Le Navarin était
un vaisseau de 100 canons à voiles du même type que le
Fleurus, propulsé par une hélice, avec une machine
Schneider de 650 chevaux, avec une voilure de 2762 m². Ses
dimensions étaient de 62,86, par 16,84, par 7,82 mètres,
pour un déplacement de 4920 tonneaux. L'équipage
était composé de 883 hommes. Quant à l'armement, il
se composait de 2 canons de 14 centimètres et 1 canon de 12 pour
la première batterie, 5 canons de 4 centimètres pour la
seconde batterie, et 2 canons de 14 centimètres et 1 de 12 sur le gaillard.
Le Navarin fut sur cale en mai 1832 et transformé en 1853. Le
lancement fut effectué le 26 juillet 1854, avec une mise en
service le 17 octobre 1854, avant d'être rayé le 13
juillet 1886.
Historique
Le navarin est construit à Toulon en 1832. Il est remis à l'eau en 1854 après avoir été transformé.
Suite à la guerre de Crimée, à laquelle il participe, le navire appareille
de la baie de Kamiesch, près de Sébastopol, le 28 juillet 1855 à
destination de Toulon, avec à son bord des blessés.
Le 9 septembre 1857, le vaisseau est désarmé.
Le 23 août 1862, le navire quitte Toulon pour effectuer le 1er convoi
du 5ème départ de troupes pour l'expédition du Mexique. Il transporte
le 95ème de ligne du général Castagny, soit 1046 hommes et 25 chevaux.
On le retrouve ensuite en escale à Ténériffe le 1er
septembre, et il arrive à Vera Cruz le 16 octobre 1862.
On doit à
Bertrand Puel (merci à lui pour cet envoi) un scan d'une gravure de
cette époque représentant le
navire où un
de ses ancêtres,
Pierre Gicquel, était marin.
Le 3 janvier 1863, le Navarin accoste à Toulon, venant de Vera
Cruz. Au cours de ce voyage, le navire avait fait escale à San
Yago de Cuba (sic), et à Madère.
Le 5 juillet 1866 il est en carénage à Toulon, avant
d'appareiller le 6 janvier 1867 en direction de Vera Cruz. Il
arrivera au Mexique le 1er mars 1867, pour l'évacuation de
troupes. Le 12 mars 1867, le Navarin appareille de Vera Cruz pour la
France, ayant embarqué 1174 passagers (3 officiers supérieurs, 35 officiers subalternes et 1136 hommes de troupe).
En 1873, le vaisseau est transformé en transport à
voiles. En juin, il est question de son armement en vue d'effectuer le
transport en Nouvelle-Calédonie des forçats du bagne de Toulon. Fin
1875, l'armement est annoncé pour les premiers mois de 1876. En mars
1876, l'armement du navire à Toulon est annoncé pour les environs du
1er juillet, pour un voyage en Nouvelle-Calédonie le 1er septembre.
De 1876 à 1885, le Navarin effectuera le transport de
forçats et de déportés vers la Nouvelle-Calédonie.
En mai 1876, suite à des propositions d'amnistie de déportés il est prévu
d'envoyer le Navarin puis le Tage pour les rapatriements. L'état-major
du Navarin sera constitué de cinq lieutenants de vaisseau et 5
enseignes. Le 20 mai, le navire est entré au bassin à Toulon, en vue d'effectuer le 17ème convoi de déportés.
Fin
juin 1877, annonce est faite qu'à son retour de Nouvelle-Calédonie et
Tahiti, le navire sera réparé en vue d'un nouveau voyage de
circumnavigation en septembre. En septembre embarquent les lieutenants
de vaisseau Thesmar, Verharne, Le Bras, les enseignes de vaisseau
Simon, Baugnel, Hiart, Le Golleur, P.-M. Ollivier et Rozier, le médecin
de 2ème classe Defaut, les aides-médecins Galibert et Le Golleur,
L'aumônier de 2ème classe Darrieux, en provenance du navire, est placé
en non-activité par suppression d'emploi. Le Navarin devra recevoir à
Brest un contingent de 14 déportés puis à l'île d'Aix, un convoi de 380
à 400 transportés, à destination de la Nouvelle-Calédonie. Ce sera le
19ème convoi de déportés. La 8ème compagnie du 3ème régiment
d'Infanterie de Marine, composée du capitaine Puech et de 100 hommes
embarquera également à l'île d'Aix, à destination de Tahiti.
Embarqueront également, mais à destination de la Nouvelle-Calédonie, le
chef de bataillon Nicot, les lieutenants Baudot, Chatelain, et le
sous-lieutenant Greiner. Le lieutenant de vaisseau Boueil, nommé au
commandement de la chaloupe-canonnière Perrier à la Nouvelle-Calédonie
a reçu l'ordre d'être à Rochefort pour le 1er octobre, afin d'embarquer
sur le Navarin à destination de Nouméa. Mi-septembre, l'aumônier de
1ère classe Goudot est dirigé sur Brest pour embarquer sur le navire.
Le Navarin sera réarmé le 10 novembre 1878, en vue d'effectuer un
voyage en Nouvelle-Calédonie. Il est prévu partir de Brest pour l'île
d'Aix du 20 au 25 décembre 1878, pour prendre un convoi de condamnés.
En novembre, le capitaine de frégate Littré quitte Cherbourg pour
Brest, afin d'embarquer en qualité de second. Les aides médecins E.
Giraud et Machenaud, du port de Rochefort, sont désignés pour embarquer
sur le navire. Les 43ème et 44ème compagnies du 3ème régiment
d'Infanterie de Marine, désignées pour relever les 14ème et 15ème
compagnie du même régiment, rejoindront la Nouvelle-Calédonie par le
Navarin. L'enseigne de vaisseau d'Espinay-Saint-Luc embarque par
permutation avec son collègue Le Guen. Le médecin de 1ère classe P.
Barret en qualité de médecin-major (il est dirigé sur Rochefort le 10
décembre pour faire partie de la commission médicale chargée de
visiter les transportés à embarquer), l'enseigne de vaisseau Maudet,
l'enseigne de vaisseau de Kérillis-Calloch embarquent également.
Prendront place parmi les passagers à Rochefort, le capitaine
d'Artillerie Moraux, le garde d'artillerie Nodin et sa famille, un
maître-armurier de Lorient, 46 sous-officiers et canonniers provenant
de Cherbourg et de Lorient. Embarqueront à Brest le 20 décembre, le
capitaine en second d'Artillerie de Marine Gobert, l'aide-commissaire
Delacour du cadre colonial, l'enseigne de vaisseau Dejean destiné à la Gazelle.
Le Navarin est mis en rade le 7 décembre 1878. Le 20 décembre à 10h15, il quitte Brest pour Rochefort.
Un article du 21 donne la composition
de son état-major. En vue de l'île d'Aix le 23 décembre, le navire est
attendu le 25 dans la soirée au mouillage, et doit être remorqué par le
Travailleur. Il
arrive
finalement le 24 à 16h00, doit embarquer 360 condamnés le 28, puis
partir le 29 pour Ténériffe et Nouméa. Ayant appareillé, le navire est
obligé de revenir au mouillage de l'île d'Aix le soir même de son
départ, suite à des avaries dans sa mâture occasionnées par le mauvais
temps. Le lieutenant de vaisseau Mousnier-Lompré embarque. Le transport
appareille à nouveau le 6 janvier 1879 à 11h40, et entre en relâche à
Brest le 15 janvier, suite à ces avaries de mâture. Le départ vers la
Nouvelle-Calédonie a lieu depuis Brest le 27 janvier 1879. Le 11
février, le Navarin arrive à Sainte-Croix (Santa-Cruz) de Ténériffe, et
tout allait bien à bord. Il en repart le 14 en direction de Nouméa. Le
7 mars, le navire se trouvait à hauteur de Bahia (Brésil), par 14° de
latitude sud et 30° de longitude ouest. Tout allait toujours bien à
bord. Le transport arrive à Nouméa le 11 mai 1879. De retour à Brest le 28 septembre 1879,
le
capitaine de vaisseau Brossollet, qui commandait le Navarin quitte le
navire, désigné pour présider de façon permanente les commissions
nautiques du littoral français, en remplacement de Monsieur Rougevin,
qui part en retraite. Le 16 octobre, le transport est désarmé et remis
aux Directions.
