre !» «Car, ajoute le tribun, par la fermeture des tours vous ne laissez que trois options aux mères illégitimes : le déshonneur accepté et affiché, l'exposition dans les lieux solitaires où tout menace la vie du nouveau-né, ou l'infanticide. L'une est la honte, l'autre est la mort, la troisième est le crime.» Dans Geneviève, c'est toute la vie des enfants de l'assistance publique qui est évoquée à propos du petit Bastien, l'enfant de Josette. Et Lamartine y montre de nouveau, à soixante ans, une sympathie, une tendresse, une compréhension des problèmes posés par leur destin, qui n'ont pas faibli. M. Verdier affirme que Lamartine ayant mis sa plume au service de toutes les causes généreuses, celle des enfants trouvés ne fut pour lui qu'un sujet entre bien d'autres de ce genre. Je remarque pourtant qu'aucune de ces causes n'a été l'objet de prises de position aussi répétées, aussi constantes et aussi insistantes. Monsieur Verdier appuie d'autre part son opinion sur le fait que Lamartine, lorsqu'il eut un fils naturel de Nina de Pierreclau, l'entoura de sollicitude et d'affection, ce qu'il ne manifesta pas envers l'hypothétique enfant de son adolescence. Cet argument me paraît très peu solide, car on ne saurait comparer les situations. Lamartine a 23 ans à la naissance de Léon de Pierreclau, il sait alors ce qu'il fait, et il conçoit sa responsabilité ; d'autre part et surtout, la mère est une femme consentante et tout aussi responsable que lui. Elle est dame châtelaine, et épouse d'un mari de naissance noble qui assure un état civil plus qu'honorable à l'enfant. Ce dernier n'a pas à être caché. Lamartine peut le voir au grand jour, suivre son existence avec intérêt, intervenir même auprès de la mère pour lui faire assurer une éducation conforme à son origine - car là, filiation légale et filiation naturelle, bien que non concordantes, se situent sur le même plan. Le petit Claude, s'il était le fils du jeune Alphonse, ne pouvait espérer un tel sort, à une époque où les humbles devaient se taire devant ceux qui détenaient l'autorité avec la fortune. Il fut donc confié, clandestinement et sans état civil, à l'assistance publique. Et nous trouvons curieusement dans le récit du petit Bastien et dans la dernière partie du roman une autre de ces éventuelles balises de réalité que nous avons signalées : alors que l'enfant est prétendument élevé dans les environs de Voiron, Lamartine décrit exactement le haut Mâconnais pour situer le cadre dans lequel il grandit et il va jusqu'à donner au hameau de ses parents nourriciers celui du lieu-dit le plus reculé du Mâconnais, entre Pierreclos et Tramayes : le Gros Soyer. Comme nous aimerions savoir où l'Assistance publique de Mâcon plaça le nourrisson Claude ! Je ne serais pas étonné que c'eût été dans cette zone pauvre et montagneuse où, précisément, l'«élevage» des enfants de l'Assistance était une véritable industrie au XIXe siècle, et où effectivement, «le domaine du Gros Soyer est bien haut, bien haut, et bien loin de toute paroisse». La description que donne Lamartine des lieux au chapitre CLV est frappante de précision et de vérité - si l'on en retire la mention des contrebandiers qui vont en France et Savoie et ne sont ici que pour ramener le lecteur vers Voiron ! J'abandonne bien sûr la piste du château de Bionne et de Lucy L. en cette affaire. Je ne pense pas davantage à la respectable fille du docteur Pascal. Mais à quelque servante de Milly, issue de cette montagne mâconnaise, et qui y demeura sans doute après «la faute», ayant caché son aventure, mais n'ayant pas perdu de vue cet enfant ni oublié qui l'avait rendu mère. Et c'est là que mon attention est attirée par le récit assez insolite rapporté par Henri de Lacretelle, récit d'une excursion, d'une partie de campagne, organisée par Lamartine vers 1838-1839 à Château-Tiers, commune de Matour. Lamartine avait alors à Saint-Point tout un groupe d'invités. Un jour sans rien dire à personne, il fit préparer une calèche et un chariot de vendanges «arrangé en fourgon (qui) laissait déborder des paniers remplis de jambons, de pain et de gaufres blondes». - «Qu'est-ce que ça veut dire ?» s'enquit Mme de Lamartine. - «Que nous allons goûter à Château-Tiers», répondit Lamartine. On part... on arrive... on cherche la merveille promise... On ne voit qu'une ruine sans caractère, celle d'une maison relativement moderne... dans un paysage incolore et rétréci. Et Lacretelle commente : «Il fallait un motif bien puissant pour que Lamartine, qui avait une juste horreur des dîners sur l'herbe, nous eût amenés là et fît décharger le chariot de provisions...» On commence à se restaurer après que le petit groom eût été chercher de l'eau au puits de la petite ferme voisine. Lamartine se met en devoir de couper les jambons quand «une femme d'une cinquantaine d'années, un peu épaisse de taille, mais belle encore sous les cheveux gris échappés de sa coiffe, sortit de la ferme en apportant un gros pain bis et une jatte de lait fumant ; elle salua avec embarras la compagnie, et quand elle traversa, les yeux baissés, l'ombre de Lamartine sur l'herbe, elle rougit. - Bonjour Jeannette : ne me reconnais-tu pas ? - Oh ! si, notre Monsieur ! Mais il y a si longtemps que les résédas sont fanés ! répondit-elle. - Et tu es ici avec tes enfants. Combien en as-tu ? - Six, fit-elle avec un embarras fier. - Menez nous voir les ruines. Il n'y a plus que cela ici ! interrompit Madame de Lamartine que cette conversation semblait agacer.» On part pour les ruines. Mais Lamartine revient en arrière et Lacretelle poursuit ainsi son récit : «Je regardais par la fenêtre qui ouvrait sur la cour de la ferme. Il avait été prendre un sac dans le chariot. La fermière était à côté de lui. «Tends ton tablier, Jeannette, comme autrefois quand j'y jetais des fleurs.» Jeannette avait été le premier amour pastoral de l'adolescent de Milly. Elle ouvrit démesurément les yeux dans lesquels perlaient des larmes. Elle fut jolie à cet instant par l'illumination du passé. Elle revoyait ce beau jeune homme sur la montagne, et elle l'entendit lui jurer qu'il n'aurait qu'elle dans son cœur. Elle tendit son tablier comme une personne qui n'avait jamais rien su lui refuser. Le flot d'argent s'y précipita. Il y avait bien deux mille francs. «Ce sera pour racheter de la conscription le dernier de tes fils. Ne parle de cela à personne, et surtout pas à Madame de Lamartine.» Il se pencha, et mis ses lèvres sur ces cheveux gris tant baisés autrefois quand ils étaient noirs. Puis il s'éloigna en sifflant ses chiens qui couraient sur les pierres.» Voilà un récit certainement vrai et auquel j'attache pour ma part beaucoup d'importance. Lamartine a mûrement préparé son affaire. Il veut revoir Jeannette pour lui faire un don. Nul ne l'a sollicité pour cela. C'est une résolution intime et profonde. Il ne peut confier la mission à personne et il ne peut venir seul chez Jeannette : quelles justifications pourrait-il donner à l'une ou à l'autre de ces démarches ? Le mieux est d'organiser cette excursion sous le vague prétexte de ruines à voir. Cela n'éveillera aucune suspicion, et surtout pas celle de Marianne de Lamartine. Mais d'où vient ce besoin de voir Jeannette et de lui apporter un véritable petit trésor ? Ne serait-ce pas parce qu'il a appris que l'enfant Claude, qui a 34 ans, est marié, et qu'ayant décidé de l'aider secrètement, il se souvient de la mère et juge qu'elle aussi a droit à une espèce de dîme du bonheur ? Il a alors de l'argent liquide, bien qu'il ait engagé beaucoup de dettes, car il a reçu les droits d'auteur du Voyage en Orient et de Jocelyn. Il peut donc faire des largesses. Pourquoi pense-t-il à la petite paysanne qu'il a autrefois éblouie à Milly ? et pourquoi est-il aussi large ? - 2.000 francs or. S'il ne s'agit que d'une amourette banale et sans conséquence, c'est beaucoup. Penserait-il aussi au fils que la conscription guette, si, derrière la petite scène que nous raconte Lacretelle, ne se profilait une autre image d'enfant ? Et ce baiser sur les cheveux gris de la fermière ? Cet homme prestigieux, ce personnage couvert de gloire serait-il aussi à la fois familier et respectueux, même avec une ancienne servante qui jadis a été son amusement pour une courte saison, si quelque chose de plus grave ne leur permettait une secrète communion dans un sentiment qu'ils savent respectable maintenant que les années ont passé ? Cet enfant, s'il existe, ni l'un ni l'autre ne peuvent le reconnaître, bien sûr. Mais il est un lien secret que les différences sociales ne sauraient anéantir, qui même se précise et se renforce chez un homme aussi conscient de ses devoirs que le Lamartine approchant la cinquantaine. L'époque est aussi celle où il comble Léon de Pierreclau de ses bienfaits. L'autre n'y a-t-il pas droit aussi ? Bien sûr rien de certain dans cette hypothèse. Mais un faisceau de faits qui la rendent plausible, et aussi une indication d'ordre médical à ne pas négliger en ce qui concerne l'adolescent Alphonse de Lamartine en 1805 : Le docteur Tatin qui a établi un brillant diagnostic de «Clinique littéraire» à son propos, note qu'il fut certainement tuberculeux à l'âge de la puberté et il est exact que le Journal authentique de la mère fourmille à cette époque d'alarmes dues aux fièvres, aux pâleurs, aux céphalées, aux rhumes, à l'hyper nervosité de l'adolescent. Or on sait ce qu'a d'excitant sur le plan sexuel la fièvre tuberculeuse, et surtout dans un être aussi sensible et aussi porté à l'introversion, amplificatrice de tous les émois et de toutes les pulsions - un être indéniablement précoce aussi, tant au plan du psychisme qu'à celui du développement physiologique. Nous ne nous permettrons pas d'être absolument affirmatif en fermant ce chapitre, mais nous pensons que le problème méritait d'être exposé puisqu'il peut éclairer certains aspects de l'œuvre et du comportement futur de notre poète et engager certains lamartiniens dans des recherches qui peuvent être fructueuses. [...] L'aventure, si elle est réelle, est restée secrète.»
Commentaires personnels :
Lamartine, dans ses Mémoires de jeunesse, fait référence à une jeune fille du coin de Milly, Janette, qu'il y a tout lieu d'identifier à la Jeannette dont parle Henri de Lacretelle : «Combien triste fut ma séparation de nos bons domestiques, et surtout de la belle et charmante fille des montagnes, Janette, que j'aimais plus qu'on aime ordinairement à mon âge, qui m'aimait de même, et dont je ne me séparai pas sans pleurer et sans la laisser baignée de ses propres larmes ! Je compris l'affection par la douleur. Janette vint m'embrasser dans mon lit, et je partis comme si Lyon eut été, ce qu'il devait être en effet pour moi, un autre monde». Un peu plus tard dans le récit, il est question de «l'aimable Janette», et encore plus loin de «Janette mon amour».
