Fiches individuelles


RORTHAYS (de ) Marie Louise Françoise
Naissance : vers 1755
Décès : 1820 à Saint-Florent-des-Bois 85
(Source : http://shenandoahdavis.canalblog.com/archives/2015/02/02/31451184.html).

Union : SAIGNARD de SAINT-PAL (de ) Joseph Claude Léon ( 1750 - an XIII )
Contrat de mariage : 4 juillet 1774 à Mareuil-sur-le-Lay 85 Maître CHOUTEAU, notaire royal et procureur à Mareuil en Bas-Poitou
Mariage religieux : 5 juillet 1774 à Saint-Florent-des-Bois 85
Enfants : SAIGNARD de SAINT-PAL (de ) Marie Françoise ( 1776 - > 1793 )
SAIGNARD de SAINT-PAL (de ) Anne Henriette ( 1777 - 1860 )
SAIGNARD de SAINT-PAL (de ) Charles Joseph ( 1779 - ? )
Note familiale : A la fin de 1788, la Commission intermédiaire de l'Élection des Sables-d'Olonne, recevait du syndic de la paroisse du Tablier, une lettre ainsi conçue :
"La Barre-du-Tablier, le 8 septembre 1788.
Messieurs, la charge de syndic du Tablier que j'occupe maintenant et le désir que j'ai de m'acquitter des devoirs qui y sont attachés, joint à l'intérêt général de ma paroisse, me met à l'occasion de vous adresser la voix, pour vous donner connoissance d'un fait dont voici la substance :
M. Saignard, se disant seigneur de Saint-Pal, ayant fait une acquisition dans notre bourg, de maisons et domaines en dépendant [Les terres dont il est question étaient situées au village de Chaillot et avaient été achetées, le 20 février 1787, au sieur P. Victor Grudé, bourgeois, moyennant 1200 livres. Le vendeur gardait l'usufruit. Il y avait également une maison dans le bourg du Tablier, qu'habitait Saint-Pal. Cet acte est signé de Saignard de Saint-Pal. Archives départementales, série B, liasse 734, f° 5], vient depuis trois mois d'y faire sa résidence et récemment de faire publier à la messe paroissiale, un dire par lequel il prétend jouir des prérogatives attachées à la qualité de noble, dont il se dit être du nombre : en conséquence, il demande à être dérollé l'année prochaine, ce qui vient d'exciter les cris publics et lui faire dire qu'il n'exige rien tant que d'en être instruit.
Pour ce faire, ils m'ont engagé de vous écrire et de vous marquer ce dont il s'agit, dans l'espérance qu'ils ont que vous daignerez nous instruire de la marche que nous devons tenir à cet égard, en nous disant s'il est à propos ou non de lui demander la notification de ces qualités, aux fins de pouvoir statuer sur le contenu et savoir à quoi s'en tenir.
Dans mon particulier, je puis vous dire très sincèrement que je ne désire rien tant que d'être instruit de la manière dont je dois me comporter, pour n'avoir aucun reproche à me faire, en même temps pour n'en point supporter de la part des paroissiens. J'espère de vous quelque satisfaction à cet égard...
MARTINEAU, syndic du Tablier". [Archives départementales, série C, liasse 60, n° 4].
Le nouvel arrivé dans la paroisse du Tablier dont il est question, habitait auparavant la maison noble de la Linaudière, paroisse de Saint-Florent-des-Bois. Il s'octroyait les noms et qualités de Joseph-Claude-Léon de Saignard, seigneur de Saint-Pal, chevalier, qui, d'après une généalogie récemment publiée, se disait issu d'une vieille famille noble d'Auvergne, diocèse de Saint-Flour, et dont le premier membre connu vivait l'an 1022. Il aurait eu, comme père et mère, Claude-Joseph de Saignard, écuyer, seigneur de Saint-Pal, et dame Madeleine de Forestier, mariés par contrat, le 1er mai 1748, devant Ferret, notaire à Saint-Hermand-en-Poitou. Ces derniers habitaient Mareuil-sur-le-Lay.