Le 20 février 1880, le Navarin est prévu entrer en armement définitif,
afin d'effectuer un voyage en Nouvelle-Calédonie. C'est la capitaine de
vaisseau Bosc qui en prend le commandement (décision présidentielle du
16 février), et c'est le capitaine de frégate Tourneur qui est désigné
d'office pour être second. L'armement se fera le 1er mars, pour un
départ le 1er avril. Les aides-médecins du Bois Saint-Sevrin, de Brest,
et Amouretti, de Toulon sont désignés pour embarquer sur le Navarin. Le
navire doit recevoir début avril à l'île d'Aix un contingent de 400
condamnés à la transportation en Nouvelle-Calédonie en provenance de
Saint-Martin-de-Ré. Courant mars, embarque au choix l'enseigne de
vaisseau Marielle-Tréhouart, et fin mars le médecin de 2ème classe
Fournier. Prendront part au voyage également, à Rochefort, les 25ème,
27ème et 35ème compagnies du 3ème régiment d'Infanterie de Marine, pour
relève des 11ème, 12ème et 19ème compagnies en Nouvelle-Calédonie, le
lieutenant de vaisseau Daniel commandant la Baïonette.
Seront aussi parmi les passagers, les enseignes de vaisseau Daniel,
destiné à la Nouvelle-Calédonie, et S. de Kertanguy, destiné à Tahiti,
le premier maître de manœuvre Perrois, nommé au commandement de la
goélette Dumbéa en
Nouvelle-Calédonie, les lieutenants d'Artillerie de Marine Romey et Le
Bigot, appelés à servir en Nouvelle-Calédonie, ainsi que plusieurs
détachements de militaires du régiment et des 3ème et 4ème compagnies
d'ouvriers d'Artillerie de Marine, l'aide-commissaire Morin du cadre
colonial destiné à Tahiti, l'inspecteur-adjoint Le Gallois et le
sous-commissaire Mittre, destinés à la Nouvelle-Calédonie,
l'aide-commissaire Rincazaux destiné à la Dives
en Nouvelle-Calédonie, le lieutenant de Vassoigne de la 3ème compagnie
du 2ème régiment d'Infanterie de Marine, qui doit remplacer le
lieutenant Ferrandi du 3ème régiment, empêché de partir pour cause de maladie.
Un article du 20 mars donne une liste d'officiers d'Artillerie
et d'Infanterie qui seront aussi parmi les passagers du Navarin. Le
navire quitte Brest le 1er avril à 14h00, en direction de l'île d'Aix
mais, en raison du mauvais temps, il rentre au mouillage de Brest à
20h00. Le matin du 7 avril, remorqué par la Creuse,
Le bâtiment quitte Brest pour l'île d'Aix, où il mouille dans la nuit
du 8 au 9. Le dimanche 11 à 14h00, les passagers quittent le port de
Rochefort à bord du Travailleur, du Lama, et du Plongeur, afin de
gagner le Navarin, le lundi 12 les 302 condamnés sont embarqués, et le
lendemain la commission supérieure présidée par le contre-amiral
Martin, major-général, se rendra à bord pour passer l'inspection, avant
que le navire n'appareille le même jour à 17h00.
Un article du 17 avril
donne la composition de son état-major, et une liste partielle des
passagers. Du 28 avril au 2 mai il fait relâche à Ténériffe. Il est
rencontré en mer quelques jours après par la malle du Cap, tout va bien à bord.
Un article du 30 juin annonce l'arrivée du navire, ou son
imminence, et prévoit sa retenue à Nouméa, en vue du vote de l'amnistie plénière,
pour participer aux rapatriements. Un autre article du 7
juillet mentionne sa rencontre le 19 mai avec le navire Craig-Orol,
par 4° de latitude sud et 29° de longitude ouest. Une dépêche
télégraphique de Sidney, datée du 12 août, annonce l'arrivée du Navarin
à Nouméa. Un article du 6 octobre, mentionne son arrivée le 27 juillet,
pour un retour sur Brest prévu courant septembre. Cet article mentionne
également que pendant les 2 mois de relâche, le Navarin en profitera
pour réparer ses avaries de mâture et voilures, suite à un violent
grain le 4 juillet, et un ouragan le 9. Parmi les passagers prévus au
retour, M. Leboeuf, directeur de la flottille pénitentiaire, remplacé
par le lieutenant de vaisseau X. Simon. Le Navarin quitte Nouméa le 4
septembre 1880. Après son retour à Brest début janvier 1881, le navire est placé en réserve de 2ème catégorie le 1er février.
Le 1er juin 1881 le vaisseau à voile arme à Brest, pour un départ vers
l'île d'Aix et la Nouvelle-Calédonie le 1er juillet. Les aides-médecin
Planté, de Rochefort, et Fras, de Toulon, sont désigné pour embarquer
le 1er juin. Embarquent sur le navire les lieutenants de vaisseau
Brindejonc, Gilbert, Adam, Pichon, et les enseignes de vaisseau E.
Nicol, E. Noël, et de Voisins. Le capitaine de frégate Marciac embarque
en qualité de second, et le lieutenant de vaisseau Somborn au choix. Le
lieutenant de vaisseau Pichon embarquera à Brest pour la
Nouvelle-Calédonie, où il doit servir en qualité de second de la Dives.
Les lieutenants de vaisseau Giron et Potin, nommés au commandement de la Dives
et du Loyalty
en Nouvelle-Calédonie, prendront place à bord vers le 5 juillet, ainsi
que le pharmacien de 1ère classe Campana, en remplacement de son
collègue M. Taillotte. Prendra place à Rochefort, le premier maître de
timonerie Lalanne, nommé au commandement du Moindou
en Nouvelle-Calédonie. Le vaisseau-transport doit recevoir à l'ile
d'Aix 321 transportés, et 4 arabes déportés. Mi-juin, le
sous-commissaire Salvignol a été embarqué sur le Navarin, ainsi que le
médecin de 1ère classe Le Tersec et le médecin de 2ème classe Néis. Un
article du 18 juin donne une liste de passagers prévus pour ce voyage.
Messieurs Le Camus et Bourgey feront partie des passagers, le premier à
Brest, et le second à Rochefort, de même que le sous-lieutenant
d'Infanterie de Marine Valet, du 3ème régiment, appelé à servir en
Nouvelle-Calédonie. Le lieutenant de vaisseau R. M. Robert, nommé
résident aux île Marquises, et devant exercer en outre le commandement
de la goélette affecté à ce service, rejoindra sa destination à bord du
Navarin. Rejoindront également la Nouvelle-Calédonie par le même moyen
messieurs Munier et Thomas, conducteurs des Pontes-et Chaussées de 4ème
classe, et embarqueront à Rochefort. Au retour, il ramènera les 43ème
et 44ème compagnies du 3ème régiment, en même temps que les 21ème et
22ème compagnies, qui seront relevées au moyen de ce transport par les
14ème et 15ème compagnies avec leur effectif réglementaire (100
sous-officiers, caporaux et soldats chacune). Il ramènera de même le
médecin de1ère classe Fontorbe qui accompagne depuis Bordeaux un convoi
de femmes à destination de la Nouvelle-Calédonie. Le 22 juin, le navire
est mis en rade de Brest. Le 1er juillet, à 6h00, remorqué par le Souffleur,
il appareille pour l'île d'Aix, où il arrive dans la nuit du 2 au 3.
Un article du 6 juillet donne le programme d'embarquement pour les
passagers et les condamnés, avec départ prévu dans la soirée du 7, après passage de la commission d'inspection.
Un article du 9 juillet
mentionne l'appareillage le 8, et donne le nombre des condamnés, une
liste de passagers, et la composition de l'état-major du navire. Un
autre article, du 16 juillet, donne une liste partielle des condamnés.
Le Navarin arrive à Nouméa le 30 octobre, et en repart le 1er décembre
1881. A son retour à Brest, le 2 avril 1882, il est désarmé et placé en
réserve.
Le 10 octobre 1882, le navire entre au bassin à Brest.
Le
vaisseau-transport entre en armement le 1er février 1883, pour un
voyage un
Nouvelle-Calédonie le 1er mars. Par décision présidentielle du 14
janvier, le capitaine de vaisseau A.C.E. Forget est nommé au
commandement du vaisseau transport à voile le Navarin à Brest. Le
sous-commissaire Dudrumel est désigné pour embarquer sur le navire. Le
sous-commissaire Gast, en congé de convalescence de deux mois, reçoit
l'ordre de rejoindre son poste en Nouvelle-Calédonie par Brest le 1er
mars avec le navire. Les aides-médecins Hébrard, du port de Toulon, et
Duville (il permutera finalement avec son collègue Delay, de l'Héroïne),
de celui de Rochefort, sont désignés pour embarquer sur le Navarin. Le
lieutenant d'Infanterie Maurat, prendra place sur le navire à Rochefort
pour se rendre en Nouvelle-Calédonie, ainsi que Monsieur Belenfant,
nommé sous-chef à l'administration pénitentiaire en Nouvelle-Calédonie.