L'ouvrage Lamartine et sa famille précise que Claude aurait été déposé nuitamment au tour de l'hospice de la charité de Mâcon par la famille de la jeune mère ; qu'il aurait pris le nom de Condemine lorsqu'en 1830 il épousa une veuve, mère de quatre enfants, qui possédait un petit atelier artisanal ; qu'il vendit ce fond pour 16 000 francs en 1840 et, avec l'appui de Lamartine, put acquérir de nouveaux locaux lui permettant de devenir un industriel aisé. Il ajoute que le deuxième petit-fils supposé de Claude Condemine, celui que rencontra Emile Magnien, était un libraire de la banlieue parisienne (décédé avant 1993). L'ouvrage semble faire la distinction entre deux enfants, celui déposé au tour de Mâcon, et un autre né d'une servante de Belley. Il y a tout lieu de croire cependant, comme l'expose Emile Magnien, que Belley est une erreur, et qu'on a affaire à un seul et même enfant : Claude Condemine.
Contrairement à ce qui paraît s'être produit pour Joseph Lenoir et Léon de Pierreclau, il semble que la mère du poète, Alix des Roys, et a fortiori le reste de la famille de Lamartine, n'ai pas été mise au courant de la faute d'Alphonse, rien n'apparaissant, notamment, dans son journal intime. L'abandon de l'enfant au tour de Mâcon témoigne de l'extrême embarras dans lequel Alphonse et celle que l'on suppose s'être nommée Jeannette durent se trouver : l'un ne pouvant rien avouer à sa famille, l'autre ne pouvant envisager la honte d'être fille-mère.
La veuve que Claude Condemine épousa était précisément de Grandris (Rhône), près de Tarare. Elle avait pour nom Claudine Berge. Leur mariage eut lieu à Grandris le 5 janvier 1830.
Commentaires de notre correspondante Isabelle Masson, descendante de Claude Condemine (27 mai 2010) :
Sur le nom Condemine : "Lors de la rédaction du contrat de mariage, le 8 décembre 1829, chez Me Vernay, notaire à Lamure, un mystère demeure. En effet, sur le répertoire notarial, il est stipulé Mariage entre Claude, Camille de Grandris & Claudine Berge, alors que sur le contrat de mariage, il est écrit Claude, Camille sans aucun patronyme, et il signe pourtant Condemine. Puis, lors du mariage civil, le 5 janvier 1830, Claude Condemine, sur l'acte passé en mairie de Grandris, se fait prénommer Claude sans patronyme (alors qu'à cette époque il était obligatoire d'avoir un patronyme) et signe Claude. Le mystère est plus que jamais présent et d'actualité. Enfin, pour la naissance de son premier enfant, le 24 septembre 1830, Claude est devenu officiellement Claude Condemine. Pour l'instant, nous n'avons trouvé aucun papier notarial stipulant la date à laquelle il a pris officiellement ce patronyme et ni par ailleurs élucidé le mystère de Claude, Camille. Ce que nous pouvons avancer, en l'état actuel de nos recherches, c'est que Claude était, le 1er avril 1807, chez la femme de Benoît Condemine à Saint-Point selon le certificat d'existence que l'une de mes tantes possède."
D'autre part : "Claude Condemine ne s'est jamais fixé à Tarare mais à Grandris où il est devenu un important industriel ayant des succursales à Saint-Vincent-de-Reins dans le Rhône, Agen et Oran. A son décès, sa fortune était colossale et nous ne pensons pas qu'un pupille de la Nation puisse, par son seul travail, arriver à ce niveau de fortune. [...] Claudine Berge [...] était issue d'une grande famille d'Ambierle (Loire) et se maria avec Antoine Guillermain le 3 juin 1822. De cette union, 5 enfants sont nés, que Claude Condemine éleva avec ses 9 enfants propres.
Louis Girin, que E. Magnien a rencontré, était l'arrière petit-fils de Claude Condemine, cousin de notre grand-mère. Il a effectué, jusqu'à son décès le 26/01/1963, les recherches sur la mère, mais en vain. [...]
Le seul document dont nous disposons, c'est une photo de A. de Lamartine signée du poète et indiquant "M. Claude CONDEMINE. Hommages". C'est un indice troublant supplémentaire : comment un pupille de la Nation aurait pu approcher A. de Lamartine, qui lui aurait remis une photo de lui ?"
Quant aux héritages oraux, nous savons, de par notre grand-mère, qui était l'arrière-petite fille de Claude Condemine, que ce dernier se rendait régulièrement voir son père à Paris.
Par ailleurs, notre grand-mère avait rencontré, lors de ses pèlerinages lamartiniens, une personne de Bordeaux, qui prétendait, elle aussi, être un des descendants illégitimes du Poète."
Commentaires de notre correspondante Brigitte Delbès-Girin, également descendante de Claude Condemine (26 septembre 2011) :
"Si l´état civil ne permet pas de confirmer de manière officielle la filiation de Claude et ses ascendants, il existe des éléments concordants permettant d´affirmer cette filiation de façon sérieuse et fondée. En effet, Lamartine a dédicacé la collection complète de ses œuvres à Claude. D´autre part, nous possédons (ma sœur et mon cousin) des portraits originaux dédicacés par Lamartine. Celui-ci aurait entretenu avec Claude une relation proche et constante du début à la fin de sa vie."
Sources bibliographiques :
MAGNIEN (Emile), Dans l'intimité de Lamartine, 2e édition revue et complétée, Mâcon, 1974, p. 12-28.
LAMARTINE (Alphonse de), Mémoires de jeunesse 1790-1815, présentés par Marie-Renée Morin, Paris, 1990, p. 44, 53, 89.
Lamartine et sa famille. Etude généalogique et héraldique, "Ceux du Mâconnais", antenne locale du Cercle Généalogique de Saône-et-Loire, Mâcon, 1993, p. 90.
TOESCA (Maurice), Lamartine ou l'amour de la vie, Paris, 1969, p. 66, 70.