Lui-même, à l'âge de 24 ans, aurait épousé Marie-Louise-Françoise de Rorthays (Linaudière) [Marie-Louise-Françoise de Rorthays était la fille aînée de René-Gilbert de Rorthays, chevalier, seigneur du Plessis, mort avant 1773 et de dame Marie-Charlotte Jaudouin, dame de Marmande. Elle était sœur de : 1° Gilbert-Alexandre de Rorthays, chevalier, comte de Marmande, maréchal des camps du roi, chevalier de Saint-Louis, qui émigra, rejoignit l'armée des princes et mourut à Londres. Ce dernier avait épousé Marie-Henriette-Osmane Duchaffault, petite-nièce de l'amiral et fille de Sylvestre-François Duchaffault de la Sénardière et de Renée Marin de la Guignardière ; 2° de Bénigne-Céleste de Rorthays de Marmande (Archives départementales, liasses 702-712-716) ; 3° de Marie-Charlotte de Rorthays de Marmande, demoiselles encore toutes les deux, en juin 1783.], comme il est prouvé par contrat passé le 4 juillet 1774, devant René-Étienne Chouteau, notaire royal et procureur à Mareuil-en-Poitou [Revue du Bas-Poitou, année 1902, page 180, notes de M. Edmond Bocquier. Il existe dans les archives départementales des preuves de la dernière filiation. Série B, liasses132-707-734]. La famille des Rorthays était une des plus nombreuses en Vendée, ce qui fit naître le dicton populaire : "Battez un buisson, il en sort un Buor, un Rorthays ou un lièvre".
Quant à l'auteur de la lettre écrite au nom des paroissiens du Tablier, il avait pour prénom André, était âgé de 35 ans et exerçait la profession de notaire en cette localité. [André Martineau n'était plus à la tête de la paroisse en 1792 ; le maire d'alors se nommait Pierre Jeannet, marchand, célèbre par ses hauts faits comme aide-de-camp de Saint-Pal pendant l'insurrection.].
Il n'a pas été trouvé trace de la réponse faite par la Commission intermédiaire des Sables à la lettre du 8 septembre. Y en eut-il même une ?
Quoique MM. de la Boutetière [Vie de Sapinaud, p. 30] et Chassin [Histoire de la Guerre de Vendée. Dictionnaire au mot Saignard] qualifient simplement le sieur de Saignard du titre de "Bourgeois de Mareuil" et que l'on n'ait pas trouvé son nom sur la liste des électeurs de la noblesse en 1789, il est fort possible - d'après la longue généalogie citée ci-dessus, dont il est difficile toutefois de prouver l'autorité absolue - que le dit de Saignard avait quelques droits à faire valoir pour se faire inscrire au nombre des privilégiés. Il serait bon cependant de faire quelques réserves, car il existe en France beaucoup de généalogistes qui ont une étonnante facilité pour découvrir, en échange d'espèces sonnantes, des filiations et des origines dont l'authenticité ne peut supporter le moindre examen. Avait-on des raisons pour suspecter celle-ci ? Le notaire-syndic André Martineau, semble l'indiquer.
On peut trouver singulier, toutefois, que, son père se disant simplement écuyer, ce personnage se fasse désigner sous le titre de chevalier, dans les actes notariés retrouvés. Cette discussion, sur un titre de noblesse, n'offre du reste aucun intérêt à être prolongée plus longuement ici ; l'homme qui se l'attribuait n'en pourrait retirer aucun bénéfice direct, et, ce que l'on a à dire de lui, n'a rien à voir avec son origine noble ou roturière.
Une de ses sœurs s'était mariée à Marie-Gaspard-Mathieu Lasnonnier, praticien notaire et procureur de la baronnie de Mareuil et de la châtellenie de La Bretonnière. Celui-ci devint, avec la Révolution, électeur du canton de Mareuil, administrateur du district de La Roche-sur-Yon, membre suppléant au Conseil du département (novembre 1792), et apparaît comme procureur syndic et commissaire de son district, près l'armée de Boulard, au mois d'avril 1793. Les vendéens le massacrèrent à Beaulieu-sur-Mareuil, quand cette localité fut livrée à Charette, le 9 juillet 1795, par la garnison républicaine et son capitaine Louton.