Le Navarin quitte donc Brest le 1er mars, pour l'île d'Aix, où il
mouille le 5 au soir. Le 7, il reçoit ses passagers civils et
militaires, le 8 ses condamnés, et le 9 c'est l'inspection par la
commission. Le même 9 mars à 17h00, c'est le départ, le remorquage étant effectué par le Travailleur.
Un article du 14 mars donne la composition de son état-major, et une
liste de passagers, mentionnant 330 passagers civils et militaires et
320 condamnés. Un article du 4 avril, fait part de d'une escale du 23
au 26 mars à Santa Cruz de Ténériffe, du décès de 2 transportés pendant
cette traversée. L'article mentionne également un coup de vent de 36
heures subi par la Navarin vers Gibraltar, au cours duquel il a failli
perdre une baleinière. Le 6 avril, le vaisseau est rencontré par 13° de
latitude nord et 28° de longitude ouest, tout va bien à bord. Un
télégramme arrivé à Paris le 6 juillet 1883 annonce l'arrivée à Nouméa
du Navarin. Un article du 1er septembre donne comme date d'arrivée à
Nouméa le 28 juin, et raconte de nouveaux déboires subis par le navire
début juin. Cet article mentionne également le départ le 2 août
en direction de Brest. A son retour il est prévu être désarmé. Le 5
septembre, il est rencontré par 10° de latitude nord et 27° de
longitude ouest par le steamer anglais Cotopaxy.
Attendu à Brest courant novembre, un article du 6 octobre donne une
liste de passagers rentrant de Nouvelle-Calédonie par le Navarin. Le 9
octobre le vaisseau touche Sainte-Hélène, tout va bien à bord. Il en
appareille le 11 pour Brest, où il mouille en rade dans la nuit du 20
au 21 novembre. Mi-décembre, le capitaine de vaisseau Forget, la
capitaine de frégate Besson, les lieutenants de vaisseau Le Barzic,
Rozier, Gaudin, Ollivier, et les enseignes de vaisseau Simon et
Fournier débarquent.
Mi-mars 1884, le Navarin est désigné pour effectuer le voyage en
Nouvelle-Calédonie du 1er juin et doit est armé le 25 avril dans cette
perspective. Il doit prendre en charge 310 condamnés à l'île d'Aix. Par
décision présidentielle du 30 mars, le capitaine de vaisseau Penfentenyo
de Kervéréguinest désigné commandant du vaisseau à Brest. Le
capitaine de frégate Bienvenue sera le second du navire, il recevra 5
lieutenants de vaisseau pris dans les services à terre et aucun
enseigne de vaisseau n'embarquera. Le médecin de 1ère classe Frison, le
médecin de 2ème classe Salaun, l'aide-médecin Durand, l'enseigne de vaisseau Pichon (il passera sir
la Vire
à Nouméa) Salaun embarquent. Le 20 mai, le navire est en rade de Brest.
Par décision du même jour, le surveillant de 1ère classe des
établossements pénitentiaires, est nommé surveillant-chef de 2ème
classe, et ilaura le commandement des condamnés embarqués sur le
Navarin, en remplacement de monsieur Barre, admis à la retraite sur sa
demande. Parti le 1er juin, il mouille en rade de l'île d'Aix le 3 vers
15h00. Les passagers sont embarqués le 5, les prisonniers le 6, et
l'inspection a lieu le 7 juin.
Le Navarin appareille de la
rade des Basques le 10 juin à 6h00 pour Ténériffe et Nouméa, remorqué par le Travaileur.
Un article du 12 juin donne
la composition de l'état-major, et une liste de passagers.
Pour ce voyage, parmi les passagers militaires, se trouve Eugène Vignette, originaire de la Sarthe,
marin au 2ème régiment d'Infanterie de Marine, marin "peu méritant" si l'on peut dire. Son
état signalétique et des services fait
en effet état de différentes condamnations pendant son séjour en Nouvelle-Calédonie. Ce militaire passera d'abord
au 3ème régiment d'Infanterie de Marine en Nouvelle-Calédonie, puis au
116ème régiment d'Infanterie après son retour en Métropole. Le retour
de ce militaire se fera également sur le même navire (Eugène Vignette
est considéré en campagne sur le Navarin du 1er juin au 4 octobre 1884,
et du 4 février au 3 juin 1886, et en Nouvelle-Calédonie du 3 octobre
1884 au 3 février 1886).
Le navire mouille à Santa-Cruz de Ténériffe le 21 juin, tout va bien à bord,
de même qu'à l'arrivée à Nouméa le 2 octobre 1884.
Un article du 4
novembre donne une liste de passagers venant de Tahiti par la Vire,
et qui doivent rentrer par la Navarin. Le navire quitte Nouméa le 4novembre 1884 pour Tahiti. Un
militaire affecté au 3ème régiment d'Infanterie de Marine, et qui avait
effectué une mission en Nouvelle-Calédonie depuis le 22 octobre 1882,
nommé
Hippolyte Moreau,
est rapatrié sur la Métropole lors de ce trajet de retour, pour lequel le navire
emprunte le canal de Suez. Il est désarmé à son arrivée à Brest en mars 1885.
Fin 1885, le Navarin effectue un nouveau voyage vers la Nouvelle-Calédonie. En effet, un
artilleur originaire des Deux-Sèvres,
Charles Bouffard, est compté en campagne sur la Navarin du 8 septembre
1885 au 6 janvier 1886, puis en Nouvelle-Calédonie du 7 au 17 janvier
1886. Au retour de ce voyage, le navire sera rayé des listes le 13 juillet 1886, avant de servir de
bâtiment central de la défense mobile en 1889 et 1890.
Le bâtiment sera démoli en 1908, comme le montre une
estampe.
17ème
convoi de déportés
Le 13 juin 1876, le Navarin quitte Toulon pour l'île d'Aix, sous les
ordres du capitaine de Vaisseau Brosset, avec 416 membres d'équipage.
Le 1er juillet, le transport la Moselle, qui va de Toulon à Saint-Nazaire,
rencontre la Navarin à 70 miles E-N-E de Gibraltar. Tout va bien à bord
du navire qui se rend à Rochefort pour y embarquer des passagers à
destination de la Nouvelle-Calédonie et Tahiti. Il arrive à l'île d'Aix après 43 jours de mer.
Malheureusement, les livres de bord n'ayant
pas été conservés, on ne peut que faire des
hypothèses concernant ce voyage. Au vu de la durée de
celui-ci, on peut penser que le navire a fait une escale de 10 jours
à Alger, pour prendre en charge des condamnés
algériens du dépôt de Maison Carrée. Une
seconde hypothèse ferait rester le Navarin au mouillage de
l'île d'Aix, en attente de son chargement de prisonniers. Cependant, le
rapport médical du médecin-major Geffroy prouve que le navire a fait
une escale de 52 jours à l'île d'Aix avant d'appareiller pour la
Nouvelle-Calédonie.
Il en avait profité
pour embarquer 49 marins passagers, 277 militaires, et 43 civils, plus 360 transportés et un condamné tahitien.
En plus
des forçats destinés au bagne de la
Nouvelle-Calédonie, le navire embarque 10 déportés
de la Commune et 2 arabes (3 des déportés sont condamnés à la
déportation en enceinte fortifiée et 7 à la déportation simple)
. Ces douze prisonniers avaient
été extraits de la prison de Saint-Brieuc, et avaient rejoint La Rochelle par chemin de fer, puis le dépôt de
Saint-Martin-de-Ré par bateau. La plupart de ces déportés ont été condamnés par
contumace aussitôt après la fin de la Commune, et ont été repris, ou se sont rendus volontairement, en
espérant la clémence de la Justice.
Un article du 2 août mentionne les dates d'embarquement des passagers,
des prisonniers, de l'inspection du personnel par la commission
présidée par le contre-amiral Lejeune, et donne une liste partielle des
passagers et la composition de son état-major.
Le 5 août 1876 à 3h50, le Navarin lève l'ancre et se
dirige sur Dakar, au Sénégal. Il semble cependant que le navire soit parti le 2
août de l'île d'Aix, comme l'atteste le tampon en bas de page à gauche
du dossier de bagnard
de François Jourdy, matricule 8478, condamné à 5 ans de travaux forcés pour fabrication de fausse monnaie.
A moins que ce tampon n'indique la date d'embarquement.