Le fils caché de Saint-Sorlin : Joseph Lenoir
La tradition orale :
La tradition orale familiale, ferme, constante et concordante, nous a livré l’élément suivant : notre ancêtre Lenoir, père de Joannès, Euphrasie et Delphine Lenoir, était le fils naturel d’Alphonse de Lamartine. Cette tradition a été gardée par toutes les branches subsistantes. Delphine Lenoir n’était autre que la grand-mère de notre grand-mère, qu’elle connut bien. Entre les personnes directement impliquées dans les évènements et nous-mêmes, ne se trouve, pour ainsi dire, qu’un seul relai chronologique théorique, celui correspondant à la génération de notre grand-mère. Il va sans dire que la tradition s’est propagée et continue à s’échanger de parents à enfants, de grands-parents à petits-enfants, et, de manière transversale, entre cousins. Cette même tradition fait état du mariage, arrangé à la hâte, de notre ancêtre mère de l’enfant naturel Lenoir, avec un homme complaisant qui accepta de reconnaître l’enfant. De l’enfant lui-même, elle nous a transmis qu’il considérait Lamartine comme une sorte de «parrain». Le poète se serait soucié de son éducation : le jeune Lenoir aurait été envoyé à Mâcon faire des études dans une institution religieuse selon certaines sources, «auprès d’un oncle curé» selon d’autres (l’une précisant même que ce curé aurait appartenu à la propre famille ou à l’entourage du poète). Lamartine écrivait des lettres à son «filleul». Ces lettres, qui constitueraient aujourd’hui pour les historiens une preuve de la paternité clandestine de Lamartine, ont malheureusement été brûlées par Euphrasie Lenoir, l’une des filles de l’enfant naturel. Cette destruction n’est pas à mettre sur le compte d’une quelconque volonté d’éliminer les traces écrites de la bâtardise de son père. Elle fut mue tout simplement par la honte des reproches qui étaient adressés à ce dernier par le poète : Lamartine n’aurait guère été satisfait des résultats scolaires de son protégé. Lenoir devint représentant de commerce, négociant. On a conservé l’anecdote qu’il reprochait à sa femme d’être trop douce avec sa progéniture. Il aurait prononcé cette phrase à propos de son foyer : «Quel désordre dans cette maison ! Chacun fait sa soupe !». Voilà pour la tradition.
Les recherches dans les registres d’état civil et de catholicité :
Lorsque nous avons débuté ces recherches, nous ne connaissions ni le prénom, ni les date et lieu de naissance dudit Lenoir. Partant des actes familiaux à notre disposition, nous avons donc employé le procédé le plus classique en généalogie, celui qui consiste à remonter le temps d’acte en acte. Ces recherches nous ont permis de retrouver le prénom de l’enfant - il s’appelait Joseph - ainsi que son acte de naissance à la date du 11 novembre 1810, sur la commune de Saint-Sorlin (Saône-et-Loire, aujourd’hui commune de La Roche-Vineuse) et son acte de baptême, sur la paroisse du même nom, à la même date. L’ancienne commune de Saint-Sorlin était placée juste à côté de Milly, où se trouvait la maison des parents de Lamartine. La mère de l’enfant se nommait Benoîte Payebin et avait été mariée au sieur Jean Lenoir, tonnelier à Saint-Sorlin.
La tradition familiale parlant d’un mariage arrangé à la hâte peu après la conception de l’enfant, nous nous attendions évidemment à retrouver l’acte de mariage Lenoir-Payebin sept ou huit mois avant la naissance de Joseph. De façon surprenante, le mariage eut lieu le 9 janvier 1810 à Saint-Sorlin, autrement dit 10 mois avant la date officielle de naissance et de baptême de l’enfant. S’en tenir simplement aux actes signifiait reconnaître non seulement que l’enfant avait été conçu après le mariage de Benoîte avec Jean Lenoir, mais encore que Lamartine n’était pas le père de l’enfant puisqu’à l’époque présumée de la conception (celle induite par l’acte de naissance de Joseph) il n’était tout bonnement pas présent à Milly ! Pensant « qu’il n’y a pas de fumée sans feu » et ne pouvant évidemment réduire à une fable une tradition familiale «récurrente», appuyée d’éléments concrets, et confortée par la découverte du lieu de naissance de l’enfant à proximité de la maison des Lamartine, nous avons donc poursuivi nos investigations.
Marier à la hâte sa fille enceinte à un homme complaisant, n’est-ce pas vouloir cacher un fait jugé honteux ? Or, comment ce fait aurait-il pu rester secret dans un petit village, si la naissance de l’enfant avait été déclarée sept ou huit mois seulement après le mariage ? Tel est le raisonnement que la famille de Benoîte Payebin (et peut-être celle de Lamartine ?) dut tenir. La conclusion que nous avons adoptée, conclusion confortée, nous le verrons plus loin, par certains faits, dates et écrits, est donc que la déclaration de la naissance de Joseph et son baptême furent volontairement retardés à une date qui ne pouvait éveiller les soupçons du voisinage : il est remarquable, qu’à deux jours près, la date choisie se situe justement 10 mois après le mariage...
Combien de temps s’écoula-t-il entre la conception de l’enfant et le mariage arrangé ? A-t-on quelque élément en faveur de la présence d’Alphonse de Lamartine à Milly quelque temps plus tôt ? Par chance, la famille Lamartine a laissé des écrits qui sont autant de jalons permettant de proposer un scénario crédible. Laissons la parole à Lamartine lui-même.