Mercier du Rocher, d'après une note de son journal personnel, prétend que de Saint-Pal fut accusé d'avoir fait commettre ce crime, ce qui est loin d'être prouvé, comme on le verra plus loin. Il dit également que ce "bourgeois de Mareuil" fut arrêté à Paris, au mois de décembre 1789, pour avoir mal parlé à La Fayette. Cette dernière allégation est beaucoup plus vraisemblable, vu le caractère exubérant et braillard du sieur de Saignard.
Le mariage de 1774, peut-être heureux au début, fut troublé dans la suite par les dilapidations du mari, par les mauvais rapports qu'il entretint avec sa femme, et sans doute aussi par un libertinage plus délicat à dévoiler. Il en naquit cependant deux filles, dont l'une, Anne-Henriette va se trouver mêlée d'assez près à l'incident qui suit [Tous les détails de la première partie de ce récit sont tirés des dépositions de témoins reçues par M. Martin-Louis-Joseph Boulanger, homme de loi, ancien procureur fiscal, juge de paix du canton de Mareuil, commissaire en partie de MM. Les juges du Tribunal du district de Saint-Maixent (Deux-Sèvres), en exécution de l'appointement de contrariété rendu par ses déléguants le 26 juillet 1796. Ce cahier, rédigé le 6 août 1792, contient 48 pages et 26 dépositions, et fait partie de notre collection.].
Vers les premiers mois de l'année 1791, en effet, peut-être même bien avant, la dame de Saint-Pal, fatiguée "de plusieurs contrariétés", quittait le toit conjugal du Tablier et allait, en compagnie d'une de ses filles, se réfugier dans un couvent de Luçon, d'où elle ne voulut plus sortir, malgré les supplications et les démarches de toutes sortes de son mari. C'est de là que partent les premières pièces du procès entamé par elle, pour obtenir une séparation de corps, le contrat de mariage ayant stipulé le régime de la non communauté des biens. Pendant de nombreux mois, on échange donc, avec acharnement des deux côtés, forces grimoires et papiers timbrés.
Le sieur de Saignard ne peut s'accommoder très longtemps d'une pareille situation qui contrarie vivement ses intérêts, car la plus forte partie de la fortune vient des Rorthays. La douceur et la persuasion étant impuissantes pour amener un rapprochement, ne pouvant d'autre part percer les murs du couvent où sa femme est enfermée, il décide d'avoir recours à quelque moyen violent pour faire rentrer au logis l'épouse récalcitrante. Un petit complot est alors organisé avec la connivence de sa soeur, Madame Lasnonnier et celle de la belle-soeur de celle-ci, femme du sieur Jean Descravayat, tous les trois habitants de Mareuil [L'épouse de J. Descravayat avait nom : Marie-Julie-Victoire Lasnonnier. De Saignard avait, à cette date, 41 ans. M. Lasnonnier ne semble pas avoir été mêlé à cette intrigue.].
Un vendredi de novembre, les complices sont réunis dans cette localité, les plans bien arrêtés et les dispositions prises : on vient d'apprendre, en effet, que Mme de Saint-Pal est momentanément hors du couvent et qu'elle a loué un cheval pour aller rendre visite à Péault, au sieur Espinasseau [En 1876, vivait encore Ch. Espinasseau, chevalier, seigneur de la Jolivetière, demeurant à la Merlerie, paroisse de Chaillé, marié à Rose Rampillon : leur fils aîné, Timothée-Charles-Modeste, chevalier, seigneur des Giraudières, prit part au soulèvement de 1793. On le retrouvera dans la suite. C'est probablement chez ce dernier, que s'était transportée Mme de Saint-Pal.]. L'occasion ne peut donc être plus propice, il s'agit simplement de connaître l'heure à laquelle ladite dame regagnera sa retraite. Le sieur François Fontenay, domestique du citoyen Lasnonnier, est dépêché à cet effet vers le bourg de Péault pour s'informer et prendre des renseignements précis : il a l'ordre de prévenir aussitôt qu'il sera fixé, et d'indiquer le moment auquel il y aura lieu d'intervenir. Pendant ce temps-là, les sieurs de Saint-Pal et Décravayat prennent leurs dispositions, se munissent de provisions qu'ils renferment dans un bissac, enfourchent leurs montures et vont au plus vite se poster dans le bois de Barbetorte, situé précisément sur le bord de la route qui conduit de Péault à Luçon : ils s'y installent commodément, de façon à pouvoir surveiller tous les passants. L'attente n'est pas très longue, heureusement, car une pluie froide et serrée commence à tomber, des nuages épais obscurcissent l'horizon, il fait un temps affreux : les complices grelottent déjà.