Après quelques jours d'escale à Ténériffe du 15 au 19 août, et au vu de la longueur du voyage, il prend
vraisemblablement la route du Brésil, puis passe le Cap de Bonne Espérance. Toujours est-il
que selon un manuscrit de souvenirs
de François Renard,
soldat parti pour Tahiti, dans la nuit du 25 au 26 août 1876, le navire
se trouve par 76° de longitude et 46 de latitude, à 900 lieux par le
travers de Saint-Paul d'Amsterdam, c'est à dire en plein océan Indien,
comme le montre un dessin signé
au dos S. Hoare, Photographer, Papeete, Tahiti. C'est à ce moment
que le navire a perdu son gouvernail au large des îles Saint-Paul et Amsterdam. Le Navarin fera donc une
escale inopinée à Freemantle, en Australie, du 19 novembre au 7
décembre 1876, afin d'effectuer la réparation. Les fruits et légumes frais chargés
et consommés à cette occasion permettront de soigner 26 scorbutiques,
dont 17 parmi les condamnés.
Le Navarin arrivera à Nouméa le 6 janvier 1877, selon le rapport
médical du médecin-major Geffroy (Selon François Renard, la date
serait différente). Le rapport mentionne 8 décès au cours de la
traversée, dont 5 transporté et un déporté,
un des
deux arabes embarqués, et qui seront immergés. Une dépêche de Melbourne
(Australie), en date du 23 janvier, annonce l'arrivée du Navarin à
Nouméa, mentionnant une bonne santé de l'équipage et des passagers.
Le 27
janvier 1877, le Navarin quitte Nouméa à
destination de la France, embarquant 161 déportés
rapatriés (44 libérés, 93 dont la peine est
commuée en détention, 7 dont la peine est commuée
en emprisonnement, et 17 dont le peine est commuée en
bannissement). Les rapatriés dont la peine est commuée en peine de
prison, à leur arrivée à Brest, seront répartis dans différentes
prison centrales pour y purger le reste de leur peine. Parmi ces
rapatriés dont la peine est commuée en détention, on trouve Charles
Romain Capellaro, sculpteur qui avait fait partie du 10ème convoi sur
la Virginie
et qui, pendant son séjour en Nouvelle-Calédonie, sculpta une jolie
pipe à foyer unique, représentant une tête de la République, signée à
la pointe île des Pins. Il avait également dessiné une lithographie,
le rêve. Charles Romain Capellaro, décédé en 1899, est
enterré au cimetière du Père Lachaise. En plus des
rapatriements, le navire embarque 60 femmes et enfants, 80 marins, 188 fantassins, 47 artilleurs, et 125
passagers "divers", soit un total de 661.
Pour ce voyage l'itinéraire emprunté est la route du Pacifique, par Tahiti, avec escale du 6 au 12 mars, puis le Cap Horn.
Un
article du 16 mai 1877
fait état d'une possible relâche aux Malouines ou à Sainte-Hélène, et
qu'il est attendu en France du 15 au juin. L'article mentionne que le
navire ira à Lorient débarquer ses 161 déportés qu'il transporte, avant
d'aller désarmer à Brest.
Le Navarin fera une escale de deux jours à Bahia, au Brésil, du 5 au 7 juin, avant de se
diriger
sur Dakar, et d'arriver à Brest le 25 juillet 1877. Pendant cette
traversé de retour, il y aura 14 décès.
Liste des
condamnés à la déportation en enceinte
fortifiée : François Adrien DAVID dit
Prolétaire, Jules DERO, Auguste Nicolas ZEGUT, et un arabe.
Liste des
condamnés à la déportation simple : Auguste
Joseph Edouard CAUDEVELLE, Isidore Ambroise DUFOURD, Joseph
Léopold Auguste GEORGE, Gustave LONGUET, Edouard Arthur MASSARD,
Edmond Pierre REFRAY, Ernest François VALEGAN, et un arabe.
Pour tout renseignement concernant ces prisonniers, vous pouvez me
contacter
ici.
19ème
convoi de déportés
Le 30 septembre 1877, le Navarin embarque 6 Communards et 7 arabes, qui
avaient été extraits du dépôt de
Saint-Brieuc et qui mettront 8 jours pour atteindre Brest. Il rejoint
la rade de l'île d'Aix, où il arrive le sept au soir à 2h55, pour y
charger des forçats destinés au bagne de Nouvelle-Calédonie. Le 8 dans
la soirée, il
embarque les passagers civils et militaires. Le 9 et le 10, ce sont les
prisonniers, et le 11, le contre-amiral de Freycinet, major général,
passe l'inspection du personnel à bord du vaisseau-transport. Le
Navarin appareille ce même 11 octobre 1877 en direction de Nouméa et
Tahiti. Il y avait à bord 416 hommes d'équipage, 215 marins et soldats
passagers, 50 passagers civils, 1 gendarme et 5 surveillants avec 21
membres de leur famille, 400
transportés et 13 déportés, soit un total de 1145 personnes, et le
commandant était le capitaine de vaisseau Bouju. Un
article donne une
liste partielle des passagers. Le Navarin ne fera qu'une escale à Ténériffe du 27 au 30 octobre 1877.
Sur les 6 Communards de ce dix-neuvième convoi, un seul, Graffin, est condamné à la
déportation en enceinte fortifiée, les autres étant condamnés à la déportation simple. Parmi les arabes embarqués, 2 sont
condamnés à la déportation simple, les 5 autres
étant condamnés à la déportation en
enceinte fortifiée.
L'un des Communards,
Louis Barron, prétend que la cage de la
batterie basse dans laquelle il est logé avec ses compagnons de
voyage ne mesurait que16 mètres cubes (soit 4 sur 2 sur 2
mètres), ce qui semble ridiculement petit, et paraît
impossible pour loger les 6 condamnés et placer leurs 6 hamacs.
IL semble plus plausible que cette surface soit de 16 mètres
carrés, mais le confort n'est ni meilleur ni pire que pour les
autres convois. Dans cette batterie, il y a peu d'air et un seul hublot
vitreux ne laisse filtrer que peu de lumière. Les sabords sont
fermés par des grilles. Les prisonniers, s'habituant petit
à petit à cette pénombre, arrivent à se
déplacer sans se cogner partout. Cependant la lecture et
l'écriture leur sont de fait interdites, et l'oisiveté
s'installe, mettant les caractères à vif. En effet les
plus polis deviennent grossiers et les généreux avares.
Dans ses souvenirs (
Sous le Drapeau
rouge, chez Albert Savine éditeur, Paris, 1889, pages 212
à 219) Louis Barron nous livre une anecdote de cette
traversée :
"Joseph, dit "La Terreur", étalait si franchement son
égoïsme naïf qu'en vérité il nous
amusait beaucoup. Il n'avait rien vu de pareil, même chez les
"joyeux", même à bord du
Royal-William.
Il arpentait à grands pas la partie libre de la cage,
gémissait, aspirait bruyamment, comme pour pomper tout
l'oxygène du taudis. Jamais, il n'avait souffert ainsi, jamais
lui, Joseph, dit "La Terreur", un si beau garçon, si
chéri des femmes ; si ce n'était pas un malheur ! Il en
oubliait de lisser et de ramener ses cheveux en accroche-cœurs. Ah !
Personne ne souffrait comme lui, non personne. Ce n'était pas
possible !".
Louis Barron raconte que le 14 octobre 1877, alors que le Navarin se
trouva dans le golfe de Gascogne, les déportés essaient
d'organiser une manifestation politique, mais une tempête met
fin à leur projet. Les Communards doivent même se
cramponner à ce qu'ils trouvent pour pouvoir regagner leur cage.
Pour ne rien arranger, ils entendent les chants nostalgiques provenant
des forçats qui se trouvent dans la batterie haute. Et les
passagers libres, comme dans les autres convois, ne se privent pas de
venir voir les fauves "à la ménagerie". Louis Barron ne raconte presque rien d'autre sur le reste de la
traversée, hormis qu'il donne une position dans les mers
australes.
Le 27 octobre 1877, le vaisseau-transport arrive à Ténériffe, et en repart le 30.
Un
article raconte qu'un un prisonnier
avait
excité ses compagnons contre les gardes, et en avait même frappé un.
Un Conseil de Guerre organisé aussitôt par le capitaine de vaisseau Bouju, commandant du navire, le condamna à
mort, et il fut exécuté.
Le Navarin atteint la Nouvelle-Calédonie le 24 janvier 1878,
après 105 jours de voyage. Il est au
mouillage en rade de Nouméa le 25 janvier 1878. Le navire a dû relâcher
à Dakar, puis virer de bord dans l'Atlantique Sud, pour doubler
le cap de Bonne Espérance, sans passer par le Brésil.
Selon François Renard, cité plus haut, le Navarin avait quitté l'île
d'Aix le 11 octobre 1877 à 11h00 en direction de Santa-Cruz. Il faisait
ensuite escale à Tenerife du 26 octobre à 7h45 au 30 octobre à 10h00.