Extrait d’une lettre de Lamartine à son ami Guichard de Bienassis (Mâcon, 24 novembre 1809) :
«[...] J’espère t’aller surprendre un jour de cet hiver : je le passe à Lyon où je vais me morfondre sur le grec, peut-être aussi sur l’anglais, etc., etc. Mon projet est de travailler huit bonnes heures par jour ; peu ou point de société que les spectacles. Je te parlerai de tout cela plus en détail, en temps et lieu. Je suis toujours à la campagne. J’ai quelques chose qui m’y attache beaucoup et qui me fait furieusement regretter d’être obligé de rentrer à la ville dans une dizaine de jours : tu devines ce que je veux dire. Oui, mon cher ami, c’est une petite passion, je dis petite parce qu’il me semble qu’elle pourrait encore être plus violente. Veux-tu savoir ce que j’aime ? C’est une jeune femme de 19 à 20 ans, très jolie, très bonne, très simple et très naïve, qui m’aime aussi, à ce que je crois, et qui me l’a avoué. Il n’y a que quinze jours que j’ai fait sa connaissance et nous sommes déjà très bien. Cependant il n’y a encore rien de positif. Et je vais être obligé de l’abandonner pour un an peut-être. C’est cruel ! Un autre profitera de mes avances, quoique jusqu’ici elle soit irréprochable. Et alors je ne l’aimerai plus, car je veux un cœur tout neuf. Je te manderai où j’en suis dans ma première lettre. Regina potens Cypri ! ayez pitié de moi ! Adieu, aime-moi comme je t’aime. Je vais repartir pour la campagne dans l’instant. Le meilleur de tes amis».
Extrait d’une autre lettre de Lamartine à Guichard de Bienassis (Milly, 10 décembre 1809) :
«[...] Tout intéresse quand on aime. Tu dois le savoir mieux que moi. Mais qu’est-ce que je dis là : mieux que moi ? Ah ! mon ami, me voilà pris ! me voilà mort ! j’aime et j’aime sans espérance ! j’aime quelqu’un qui ne peut pas m’aimer, du moins j’ai de fortes raisons de le craindre. Quant à la dernière petite intrigue dont je te parlais dans ma dernière lettre, c’est fini. Qu’est-ce qu’un peu de beauté sans esprit ? Voilà une bonne leçon pour moi, et, si jamais je me laisse reprendre par la figure seule, cela ne sera pas faute d’expérience. Ce n’est point une beauté que j’aime à présent, mon ami, mais c’est toute l’amabilité, toute la sagesse, toute la raison, tout l’esprit, toute la grâce, tout le talent imaginable, ou plutôt inimaginable. Ah ! plains-moi et console-moi si tu peux. J’en mourrai, je le sens ! Aimer sans espoir ! Ah ! comprends-tu un peu cela ? [...]».
Les «spécialistes» de Lamartine ont, depuis longtemps, identifié la jeune personne gracieuse et intelligente que le poète affirme aimer «sans espérance» dans cette seconde lettre à Guichard. Il s’agit de Caroline Pascal, fille du docteur Pascal, médecin de famille, que les Lamartine côtoyaient et qui habitait justement Saint-Sorlin... Il est étonnant qu’aucun auteur - à notre connaissance - ne se soit interrogé sur l’identité de la jeune « beauté sans esprit » que Lamartine fréquente peu de temps avant de tomber amoureux de Caroline Pascal, et dont il entretient son ami Guichard sur un ton frivole et – osons le dire - quelque peu machiste. Or les deux lettres ont été écrites respectivement 46 et 30 jours avant le mariage Lenoir-Payebin. N’est-il pas très tentant de reconnaître Benoîte Payebin, fille d’un tonnelier de Saint-Sorlin, en cette jeune femme «très jolie, très bonne, très simple et très naïve», rapidement délaissée par le poète ? Replacée dans son contexte, la première lettre n’est guère ambigüe : «une petite passion», qui «pourrait encore être plus violente», une jeune femme «jusqu’ici [...] irréprochable», «au cœur tout neuf», avec laquelle il est «déjà très bien», sans qu’il n’y ait «encore rien de positif», et dont il craint, s’il doit quitter la campagne, qu’elle ne se tourne vers un autre qui «profiterait» alors «de ses avances», ne s’agit-il pas précisément d’un flirt que le jeune homme espère transformer en une relation intime, comme le feraient nombre de garçons de son âge ? Quand il redoute qu’un autre «profite» «de ses avances», Alphonse fait-il simplement allusion à sa crainte que la jeune fille, ayant fait l’expérience du désir sensuel, ne soit tentée de passer à l’acte avec un autre ? Ou bien veut-il plus précisément parler d’un prétendant dont il aurait connaissance (comme Jean Lenoir) ?
L’âge qu’il donne à la jeune femme, «19 à 20 ans», ne semble guère un obstacle à son identification à Benoîte Payebin, alors âgée de trente-et-un ans. En effet, tous les auteurs s’accordent à dire que le poète, lorsqu’il fait référence à des faits réels, a une fâcheuse tendance à enjoliver ou travestir la réalité, ainsi qu’à brouiller plus ou moins volontairement les chiffres et les dates. Evoquant, par exemple, sa rencontre avec Caroline Pascal dans ses Confidences, il précise qu’il avait seize ans comme elle, alors qu’il en avait en réalité dix-neuf.
A l’automne 1809, Alphonse, qui vient de terminer ses études au collège de Belley, où il a acquis de solides connaissances, ressent un ennui profond. Livré à lui-même par une famille indécise quant à son avenir, il est en proie au désoeuvrement le plus complet, ce dont témoigne la correspondance envoyée à ses amis. Mais les deux lettres de Lamartine à Guichard ne sont pas les seuls éléments écrits susceptibles de nous éclairer. Le journal intime d’Alix des Roys, mère du poète, est également riche d’enseignement.