Le zélé domestique avait à peine eu le temps de revenir en toute hâte pour donner le résultat de son enquête à Péault, qu'une dame à cheval, accompagnée d'un homme à pied débouche dans le lointain, au détour du chemin. Fontenay n'a même pas pu descendre de cheval : il en est réduit à n'avertir ceux qui l'ont chargé de commission, que par des signes dissimulés et à feindre de continuer, négligemment et à petite allure, sa route dans la direction de Luçon, afin d'éviter toute alerte inopportune de la part des voyageurs qui se dirigent de ce côté. Quand ceux-ci sont bien à portée, les deux hommes, à couvert dans le bois, s'élancent de leur cachette et, sautant à la tête du cheval de l'amazone, le prennent par la bride et l'arrêtent instantanément, sans aucune résistance. La noble dame est prisonnière.
Le premier moment de frayeur passé, on se reconnaît de part et d'autre, et l'on commence à causer. La conversation prend bien vite une animation réciproque, et une altercation des plus vives s'élève entre le mari et la femme. Le sieur de Saignard signifie sèchement et avec autorité, à Mme de Saint-Pal, l'ordre de le suivre à Mareuil : celle-ci, se rebiffant, déclare, non moins catégoriquement, avec de fortes invectives et d'énergiques protestations, qu'elle ne veut, à aucun prix, retourner vivre au Tablier, et qu'elle ne s'y rendra que forcée et contrainte ; qu'en tout cas elle n'occuperait jamais la même chambre que son mari. "Vous viendrez au Tablier avec moi, madame, lui répondit-il ; vous n'aurez point de mal et, si vous ne voulez pas absolument coucher avec moi, nous avons plusieurs chambres et plusieurs lits, vous coucherez où vous voudrez ..." A un tel ordre, on ne peut répliquer utilement. Malgré sa répugnance bien évidente, la dite dame est donc obligée de suivre ses audacieux ravisseurs et de se diriger, bon gré mal gré, du côté de Mareuil, où on les attendait. Elle a beau faire signe, à la dérobée, au domestique du sieur Espinasseau, qui l'accompagne, de fouailler le cheval qu'elle monte et de tourner bride vers Luçon, elle ne peut l'obtenir, car les sieurs de Saint-Pal et Descravayat, qui se sont aperçus de cette mimique, signifient au particulier que, s'il se permet de toucher au cheval, "ils lui couperont le col". Ces messieurs étaient donc armés : l'enlèvement avait été exécuté dans toutes les formes.
Ce cortège, le sieur Descravayat en tête et de Saint-Pal en queue, quoique retardé par la boue des chemins et la lenteur forcée de la marche, arrive assez tôt au bac [Il avait déjà été question, en 1788, à la Commission intermédiaire des Sables, de réparer le pont de Mareuil, "qui s'était rompu". Les événements avaient empêché l'exécution de ce travail, qui fut ajourné longtemps. Un bac assurait le passage des personnes t des véhicules.] qu'il faut prendre pour passer la rivière du Lay et entrer dans le bourg de Mareuil : on le hale aussitôt et l'embarquement est bientôt fait. Sur l'autre rive, bavardent à qui mieux mieux force commères et laveuses qui, s'étonnant d'une pareille cavalcade, abandonnent vite leur caquetage et s'approchent pour venir considérer le débarquement d'une dame à cheval, la tête couverte d'un capot, que personne ne reconnaît et qui ne dissimule pas le moins du monde, par ses gestes, son mécontentement de la conduite trop empressée dont on l'honore. On s'interroge à voix basse, on chuchotte, on tâche de mettre un nom sur cette silhouette, qui ne semble pas cependant étrangère, mais aucune de ces particulières, à son grand regret, ne peut identifier la voyageuse.