Le 11 novembre 1877 le navire passait le "
Pot au noir",
puis l'équateur le 17 novembre.
Le Pot au Noir, ainsi appelé familièrement par les
marins est la zone de convergence intertropicale (ZCIT), connue
également sous le nom de zone intertropicale de convergence (ZIC), de
front intertropical ou de zone de convergence équatoriale, ceinture de
quelques centaines de kilomètres du nord au sud, qui est une zone de
basses pressions entourant la terre près de l'équateur. Cette zone est
constituée de masses d'air chaudes et humides anticyclonique en
provenance des tropiques et portées par les alizés. La convergence de
ces masses provoque des mouvements convectifs des cellules de Hadley et
se caractérise en général par des formations importantes de
cumulonimbus, nuages qui sont à l'origine des orages. Cette zone de
convergence oscille autour de l'équateur passant de l'un à l'autre des
hémisphères nord (en juillet) et sud (en janvier) selon un cycle annuel.
On peut aussi observer dans cette zone un cycle diurne, où les cumulus
de la matinée se transforment en orages l'après-midi. En climatologie,
la ZCIT correspond à l'équateur météorologique (EM). C'est aussi la
ZCIT qui est à l'origine des moussons dans certains pays. A noter qu'au
XIXème siècle un pot-au-noir désignait une situation peu claire et
dangereuse.
Le Navarin, une fois passé l'équateur, est rencontré en mer le 25
novembre 1877 par le navire de commerce le Centurion, par 19° de
latitude sud et 32° de longitude ouest. Tout allait bien à bord. Le
navire passe le cap de Bonne Espérance le 9 décembre 1877, puis Le 23 décembre, en face
de l'île de la
Possession,
puis en face des îles
Kerguelen
le 27. Le 8 janvier 1878 il était au large de la Tasmanie et le 24 janvier
à 14h00 il était en rade de Nouméa. Le rapport du médecin-major Geffroy
fait état du décès de 4 transportés pour ce voyage, dont l'un
d'une lésion organique du cœur, 2 de pneumonie, et le quatrième
d'un phlegmon iliaque.
Le Navarin repartira de Nouméa le 19 février 1878 à 8h40,
embarquant 675 passagers, dont 79 déportés pour leur
rapatriement, 4 libérés, 77 dont la peine est
commuée en détention, et 2 dont la peine est
commuée en bannissement). Toujours selon François Renard, le navire
effectuait le passage des antipodes, par 180° de longitude, le 6 mars
1878, avant d'entrer en rade de Tahiti le 1er avril 1878.
Lors de son entrée en rade de Tahiti, le
port de Papeete n'ayant pas de pilotes brevetés à ce moment-là, n'a pu
fournir qu'un apprenti. Cela eut pour conséquence une mauvaise route
dans la passe et le fait que le navire touche un récif, contre lequel
il abîma son gouvernail. Ce fait est attesté pas un
courrier
émanant de la Division Navale de l'Océan Pacifique, qu'un
extrait de
rapport du commandant du Navarin du 7 avril 1878, document signé Bouju.
Ayant quitté Tahiti le 18 avril, le rapport du médecin-major Geffroy mentionne que
le
13 juillet le Navarin communiqua avec le navire de commerce anglais
Olga, qui demandait un médecin. Le bâtiment venait d'Opobo (baie
de Biafra), et avait plus de 100 jours de mer. Je me rendis à bord, et
je trouvais un homme atteint de scorbut à un degré très avancé. Trois
autres présentaient aussi des symptômes scorbutiques, mais tout à fait
au début. Le capitaine [...]
me dit qu'il avait perdu trois hommes de fièvre
rémittence bilieuse [...]
. Nous donnâmes à l'Olga de l'eau, de la farine et du jus de citron.
Le
Navarin sera de retour à Brest le 25 juillet 1878, ayant eu 5 décès au
cours du voyage, et entre au port le 27. Il est désarmé et remis aux
Directions le 20 août 1878.
Liste des
condamnés à la déportation en enceinte
fortifiée : Louis Jean Désiré GRAFFIN, et
cinq arabes.
Liste des
condamnés à la déportation simple : Louis
Benjamin BARON (ou BARRON),
Jean-Pierre Eugène FOIX, Henri Auguste GUERITTE, Jean JOSEPH, Nicolas Octave LEDANTE, et deux arabes.
Rapatriements
Le Navarin participera au rapatriement des Communards par deux fois.
De fin juin 1878 au 11 mai 1879, un certain Eugène
PIGEON, sergent dans l'Infanterie de Marine, originaire de Pontaumur,
dans le Puy-de-Dôme, a accompagné des forçats sur le Navarin. Tiré au
sort, il avait été astreint à près de 6 ans de service. Dans une lettre
datée de Brest qu'il a écrite le 19 janvier 1879, il fait état de cette
série d'avaries, des deux faux départs avec retour à Brest pour les
réparations.
Un maître d'hôtel du Navarin, Narcisse BARRET,
raconte dans un livre ce voyage aller
et retour. Un soldat, sapeur à la 43ème compagnie du 3ème régiment
d'Infanterie de Marine, François DENIS, faisait partie du nombre des
passagers. Il allait en Nouvelle-Calédonie pour le service de la
surveillance du Bagne, et il raconte également ce voyage aller et
retour dans ses carnets.
Le Navarin avait donc quitté Brest le 20 décembre 1878,
pour mouiller à Rochefort le 24. Le 27 décembre vers 13h00, 200 soldats sac
au dos accompagnés de deux officiers de l'Infanterie de Marine, les 43ème
et 44ème compagnies du 3ème régiment d’Infanterie de
Marine. Le détachement quitte la caserne des Charentes à Rochefort, musique
en tête, accompagné du chef de corps, Monsieur LAURANT on traversa la ville.
Tous les habitants du haut des fenêtres disaient au revoir à ces braves qui allaient
dans un pays lointain défendre l’honneur de la France. Ces hommes sont
destinés à assurer la sécurité à bord du navire pendant le voyage, avant de
relever 2 compagnies en poste en Nouvelle-Calédonie. Les officiers sont Monsieur
COVIER, capitaine et chef de détachement et Monsieur RICOURT, sous-lieutenant
d’infanterie. Le transfert entre le port de Rochefort et le Navarin, au
mouillage à l’île d’Aix est assuré par la Comète, puis par deux chaloupes
effectuant la navette entre les deux bâtiments. François DENIS raconte sa
montée à bord : Il fallut comme de juste attendre son tour pour
descendre, ce qui arriva à 8 heures du soir et avec une pluie battante. Quand
je me vis dans cette barque où l’eau venait presque à rentrer et qui la lançait
comme un drapeau au vent, je ne savais plus où j’en étais. La joie commence à
renaître : j’attrape l’échelle d’espérance, je monte. Quelle surprise en
arrivant là-dedans. On croyait arriver dans une galère et, à dire la vérité,
l’on ne se trompait pas beaucoup. Le 28, les passagers libres embarquent, puis
ce sera le tour 364 forçats. Mais le navire resta deux jours encore au
mouillage.
Le 31 décembre c'est le départ pour Nouméa.
Cependant, suite à une tempête, 11 heures après le départ, survient une grave
avarie du mât de misaine (Le mat de perroquet du mat de misaine fut emporté
mais il ne causa pas d’accident), qui oblige le navire à revenir au port
pour effectuer les réparations nécessaires. Le 6 janvier 1879, nouvel
appareillage mais, en rentrant dans le Golfe de Gascogne tous les vents
semblaient se déchaîner sur nous…Ce fut l’affaire de 4 à 5 jours…Les pauvres
mats qui ne pouvaient plus résister commencèrent à se disloquer. Le 12 janvier,
à midi, on s’aperçut que le grand mat était ébranlé jusque dans la cale du
navire et même le bateau faisait de l’eau. Suite à cette voie d’eau, le
commandant donne l’ordre de revenir sur Brest pour réparer.
Le Navarin s’y trouve le 15 et le lendemain, le
Calvados vient en rade, afin que les 364 forçats y soient transférés le temps
de la réparation, ainsi que et la 44ème compagnie pour les garder.
La 43ème compagnie débarque et est stationnée à
Pontanezen pour le
temps des travaux. Le Navire entre à l'Arsenal le 17 pour être démâté. Les
dégâts ne sont pas aussi graves qu'envisagés au départ, mais une fausse
manœuvre d'un remorqueur abîme le navire et il faut prolonger les réparations.