Extrait du Journal de Mme de Lamartine, préfacé et annoté par Michel Domange :
«Samedi 16 décembre [1809], Mâcon – Je suis ici depuis mardi. Il faisait beau, mon petit voyage fut heureux, quoique j’aie été fatiguée du peu de peine que j’avais eue. Peut-être aussi pour avoir pris un peu trop de rhubarbe. Cela m’a donné des insomnies, un peu d’irritation nerveuse qui n’est pas encore passée. Toutes mes nuits ont été mauvaises, ce qui a été aussi occasionné par de l’inquiétude et un sujet de chagrin que je ne peux pas mettre ici, mais qui a été vif, et dont la cause n’est pas encore passée, quoique cependant par l’effet du temps il s’est un peu adouci dans mon esprit, ou plutôt par la bonté de la Providence, car sans elle le temps ne ferait que l’aggraver. C’est au sujet de mon fils, et ce qui me peine le plus c’est que je ne peux demander conseil à personne et que j’ai peut-être quelques reproches à me faire. J’appelle sans cesse Dieu à mon secours, et je dois bien croire qu’il ne m’abandonnera pas plus dans cette circonstance que dans toutes les autres où il m’a si puissamment assistée. [...]».
Michel Domange, annotateur du journal de la mère d’Alphonse, analyse ainsi ce passage : «Alix de Lamartine avait d’abord écrit : «C’est au sujet d’un de mes enfants», puis elle a corrigé la fin de la phrase pour mettre : «de mon fils», trouvant sans doute qu’elle pouvait préciser cela puisqu’elle comptait bien n’en dire pas plus. Nous sommes donc réduits aux conjectures quant à la cause de son «inquiétude» et de son «sujet de chagrin». Mais une explication plausible nous a été donnée par Alphonse de Lamartine dans son œuvre posthume intitulée Mémoires inédits, où il a écrit : «Pendant l’automne et l’hiver qui suivirent ma sortie du collège, sauf quelques badinages poétiques avec la fille du Dr Pascal, médecin et ami de la maison, personne très distinguée et très agréable qui faisait des vers auxquels les miens répondaient tant bien que mal, et dont j’étais fier de me croire amoureux très innocemment, rien n’occupait mon temps et ne fixait mon esprit.» Il est très tentant de croire qu’il y eut une idylle entre Alphonse et la fille du Dr Pascal, une idylle à laquelle le goût de la poésie servait de support, et que si, comme l’a consigné Alix le 11 décembre, son fils voulut rester le dernier à Milly où il se plaisait plus qu’à Mâcon, Mademoiselle Pascal, qui habitait Saint-Sorlin tout à côté de Milly, en a été la principale raison. Avertie par une âme charitable comme il n’en manque jamais en pareil cas, la prude Alix en aurait reçu un choc dont son journal a enregistré le contrecoup. Il faut convenir toutefois que les formules employées par la mère d’Alphonse n’avalisent pas parfaitement cette probabilité. Le «sujet de chagrin [...] dont la cause n’est pas encore passée», que, sans la Providence «le temps ne ferait qu’aggraver», cela ne peut-il être vraiment qu’une idylle comme en vivent momentanément beaucoup de jeunes gens ? Ce sujet de chagrin durable et que, sans la Providence, le temps ne ferait qu’aggraver, on est en droit de se demander si ce ne serait pas une faute d’Alphonse portant vraiment à conséquences et dont sa mère aurait eu à ce moment la révélation. Ceux qui ont fouillé la vie d’Alphonse de Lamartine savent que de sérieuses présomptions d’une paternité clandestine planent sur son adolescence. A défaut de preuves, un tissu d’indications très cohérentes accrédite en tout cas cette explication d’un chagrin dont la cause évidemment ne pouvait passer en un clin d’œil, sauf accident, et que le temps ne pouvait qu’«aggraver», puisqu’il se serait agi d’un enfant naturel destiné à tenir de plus en plus de place à mesure qu’il allait avancer en âge.»
Les éléments que nous exposions plus haut trouvent donc un écho dans ces propos de Michel Domange, qui a décelé le décalage entre cet épisode connu dans la vie du poète qu’est son amourette avec Caroline Pascal, et la gravité des mots employés par sa mère dans son journal intime.
Les termes utilisés par Alphonse dans sa première lettre à Guichard du 24 novembre 1809 laissent entendre qu’il n’avait pas encore eu de relation intime avec la jeune femme que nous identifions à Benoîte Payebin, mais que le passage à l’acte était imminent. Aussi pouvons-nous, par hypothèse, placer ce dernier vers le 25 novembre 1809. Le ton et les mots employés par Lamartine dans sa seconde lettre (10 décembre) ne semble pas ceux d’un jeune homme de bonne famille qui vient d’apprendre qu’il a mis enceinte une jeune paysanne, avec les conséquences que cela comporte. Sans doute n’est-il pas au courant, la grossesse n’étant pas encore avérée.
La mère de Lamartine dut être alertée de la faute commise par son fils entre le 11 décembre 1809 (jour où elle semble tout ignorer) et le 16 décembre, où elle fait part de ses inquiétudes dans son journal. Sous la plume de la pieuse Alix des Roys, le «sujet de chagrin [...] dont la cause n’est pas encore passée», autrement dit la faute commise par Alphonse, ne serait-il pas tout simplement sa relation charnelle avec une jeune femme ? Quant à son aggravation sans l’intervention de la «Providence», ne désigne-t-elle pas une possible grossesse ? Sans qu’une grossesse soit encore avérée, la faute commise par Alphonse et les incertitudes quant à ses conséquences nous semblent pouvoir justifier à elles seules les angoisses relatées par Alix dans son journal. D’autant que, selon toute apparence, c’est la première fois qu’Alix se trouve dans une telle situation avec son fils, la naissance en 1806 de Claude Condemine, premier enfant naturel d’Alphonse, ne lui ayant certainement pas été révélée. Peut-être aussi avait-elle été avertie par la famille de Benoîte des inquiétudes de la jeune femme face à un retard de menstruations ? En tout état de cause, 24 jours après seulement, eut lieu le mariage de Benoîte Payebin avec Jean Lenoir, ce qui, dans l’hypothèse que nous avançons, constitue pour le moins une union hâtive telle que la tradition familiale en a conservé le souvenir.