L'une d'elles, cependant, Rose Roblin, femme de pierre Greffon, serrurier et fermier du bac, qui ne criait pas la moins fort et qui, de service, surveillait l'entreprise de son mari, se détache du groupe et tend la main aux passagers pour recevoir son droit de péage : de Saint-Pal s'arrête devant elle et, du haut de son cheval, en lui versant la taxe exigée, lui demande si elle reconnaît la dame qu'il accompagne. Celle-ci ayant répondu que non, "à cause qu'elle a la tête couverte d'un capot", le dit sieur s'écrie : "Comment ! vous ne connaissez pas Mme de Saint-Pal ! ... Je la tiens bien, ce coup-là, et je l'emmène. Sa figure rayonnait de satisfaction narquoise.
La berge à pic, qui sépare la rivière du bourg, est escaladée des plus facilement et l'on gagne, sans causer davantage, la maison Lasnonnier, où tout le monde met pied à terre. C'est à qui s'empressera autour de la dame de Rorthays pour lui dire des amabilités, l'assurer qu'elle sera admirablement traitée, que tout est disposé pour la recevoir et qu'on espère bien lui voir abandonner le mauvais projet de retourner dans son couvent. Mais ces bonnes paroles, loin de la satisfaire, la font entrer dans une grande colère contre tous ceux qui avaient organisé le piège dans lequel elle était tombée si facilement. Elle les accuse vertement d'avoir agi comme des voleurs de grand chemin, "et accable de sottises tous les gens de la maison" pour s'être occupés de choses qui ne les regardaient nullement ; elle couvre surtout d'injures le pauvre domestique du sieur Lasnonnier, qui, comme on l'a vu, avait feint de gagner Luçon, après avoir donné les renseignements nécessaires à l'entreprise, mais qui était revenu bientôt sur ses pas ; elle le reconnaît pour être celui qui, se présentant comme voyageur, lui offrit son cheval, afin de permettre à l'homme du sieur Espinasseau de reconduire à Luçon la bête qu'elle y avait louée. Cette offre, du reste, n'avait pas été acceptée par la dame, sous le prétexte, juste ou faux, que cet animal, trop vigoureux, "la jetterait par terre et l'estropierait".
Le séjour à Mareuil ne fut pas des plus attrayants ; on fit croire sournoisement à la noble prisonnière qu'elle avait toute liberté d'aller et venir : on la vit à la messe, sous les halles, converser avec diverses personnes ; néanmoins, elle était étroitement surveillée, et ses geôliers connaissaient absolument toutes ses démarches, à la maison et dans le bourg. Dès le premier soir, avait éclaté une scène conjugale. Madame n'avait pas voulu coucher dans la même chambre que Monsieur, quoiqu'il y eut deux lits préparés ; elle avait menacé sa belle-sœur de passer la nuit sous son foyer, si celle-ci ne voulait pas partager sa couche ou lui envoyer une femme. Cette dame dut, le lendemain, satisfaire à la même exigence, et cette comédie menaçait de se prolonger encore, si l'on retardait plus longtemps de donner satisfaction à Madame de Saint-Pal ; on cède donc à sa demande. Le dimanche matin, on part pour Luçon, afin d'aller chercher l'une de ses filles et la ramener à Mareuil. Espérait-elle ainsi s'échapper ou trouver quelque ruse pour rester dans son couvent ? Le projet est fort probable, mais on lui en rendit l'exécution difficile, en lui composant une escorte respectable, disposée à tout oser pour s'opposer à sa réalisation. Mmes Lasnonnier et Descravayat furent du voyage, ainsi que le mari de cette dernière et, naturellement, le principal intéressé, le pauvre délaissé. Tout se passa sans incident, car on ne la laissa pas seule un instant ; il ne lui fut pas permis de pénétrer dans le couvent, et Mademoiselle Henriette arriva, avec sa mère, le dimanche soir, à la maison Lasnonnier. Aucun fait notable et nouveau n'est signalé comme s'étant passé avant le jeudi suivant. Madame avait pu coucher avec sa fille.