Le 25 janvier, les troupes et les forçats
rembarquent, et le départ pour la Nouvelle-Calédonie à enfin lieu le 27 janvier
1879. Le Navarin avait mauvaise réputation auprès des marins, car à chaque
voyage il y avait des incidents ou de graves avaries. Il passait pour n'avoir
pas de chance, ce qui semble confirmé par ce qui précède, et l'on connaît la
légendaire superstition des marins! ...
Peu après ce nouveau départ, un soldat est blessé
assez sérieusement à la tête, et il sera débarqué à Tenerife pour
rapatriement. Le 5 février, un forçat se pend avec la corde de son hamac. Il
avait été condamné à 22 ans de travaux forcés, et avait déjà tenté par deux
fois de se suicider. Le lendemain, c'est un marin de l'équipage qui décède, et
les deux corps sont immergés selon l'usage. Le 10 février la terre est en vue,
et le lendemain, le Navarin mouille à Santa Cruz de Tenerife.
François DENIS donne une description assez détaillée de
Tenerife : Au pied d’une
grande montagne inaccessible, sur le bord de la mer, on aperçoit une petite
ville entourée de verdure magnifique. On y remarque la place de la Constitution
et le fort, qui éclate à 10 lieues aux alentours. On y remarque encore deux
lions traversés par une épée ensanglantée et semblant vomir le feu. On récolte
dans cette île oranges, bananes, dattes, figues, café, tabac et quelques
légumes et quelque peu de grains, mais bien peu. Les habitants sont espagnols
et ils ont le même costume que les Français. Dans ce pays, les oranges valent 4
fr. le cent ; les bananes la même chose. Le paquet de tabac, 75 centimes
les 100 grammes et les paquets de cigares de 25, valant 1 franc.
Après avoir fait des provisions de bœufs, de moutons, de volailles ou
charbon pour les cuisines, enfin toutes les provisions toujours utiles pour la Traversée,
le vendredi 14 février à 7 heures du soir, le bateau reprend la mer.
Le 16 vers 2
heures de l’après-midi, donc 2 jours plus tard, la flèche du mât d'artimon
casse. Dans sa chute, elle entraine la flèche du grand mât, dont le
paratonnerre manque de peu 2 soldats de l'Infanterie de Marine, avant de tomber
à la mer. Le soir même la réparation est effectuée, mais le commandant
préfèrera ménager le mât d'artimon tout le reste du voyage, ce qui en allongera
encore la durée. Le 24 février, à 12 heures précises, un forçat
d'environ 62 ans, malade depuis Brest, décède et est immergé le même jour.
Deux jours plus tard, 26 février jour des cendres, c'est le
«passage de la ligne»,
c'est-à-dire le franchissement de la ligne de l'équateur, une des traditions maritimes
qui ont perduré, constituant encore aujourd'hui un rite important dans les marines nationale et marchande,
française et occidentale. Cette cérémonie initiatique, durant laquelle les
barrières de grades et de fonctions n'existent plus, se déroule de la manière
suivante : les marins et passagers qui traversent pour la première fois la
ligne équatoriale en bateau sont invités à se présenter devant sa majesté
Neptune. Pour être autorisés à franchir sans encombre cette zone redoutée entre
hémisphère nord et hémisphère sud, ces «novices» doivent payer un
tribut au roi des mers et des océans et recevoir le
«baptême». Pour
ce faire, les anciens se déguisent pour endosser les rôles du dieu Neptune et
de son épouse Amphitrite, mais aussi en astronome, juge, évêque de la ligne ou
encore en «sauvages». Les nouveaux sont alors conviés à des
festivités durant lesquelles ils auront à passer diverses épreuves ; l'une
des plus célèbres est l'immersion dans la piscine improvisée sur le pont ou à
la lance à incendie. Une fois cette cérémonie terminée, les baptisés, devenus
«chevalier des mers», reçoivent un
certificat de passage
de la ligne. Mais attention! Ce diplôme doit être précieusement gardé et
présenté à chaque passage de ligne suivant, sous peine de devoir se présenter à
nouveau devant le roi des mers et des océans...
François DENIS nous donne encore une description assez précise de
la fête de la Ligne : La veille, on monta des haricots dans les hunes,
mêlés avec des petits pois et beaucoup d’eaux. La fête est annoncée la veille au
soir par un défilé de masques et de clairons de toute espèce. Un homme
représentant le père La Ligne, un autre, madame La Ligne et tout cela,
richement vêtu, le reste des masques marchant derrière les deux autres
premiers, accompagnés des clairons. Quand tout cela est en train de défiler,
l’équipage ainsi que les passagers ne manquent pas de suivre tous ces
vauriens-là qui, une fois que vous êtes sous les hunes, ne manquent pas de
donner le signal et, aussitôt une grêle de pois et d’haricots et d’aux tombe de
toute part, comme une grêle dans un grand orage. Et le lendemain, encore
pire : on organise une espèce de caisse pleine d’eau, cachée dans des
toiles préparées à cet effet et, une fois qu’elles sont pleines d’eau, on
recommence le défilé comme la veille. On vous fait à tour de rôle passer devant
cette baille et après vous avoir noirci la figure et les pieds que vous devez
avoir tous nus, on y ajoute un perruquier à cette cérémonie, qui se tient ici
prêt avec un grand rasoir et une paire de ciseaux et un peigne. Tout cela est
en bois. Après vous avoir coupé les cheveux et rasés, il vous demande si cela vous
va bien. Que ça vous va ou que ça ne vous aille pas, c’est la même chose :
vous recevez bientôt une bousculade qui vous fait tomber dans la caisse d’eau
qui vous passe pardessus la tête. C’est ce que l’on appelle le baptême du
tropique. Attendu que l’on fait cette fête juste le jour où l’on passe de
l’autre côté du soleil. Eh bien donc, ce riche bapteme, je l’ai reçu le 26
février à 2 heures de l’après-midi, jour des cendres.
Narcisse Barret donne une description encore plus détaillée de ce
rituel du passage de la Ligne.
Le lendemain le Navarin passe près de
l’île
San Fernando, au Brésil : Habitée par
les forçats du Brésil, cette île représente un mamelon coupé en deux, des
rochers formidables en formant l’ornement. Dans ces parages les vents sont
tellement vigoureux de telle sorte que nous l’avons doublée cause du vent
contraire. Le commandant a donné l’ordre de contourner l’île, et c’est ce que
l’on a fait ; on l’a contournée à un quart.
Le 7 mars, le Navarin porte aide et assistance à un navire anglais en détresse. Une
chaloupe où avait pris place une femme et 4 matelots aborda le navire. Cette
dame, la femme du capitaine du bateau anglais fit sensation à bord, et
notamment auprès de François Denis. Le navire anglais, qui se rendait en
France, fut ravitaillé en farine, lard, biscuit, viande, café, sucre et eau
douce. Du courrier à destination de la France fut confiée à la femme du
capitaine, qui regagna son navire, avant que celui-ci ne reprenne sa route. Pour
Francis Barret, le navire s’appelle le Milton est retourne vers l’Angleterre.
Il parle d’une jeune femme qui est la fille du capitaine du navire anglais.
Le 8 mars, un soldat de la 44ème compagnie, de service de pompage, refuse de
continuer à pomper malgré l’ordre reçu. Ce soldat est traduit le 11 devant le
Conseil de guerre (ou conseil de Justice) du bord, qui le condamne à 1 an de
prison, peine réduite le lendemain à 6 mois après un second Conseil. Le 28 mars
(le 18 selon Narcisse Barret), un requin-marteau est pêché, écorché, dépecé et
profite à tout l’équipage. Un, ou deux, selon les récits, requins furent pêchés
les jours suivants. Le 3 avril, le Navarin double le cap de Bonne Espérance, et
le 10, un matelot meurt à l’infirmerie. Deux jours plus tard, le navire passe
près de l’archipel du
Crozet
(François Denis parle des îles Maria Grosset et de la Possession, quant
à Narcisse Barret, il parle des îles Marion et Creset. Mais il s'agit
bien de l'île de la Possession et de l'île de l'Est avec son mont
Marion-Dufresne, dans l'archipel du Crozet).
Le 22 avril, deux forçats qui se trouvaient au cachot rompent leurs menottes et les donnent
au surveillant à destination du commandant avec ce message : voici ce
que nous faisons de vos menottes, selon François Denis ou, tiens, va
porter ça à ton commandant, voilà ce que j’en fais de ta ferraille, selon
Narcisse Barret. Ils sont alors enchaînés avec une chaine de 15 kilos, et le
lendemain ils sont mis à la barre de justice les mains attachées dans le dos,
chacun dans un cachot, mais toujours enchaînés, ce qui les obligeait à se tenir
constamment accroupis.