Les registres d'état civil et les recensements de la population nous précisent que Joseph Lenoir devint marchand de vins (représentant de commerce), travaillant vraisemblablement avec son frère Jean Lenoir (fils), installé comme lui à Saint-Etienne. Joseph exerça sa profession non seulement à Saint-Etienne, mais aussi à Lyon (La Guillotière), revenant ensuite à Saint-Etienne, où il finit ses jours. Il eut, de sa femme Claudine dite "Antoinette" Faure, huit enfants, dont seulement trois semblent être parvenus à l'âge adulte.
De nouvelles recherches sont envisageables qui pourraient peut-être fournir des éléments de preuve supplémentaires concernant la paternité : recherches du contrat de mariage de Jean Lenoir et Benoîte Payebin, de celui de Joseph Lenoir et Antoinette Faure, ainsi que d’éventuelles transactions financières devant notaire ou sous seing privé entre Lamartine ou sa famille et la famille Payebin/Lenoir. L’identification de l’institution religieuse de Mâcon où le jeune Joseph aurait fait des études, ainsi que celle de l’éventuel « oncle curé » qui l’aurait accueilli, ne seraient pas non plus sans intérêt. Enfin, retrouver la trace de certains cousins perdus de vue (descendants d'Euphrasie Lenoir) et confronter leurs connaissances du sujet avec les nôtres serait peut-être utile : sous toute réserve, il nous semble notamment nous souvenir que cette branche pourrait être en possession d'une photo dédicacée du poète (mais le souvenir est très vague).
Sources bibliographiques :
- Correspondance de Lamartine, publiée par Mme Valentine de Lamartine, tome premier (1807-1818), 2e édit., Paris, 1881, p. 111-113, 116-118.
- Le journal de Mme de Lamartine (née Alix Desroys), préfacé et annoté par Michel Domange, tome I, Paris, 1983, p. 376-377.
Le bâtard officiel : Léon de Pierreclau
Lamartine eut un fils naturel d’Anne Joséphine Dezoteux, épouse de son ami Guillaume Benoît Michon de Pierreclau («Nina de Pierreclau»). Il s’agit de Jean Baptiste Léon Michon de Pierreclau («Léon de Pierreclau»). Lamartine surveilla de près son éducation. Léon devint, grâce à lui, substitut du procureur du roi à Mâcon. Il épousa à Mâcon, le 28 mars 1838, une nièce de Lamartine, Alix de Glans de Cessiat, et en eut deux enfants morts sans postérité. Atteint de tuberculose, Léon mourut lui-même à 28 ans, alors qu’il venait d’être nommé sous-préfet d’Apt (Vaucluse).
Une lettre de Lamartine à son fils Léon de Pierreclau, passée en vente publique en 2005, témoigne de la sollicitude du poète à son égard :
Mâcon, 9 octobre 1831 «Je n’ai point d’admonitions à vous faire que celles que votre position même vous fera assez : utilisez fortement et courageusement ces belles années d’étude, remettez à un autre âge ce que vous envisagez comme délassements. Sortez d’abord par de vigoureuses études par une parfaite moralité de conduite, et par une capacité réelle, de la fâcheuse situation où la Providence vous a jeté ; je ne négligerai rien pour vous en donner les moyens ; viendra plus tard le tour du plaisir et du repos, encore verrez-vous bien vite que le seul vrai plaisir c’est un travail utile et récompensé par lui-même, et la satisfaction d’une conscience pure et ferme...»
Si l’on fait abstraction du ton et des formules de la lettre, qui s’adresse à un enfant naturel dont le poète ne faisait pas mystère, et de même condition sociale que son père génétique, il est sans doute possible de percevoir l’attitude qui fut celle de Lamartine à l’égard de ses autres fils bâtards, dont il semble avoir aussi suivi l’éducation.
Sources bibliographiques :
- Lamartine et sa famille. Etude généalogique et héraldique, "Ceux du Mâconnais", antenne locale du Cercle Généalogique de Saône-et-Loire, Mâcon, 1993, p. 90, 93-94.
- Drouot-Richelieu, Piasa, Catalogue de vente, mercredi 20 avril 2005, n°22.
- TOESCA (Maurice), Lamartine ou l’amour de la vie, Paris, 1969, p. 101, 104, 263, 362, 370, 372.
Un fils tardif ? : François Calamier
Contrairement aux trois autres, pour lesquels des éléments écrits émanant du poète ont existé en faveur de leur filiation, le cas de cet enfant naturel, François dit «Alphonse» Calamier, n’est connu que par le récit qu’en a laissé l’intéressé lui-même, à l’intention de ses enfants et petits-enfants, dans un style poético-dramatique qui n’aurait sans doute pas déplu à l’auteur de Geneviève ou du […] tailleur de pierre de Saint-Point. Nous devons les informations qui vont suivre à l’obligeance de son arrière-petit-fils, François-Emeric Cellérier, qui s’est lui-même intéressé à la question de l’origine de son bisaïeul et a bien voulu nous transmettre différents documents. Qu’il en soit ici sincèrement remercié.
François Calamier était né le 31 juillet 1837, non loin de Saint-Point, à Pierreclos (Saône-et-Loire), où habitait sa mère célibataire, Marie Calamier, exerçant la profession de tailleuse d’habits. Entre 1840 et 1857, il fut élevé à Paris par son oncle et sa tante. Il deviendra officier d’administration du Service des hôpitaux militaires.