Le sieur de Saint-Pal, trouvant qu'il était temps de quitter Mareuil, avait formé le projet de partir ce jour-là et de regagner Le Tablier avec sa femme et sa fille. Il avait commandé des chevaux à ce sujet ; mais le matin, il faisait un temps affreux, il pleuvait à torrents. Il offrit galamment, à la dame de Rorthays, de repousser le voyage jusqu'à ce que la pluie cessât, mais toujours de mauvaise humeur, elle ne voulut rien entendre. Evidemment, elle se sentait trop surveillée dans un pareil milieu ; elle avait hâte, puisqu'il fallait se résoudre, de revenir au logis, de se débarrasser enfin de ces complices trop importuns et plus sévères que son mari lui-même. Il fallut cependant les supporter encore pendant le petit voyage de Mareuil au Tablier, faire contre mauvaise fortune bon cœur et dissimuler adroitement des sentiments d'aversion, sous des aspects de soumission complète et de résignation. Le trajet eut lieu dans les meilleures conditions possibles, vu les chemins défoncés et la mauvaise saison. Mme de Saint-Pal, sa fille à califourchon derrière elle, escortée de son mari, de Mme Lasnonnier et de M. et Mme Descravayat, parcouraient à cheval et de bon matin, la petite route boueuse et accidentée, qui, passant par Rosnay, se dirigeait vers son ancienne résidence. Un domestique, Jacques Bouard, qui avait amené un cheval du Tablier, suivait à pied la caravane et tenait par la bride la monture de Madame [Le train de maison du sieur de Saint-Pal était des plus modiques. Il en était du reste ainsi de presque toute la petite noblesse de province. Il ne possédait pas un seul cheval dans son écurie et son domestique, chargé d'en louer deux dans le bourg du Tablier, ne put en trouver qu'un seul qu'il conduisit à Mareuil. C'est dans c'est dans ce lieu qu'on dut se procurer le second, nécessaire au voyage.].
On avait fait de grands préparatifs dans cette petite localité pour recevoir dignement la transfuge rapatriée. Le sieur de Saint-Pal avait donné des ordres pour que le retour de sa femme fut accompagné de réjouissances champêtres susceptibles de produire sur elle une bonne impression et de lui faire oublier ses récents déboires. A une petite distance du but du voyage, dans les environs de La Girardière, le domestique, triste chevalier d'occasion, demande à sa dame l'autorisation de se détacher en avant pour courir au bourg annoncer l'arrivée, réunir tous les habitants sur la place de l'église et, de là, se rendre devant l'habitation de la dame de Rorthays où avait été dressé un feu de joie. Muni de cette permission, Bouard, crotté et mouillé jusqu'aux os, court à toutes jambes au Tablier, achève les derniers préparatifs et, quand Mme de Saint-Pal apparaît, le feu crépite déjà et les paysans en liesse lui font le plus joyeux et le plus bruyant accueil. On l'accompagne jusqu'à sa porte, décorée d'un modeste arc de triomphe ; on apporte du vin et les chants retentissent encore plus forts, dès que la dame franchit le seuil de la maison. Au bout de quelques instants, afin de témoigner sa satisfaction, elle fait même inviter ses bonnes gens à manger et boire dans la cuisine, tandis qu'elle se rend au dîner préparé dans une autre pièce, pour elle et ses compagnons de voyage.
Que fut ce repas ? Les nerfs contractés de part et d'autre se détendirent-ils ? On ne trouve pas trace, dans les témoignages recueillis, des conversations échangées à cette occasion. Il est simplement raconté qu'aussitôt après le dîner, la jeune Anne-Henriette courut à la cuisine pour prier les 15 à 16 personnes qui s'y trouvaient, de passer au salon, d'y continuer les chants et de danser avec "la compagnie". Sa mère seule ne prit pas part à cette manifestation campagnarde, qui fut très goûtée des assistants, et ne fit qu'y demeurer jusqu'à l'approche de la nuit, auquel moment, fuyant tout ce tapage et songeant aux choses positives, elle alla, avec une des domestiques, visiter les pièces hautes, où elle constata avec grand plaisir que ses meubles n'avaient pas été vendus pendant son absence, comme elle le craignait et comme lui avaient raconté certaines personnes intéressées à prolonger la séparation des deux époux. Elle ne put cependant s'empêcher de déclarer à la fille Morin, qui l'accompagnait : "Si je suis venue au Tablier, c'est mon "grand regret".