Le 30 avril, le cap de Tasmanie est doublé, le 8 mai le navire passe en vue de
l’île de
Norfolk : Cette île,
elle forme trois autres îles, est habitée par les forçats anglais. Sa
production, suivant ce que l’on nous a dit, que l’on a pu savoir, est à peu
près la même que celle de la Nouvelle [-Calédonie]. Comme nous passions pas
loin, on apercevait de l’œil les cocotiers magnifiques. Ce qu’il y a de
curieux, se sont ces rochers qui sont au bord de la mer. Ils sont d’une hauteur
qui s’élève au moins à 300 ou 400 mètres au-dessus de l’eau
.
Le 10 mai au soir, le phare de Nouméa est en vue, et l’on voit également
les montagnes de l’île. Le lendemain à 7 heures, le pilote monte à bord pour
guider le navire dans la passe et, vers midi et demi, le Navarin mouille en rade Nouméa.
Le
Navarin quitte Nouméa pour le voyage retour le 3 juin 1879, embarquant
405 déportés ou commués et 2 forçats dont la peine est commuée en réclusion. Un
article du 2 août annonce 400 déportés graciés. Un autre
article du 6
septembre parle de 453, et donne comme dates de relâche à Sainte-Hélène du 13 au 15.
Avant le départ, chaque amnistié reçoit 1 paletot, 1 pantalon, 1 Béret et 2
paires de bas de laine, l'itinéraire devant passer par le cap Horn. Ces
effets d'une assez mauvaise qualité provenaient d'un achat effectué par
la Ville de Paris, et avaient été apportés par le Var, arrivé à Nouméa
le 28 mai. A 10h30 ce 3 juin 1879, le navire sort de la rade, remorqué
par la Dives. La traversée entre la Nouvelle-Calédonie et le cap Horn
devrait normalement durer de 35 à 40 jours, mais il en faudra 57, car
le 6 juin la Navarin subit une avarie du perroquet de fouque dont
l'amure casse, puis ce sont des vents défavorables ou contraires qui
ralentissent le navire.
Dans les premiers jours de la traversée, un nourrisson de 2 semaines
décède et, le 23 juin c'est un des amnistiés déjà malades à
l'embarquement qui meurt des suites d'une angine de poitrine. Ce
dernier sera immergé après une cérémonie civile. Le dimanche 29 juin un
autre amnistié décède et sera jeté à la mer dans les mêmes conditions.
Le 10 juillet, c'est un marin qui décède et sera lui immergé
religieusement. Puis quelques cas de scorbut se déclarent dans la
batterie haute. Le Navarin met 3 jours pour franchir le cap Horn sans
incidents, du 20 au 22 juillet. Le 6 août nouveau décès d'un amnistié.
Dans la nuit 12 au du mois, Sainte-Hélène est en vue et le 13, c'est le
mouillage devant James Town. Ce même jour un autre amnistié meurt, et
sera enseveli religieusement sur l'île.
Le 17 août, c'est le départ en direction des îles du Cap Vert et le 23
le Navarin passe l'Equateur par le travers de l'île Saint-Paul. Le 26
c'est un véritable déluge qui débute, et les grains se succèdent avant
le retour au calme le soir, avec l'entré dans la région du pot au noir.
Le 30 août les îles étant proche, le commandant ne voulant pas les
heurter de nuit, il ordonne de reprendre la pleine mer. Par la suite
les vents sont peu favorables jusqu'au 3 septembre, et il faudra encor
8 jours pour arriver à hauteur de l'île de Flores au nord des Açores.
Cela totalise déjà un retard de 3 semaines, et le navire n'a pas assez
de vivres pour assurer la subsistance si l'arrivée intervient après le
25 septembre. Le 13 septembre, déjà malade depuis un certain temps, un
second marin âgé de 22 ans décède d'hydropisie générale.
Le
18 septembre le rationnement est mis en place
par le commandant. Il durera 8 jours. Le 21, le temps change et des
vents
favorables permettent d'entrevoir la fin prochaine du voyage. Le 27 le
navire
se trouve à 42 lieues du goulet de Brest. Cette nuit-là tout le monde
est sur
le pont pour voir le phare d’Ouessant. Le commandant décide d'entrer de
nuit et le Navarin mouille en rade de Brest à 9h00 le 28 septembre
1879. Cette arrivée inopinée est relatée dans un article du Petit
Parisien du 1er octobre 1879,
page 2, ainsi
que le retour à Paris des amnistiés.
Les formalités effectuées, les amnistiés quittent le navire.
L'un d'eux
décède à peine débarqué sur le sol métropolitain. Il avait quitté le
bord sur une civière.
Les amnistiés arrivent dans la Capitale le 1er octobre 1879, comme le relate un article de la
Petite Presse. Parmi eux se
trouvait un certain Jean-Baptiste PORTEFAIX, originaire de Paris. Ce
dernier, lieutenant puis capitaine de la Garde sous la Commune, arrêté
le 28 mai 1871, avait été condamné le 8 mai 1872 à la déportation en
enceinte fortifiée, peine remise le 15 janvier 1879. Il ne bénéficiera
pas longtemps de la liberté en Métropole que lui avait apporté son
retour sur le Navarin, puisqu'il décède à Paris, dans son domicile, 16
rue Collard, le 11 décembre 1881.
Le 6 mars de précédent, il avait été
victime d'un accident alors qu'il exerçait la profession de cocher.
Le Navarin effectuera un autre transport qui
interviendra après l'amnistie générale
octroyée par la loi du 12 juillet 1880. Il quitte
ainsi Nouméa le 4 septembre 1880, embarquant 317
déportés graciés qui sont rapatriés.
Le 29 décembre, il est attendu à Brest d'heure en heure,
mais le mauvais temps laisse craindre à un retard. Il arrivera
finalement le 6 janvier 1881 (ou le 5, selon les sources). Le 8 au
matin, les amnistiés étaient de retour à Paris, dont Trinquet.
Après
un nouveau voyage aller vers la Nouvelle-Calédonie, le 1er juillet 1881
au départ de Brest, puis de l'île d'Aix le 8. Arrivé à Nouméa le 30
octobre 1881, le Navarin se prépare à regagner la Métropole. François DENIS, nous a raconté son voyage aller en 1879.
Et il voyage à nouveau sur le Navarin pour le retour. Il embarque ainsi
le 28 novembre 1881 à 8 heures, avec 336 autres soldats et 50 convalescents,
dont le lieutenant de vaisseau Goujon du Tage,
qui était hospitalisé à Nouméa. Un
article du 1er février 1882 mentionne
cet officier, et donne une liste de passagers qui ont pris place à bord du navire.
Le 1er décembre, le navire lève l’ancre, pris en charge par le D’Estrée et
remorqué pour sortie de la passe. Le 7 décembre, un artilleur meurt subitement,
et son corps est jeté à la mer le lendemain après une courte cérémonie. Le 10,
la vergue du cacatois se casse par une négligence des matelots. Dans la nuit du
16au 17, un matelot qui était monté dans le mât d’artimon, afin de dégager une
corde prise dans les voiles, fait une chute sur la dunette et il s’est fait
grand mal, mais le médecin a dit qu’il n’aurait rien de cassé, qu’avec les
soins voulus, ça ne serait rien.
Le
5 janvier 1882, une femme qui était malade et à l’infirmerie depuis un certain
temps décède. Et le même jour, vers 16h00, un homme malade qui était lui aussi
à l’infirmerie meurt à son tour. Ces deux corps sont jetés à la mer le
lendemain, après la cérémonie rituelle. Le 16 janvier, vers 4 ou 5 heures, le
fils en bas âge d’un gendarme meurt. Le 17, c’est un des amnistiés, qui
était malade de longue date, attaqué de la poitrine, qui décède à
l’hôpital. Le Navarin est alors à hauteur du Cap Horn, où le navire essuie une
tempête, qui n’a eu pour conséquence qu’un foc déchiré et une corde cassée. Le
19, par un calme plat, le Cap Horn est doublé. Le 26 janvier, par 50° de
latitude, un banc de glace est signalé par la vigie. Le 5 février vers 4h30, un
employé de l’Administration, qui revenait de Tahiti, malade depuis longtemps,
rend son dernier soupir à l’hôpital, et est jeté à la mer le soir même. Le 11,
c’est un soldat du 2ème régiment, lui aussi malade depuis un certain
temps, décède : après tous les soins voulus, il est mort de la poitrine.
Le lendemain à 10h00, cérémonie funèbre : Tous
les officiers y ont assisté et une partie de la troupe et le tambour de bord
avec son tambour recouvert de noir pour sonner le roulement, au moment où on
l’a jeté à la mer. Le 15 vers 2h45, un enfant convalescent, qui se trouvait
à l’hôpital, atteint de fièvre typhoïde, meurt. Il est jeté à la mer le
lendemain à 9h30, après les honneurs funèbres.