Dans ses mémoires, il évoque plus particulièrement une visite qu’il aurait faite au poète à l’agonie, dans le chalet de la Petite Muette à Passy : «…le 25 février 1869, après m’être armé de courage, je m’étais rendu à Passy, pour m’inscrire au moins parmi les personnes qui venaient prendre des nouvelles de Lamartine, qui allait être débarrassé de la vie accablante qu’il menait depuis vingt ans. Mais après avoir usé du registre, je fis de plus passer ma carte portant ces mots, Alphonse Calamier, officier des Hôpitaux militaires, et le hasard voulut qu’elle fut remise de suite à Mademoiselle Valentine, la nièce du grand homme, qui le soignait avec tant de dévouement et qui fit répondre qu’on ne recevait personne. Tout était misérable et en désarroi au Pavillon. Ce n’était pas l’heure de la consultation. Aucun homme ne se trouvait alors auprès du malade, pas même son secrétaire, Mr Charles Alexandre, qui se débattait à la librairie avec des créanciers. Enhardi par ce hasard, j’insistai en disant : «Pourtant, un médecin». Je fis à nouveau passer ma carte et grâce à mon uniforme, je fus introduit. Mlle Valentine, sur le chevet du malade, me la renvoya encore dans l’antichambre. J’y ajoutais au crayon, «de Pierreclos». La carte m’étant encore revenue après un certain temps d’attente, je tentais un grand coup et écrivis «procréé à Saint Point» et fis passer à nouveau ma carte ainsi complétée. Presqu’aussitôt je vis apparaître Mlle Valentine très troublée. «Ah, juste ciel» dit-elle en palissant et en joignant les mains «Est-ce possible ?». Puis s’avançant «Que voulez vous, monsieur ?» dit alors la pauvre demoiselle dont les yeux qui détaillaient mon visage indiquaient un certain effroi. «L’entrevoir… une seconde» - «C’est impossible» – «Je vous en supplie». Et me jetant à ses pieds, je baisai le bas de sa robe. «Je vous en supplie» dis-je encore en lui prenant les mains. Je sentis qu’elle faiblissait, des larmes jaillirent de ses yeux. Un combat se livrait dans son cœur et je l’entendis murmurer : - «pourtant, si c’était vrai ?» – « je le jure sur mon honneur d’officier et pour le voir un instant, j’ensevelis à tout jamais dans votre cœur un secret que seul je possède, car ma mère est morte en me le léguant». Alors mes larmes se joignirent aux siennes, puis tout à coup, m’attirant avec force, elle me dit : «venez, c’est Dieu qui vous envoie. Peut-être pourriez vous encore le sauver». Et elle me conduisit au chevet du moribond qui n’en avait pas pour trois jours à vivre. Il était trop tard !… Le pauvre grand homme, usé dans la lutte pour la vie, qu’un fils n’avait pu partager avec lui, était dans le coma, les yeux fermés, inerte. Elle s’approcha de son oreille et lui dit mon nom. Alors avec un grand effort, le malade réussit à entrouvrir un œil dont le regard éteint resta longtemps attaché sur moi, puis il murmura : «c’est un nom du pays, j’ai connu une Marie de ce nom là …» et son œil se referma pour ne plus s’ouvrir - m’a-t-on dit - car il mourut le 28 février, deux jours après, sans avoir repris connaissance. Cette scène pénible se présentait souvent à ma mémoire.»
Selon les biographes de Lamartine, le poète, après son mariage, se serait considérablement assagi, renonçant à la vie quelque peu dissolue qu’il menait étant jeune homme. Cet enfant, conçu alors que Lamartine avait quarante-sept ans, viendrait contredire le fait. Toutefois, on peut objecter qu’avec la meilleure volonté du monde, l’homme réussit rarement à changer complètement sa nature et la connaissance de la personnalité de Lamartine - auquel on attribue de nombreuses liaisons - ne nous semble pas interdire cette paternité. En outre, les éléments précis donnés par F. Calamier sur sa filiation («procréé à Saint-Point»), la mise en jeu de son « honneur d’officier », de même que la référence à la mémoire de sa mère («j’ensevelis à tout jamais dans votre cœur un secret que seul je possède, car ma mère est morte en me le léguant») ne peuvent que troubler le lecteur par leurs accents de sincérité. En l’état actuel de nos connaissances, nous ne voyons donc pas de raison objective de mettre en doute son témoignage. Comme pour les autres enfants naturels, des recherches tant dans les archives de Lamartine (toujours en mains privées), qu’aux Archives départementales de Saône-et-Loire, permettraient peut-être de trouver de nouveaux éléments de preuve de cette filiation.
Sources :
- Aimables communications par emails (janvier 2013) de M. François-Emeric Cellérier, arrière-petit-fils de François Calamier : extraits, annotés par lui, des mémoires de F. Calamier ; fiche signalétique de F. Calamier ; photographies ; notice biographique sur F. Calamier par Francis Pichard (avec la collaboration de F.-E. Cellérier), 2012 ; informations complémentaires transmises par emails.
- Archives départementales de Saône-et-Loire : registre paroissial de Pierreclos (naissances de 1837) ; recensement de la population de Pierreclos (1836).
Sources bibliographiques générales (jeunesse et famille de Lamartine) :
- Lamartine et sa famille. Etude généalogique et héraldique, "Ceux du Mâconnais", antenne locale du Cercle Généalogique de Saône-et-Loire, Mâcon, 1993.
- TOESCA (Maurice), Lamartine ou l’amour de la vie, Paris, 1969.
- DEJEY (Marius), Enfance et jeunesse de Lamartine, 3e édition, Lyon et Paris, 1901.
- LACRETELLE (Pierre de), Les origines et la jeunesse de Lamartine 1790-1812, Paris, 1911.
© Bruel (Brogilos/Geneanet)
(Source : arbre de la famille Bruel sur Geneanet).
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