Le 18, la vigie annonce « terre ! », c’est-à-dire
Sainte-Hélène, ce qui réjouit tous les passagers après 80 jours de mer. Mais,
vers 20h00, alors que le Navarin ne se trouve qu’à 5 ou 6 km de l’île, il est
trop tard pour entrer en rade, et le navire doit virer de bord pour tirer
des bordées pendant toute la nuit. Le lendemain le bateau mouille en rade
de Sainte-Hélène. François Denis donne une description détaillée de cette
île.
Il
est bon de vous dire que, le tour de l’île, il n’y a pas de
fond et ni récifs. Il est que un seul devant la ville que l’on peut mouiller et
il n’est pas grand. Il ne faut pas le rater, sans cela on ne trouverait pas de
fond. Maintenant la ville
est très mal située entre des montagnes et il y en a
la moitié qui est dans la montagne. Ça paraît bien bâti en pierre et couvert de
tuiles. On mouille à environ 1000 1500 mètres de la terre. En face de la ville,
il y a un grand mur qui fait le cercle devant la ville, où la mer rejette son
reflux et, en même temps, c’est là qui est le quai. Il y a une belle cathédrale
qui est montée en pierre jusqu’au haut de la flèche du clocher et des arbres
qui sont bien verts sur les allées qui se trouvent devant. Ou, plutôt, la place
n’est pas grande. Le plus haute maison que j’ai remarquée est à 3 étages. Il y
a aussi 6 forts qui sont taillés dans les rochers pour défendre la ville et la
rade. De la manière que c’est situé, c’est imprenable. On compte 700 habitants.
Ça n’est pas fort, mais c’est beau à voir le chemin qu’ils ont taillé dans le
roc et, partout, il y a un grand mur pour garantir de tomber dans les remblais
qui sont escabreux. Il y a même beaucoup d’endroits que l’on ne peut pas y
pénétrer, mais sur le bord de la mer. (…illisible…). Je ne pourrai pas trop en
donner grand détail, car je ne reconnais pas. Mais je crois que ça doit être
très médiocre dans des chaleurs comme il y en fait. Et puis je coirs bien aussi
qu’il n’y a pas des tas d’eau douce. On voit que c’est sec partout. Je crois
que ça ne fait pas grand commerce. Je vous dirai aussi que les habitants ne
travaillent pas le samedi ni le dimanche. Tous les magasins sont fermés. On ne
peut rien avoir avec son argent.
Montagnes. Elles sont assez élevées, mais, en haut de toutes ces
montagnes, ça forme un plateau. Et voici comme elles sont construites. Ce sont
des rochers qui sont de gradin en gradin comme des marches d’escalier. Ça a été
formé per la mer de siècle en siècle. Ça a laissé des gradins, mais pas un brin
d’herbe y croît dessus. Pas d’arbre, que tout à fait sur les plateaux et encore
il y en a pas beaucoup. L’on voit sur le bord de la mer, ça s’y est formé des
grottes creusées par la mer où l’eau se ragaillardit lorsqu’elle vient se jeter
le long à 15 à 20 mètres d’hauteur. Une vie magnifique. Il y a aussi, à droite
de la ville, une montagne qui est très haute et dans le même genre que les
autres sur un côté et, de l’autre, très rapide, mais avec des gradins. Tout à fait
en haut, il y a un petit plateau qui ressemble à la couronne d’un empereur. Car
paraît-elle avoir 40 mètres carrés à 60 et là-dessus, il y a une maison. Selon
moi, ça est un poste de soldats. Ça domine loin en mer. A gauche, il se trouve
un autre où se trouve le sémaphore et une porte de la ville entre les deux
monts. Il y en a quatre autres qui sont presque aussi et c’est haut sur tout le
port avec des pièces. La caserne des Anglais se trouve au-dessus de la ville,
dans la montagne qui domine tous les environs.
Après
avoir fait des provisions, le Navarin reprend la mer en direction de la France.
Le 24 février 1882, un civil,
titulaire de la Médaille Militaire, écrivain de Marine, meurt à l’hôpital. Cet
homme était atteint de douleurs rhumatismales et un peu brûlé par la boisson.
Depuis son entrée à bord, il a été malade et réduit à ne pas pouvoir quitter le
lit. Le lendemain, les honneurs funèbres lui sont rendus, un piquet de
15 à 20 soldats en armes, commandés par un sous-officier, deux caporaux en
armes qui escortent le cadavre et son corps est jeté à la mer. Le 25, le
Navarin passe près de l’île de l’Ascension. Cette île ne paraît pas bien
grande et pas beaucoup de montagnes et c’est un lieu de transportation en Anglais.
Il y a aussi des arbres dans la vallée. Ça paraît beaucoup plus habitable que
Sainte-Hélène. Le 1er mars 1882, une passagère, Madame MEUNIER, met
au monde un enfant à 7h30, alors que le navire se trouve à proximité de
l’équateur. Le 7 mars, il essuie une grosse tempête. Le 12 vers 8h00, un
matelot décède et une courte cérémonie a lieu le soir même pour ses
funérailles. Le 23 mars à 8h00, la vigie annonce la terre des Açores. Le 31, le
navire se trouve près de l’île d’Ouessant, dont on voit le phare à 20h30. Le
lendemain à 21h00, un coup de canon est tiré pour appeler le pilote, puis une
fusée rouge est tirée. Le bateau tire des bordées toute la nuit et, le 2 avril 1882 vers
5h00, tire un nouveau coup de canon. Vers 8h30, le pilote monte à bord puis, vers
midi, un bateau à vapeur, l’Infatigable, vient chercher le Navarin pour le
remorquer jusque dans la rade de Brest, où il mouille à 18h00.
Pour tout renseignement concernant ces prisonniers, vous pouvez me
contacter (ici). Les photos des Communards utilisées dans cet article proviennent
du site http://digital.library.northwestern.edu,
avec l'aimable autorisation du webmestre du site pour leur utilisation ici. Les photos présentées correspondent en principe
aux personnages, mais une erreur d'identification est toujours possible.
Pour les communards originaires du Finistère, vous pouvez consulter le site de
Patrick Milan, pour ceux originaires d'Arcueil (Val-de-Marne),
vous pouvez consulter le site d'Annie Thauront,
avec également un article sur le député de la Guadeloupe
Melvil-Bloncourt,
condamné à mort pour sa participation à la Commune
.
Sources
:
-
Déportés et forçats de la Commune : de
Belleville
à Nouméa,
par Roger Pérennès,
Nantes, Ouest Editions, 1991.
- Site
Internet http://www.dossiersmarine.fr.
-
Dossiers des navires au Centre des Archives
d'Outre-Mer à Aix-en-Provence, série H30.
- Anom OCEA 140, dossier K15.
- Wikipedia pour définition du Pot au noir.
- Dossier de bagnard de François Jourdy envoyé par Philippe Rousselot.
- Nouméa aller et retour, par Narcisse Barret, maître d'hôtel à bord du Navarin, Paris, 1880.
- Service Historique de la Défense à Brest 2F17
(Informations envoyées par Yannick Lageat).
- Forum Images Marines, pages 9 et 10.
- http://historic-marine-france.com/plans/plans-vaisseaux.htm.
- Courriel de Marcel Pigeon du 30 septembre 2018.
- Documents concernant François Renard envoyés par Joël Laruelle.
- Courriel de Jérôme Moreau du 12 juin 2020.
- Carnets de voyage et documents de François Denis transcrits et publiés par Pierre Reboul
(envoyés par Bernard Denis en juin 2020).
-
https://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/le-saviez-vous-le-passage-de-la-ligne.
- Archives des Deux-Sèvres, 9 R 2/39-1.
- Courriels de Frédéric Mauchamp, des 22 et 24 janvier 2022.
- Courriel de Florence Scholl du 12 juin 2023, et registres matricules la Sarthe.
Crédits
photographiques :
-
Déportés et forçats de la Commune : de
Belleville
à Nouméa,
par Roger Pérennès,
Nantes, Ouest Editions, 1991.
-
Numérisations archives par Bernard
Guinard.
- Photos envoyées par Claude Millé.
- Photos envoyées par Joël Laruelle et Bertrand Puel.
- Belle photo du Navarin provenant du musée de la Marine (envoyée par Bernard Denis).
- Cartes postales anciennes.
- https://servimg.com/view/13839571/569# (certificat de baptême du Passage de la Ligne).
- Wikipédia et BNF pour rite Passage de la Ligne.