Sans entrer dans les détails domestiques trop intimes, il est permis de dire cependant, que M. et Mme de Saint-Paul habitaient deux chambres contiguës "dont les portes étaient "dépourvues de serrures et de verrous", que la dame de Rorthays put jouir, pendant tout son séjour au Tablier, d'une liberté absolument complète, sans aucune surveillance, le mari étant presque tous les jours à la chasse ou à s'occuper de démarches qui l'intéressaient sans doute, mais qui n'étaient assurément pas faites pour consolider le nouveau régime que la France s'était donnée. Elle va à la messe de Saint-Florent, le curé du Tablier étant constitutionnel : il est de bon ton de ne pas assister à ses offices [Louis-Etienne Serré, curé du Tablier, était fils de Pierre Serré, receveur des fermes du roi à La Châtaigneraie et de Louise-Charlotte-Marguerite Sandriau. Il prêta le serment constitutionnel, s'affilia à la Société des Amis de la Constitution de l'Oie, le 20 mai 1791 et abjura la prêtrise le 12 mai 1794. Les biens de la cure furent vendus le 27 juin 1791, pour le prix de 255 livres.].
Partie un certain jour avec sa fille et un domestique pour rendre visite au sieur de la Jolivetière [Métairie de la commune de Saint-Florent-des-Bois, sur la limite de celle de Nesmy, sur le bord de l'Yon, appartenait à un des membres de la famille Espinasseau], où elle doit rester quelques jours, elle revient dès le premier soir, sous prétexte que les jeunes filles de la maison sont malades ; on la voit deux fois à Linaudière, sa propriété, qu'elle propose à son mari d'habiter l'été, tandis qu'ils passeraient l'hiver au Tablier. Enfin, elle prend part à tous les devoirs domestiques qui sont l'apanage d'une bonne maîtresse de maison.
Comment, à première vue, concilier avec une telle manière de faire, cette idée fixe qu'elle nourrissait au fond de son cœur et les paroles qu'elle répétait sans discernement à chaque instant et à tout venant, de ne pas habiter avec son mari ? Une des causes agissantes est facile à trouver et en lui donnant le conseil de rester au foyer conjugal, un brave homme, Louis Martineau, laboureur à La Vergne-Duval, toucha très juste, car il lui observait timidement : "qu'elle était bien mieux là que de faire manger le bien de ses filles". Il sera question, plus loin, de l'autre mobile qui avait son importance pour une femme de cœur.
On avait su, en effet, accaparer à Luçon le caractère de cette femme assurément bonne, mais faible, changeante et un peu fantasque, qui, sans doute, n'avait pas eu que de beaux jours dans son existence, mais à qui on exagérait assurément la grandeur de ses peines : un mysticisme étroit ne faisait qu'aggraver l'état d'esprit de cette épouse qui eut le malheur de trouver, sur son chemin, un mari dissipateur et peu sérieux, plus qu'occupé de chasse et d'intrigues politiques ou autres, que de bonheur domestique. Encouragée et mieux guidée, elle eut obtenu peut-être de son époux ce qu'elle était en droit d'exiger et cela sans démarches longues et ruineuses. A une personne qui lui demandait "si son procès était à bout" et si elle s'arrangerait avec son mari, elle fit savoir "qu'effectivement, M. de Saint-Pal lui avait dit, un soir : arrangeons-nous, madame, point de procès, et qu'elle avait répondu qu'elle le voulait bien, à condition qu'il lui payât tout ce qu'il lui devait, et qu'il lui avait répliqué qu'ils s'arrangeraient comme elle voudrait ; et elle ajouta qu'il l'avait tant attrapé de fois qu'elle ne se fierait pas à lui..."
Un autre jour, elle répliquait au notaire André Martineau, "qu'à moins qu'il y eut un acte ou une sentence qui déclarât la séparation, elle ne resterait jamais avec son mari et qu'elle exigerait encore de lui une obligation de ce qu'il lui devait, montant à plus de dix mille francs. Et que si, après cela, elle avait deux bouchées de pain, elle en donnerait une à son mari, disant que le parti qu'elle prenait était pour l'intérêt de ses deux filles et qu'il n'y avait que cela qui la faisait agir".
L'intervention malencontreuse et fortuite des parents de son mari, qui vinrent encore ranimer par deux fois son aversion, durant son séjour au Tablier, n'était pas faite pour aplanir les difficultés et faciliter une réconciliation. Il y a souvent, autour des mariages peu unis, un tas d'importuns, qui, par maladresse ou intérêt, ne font que ranimer le brasier mal éteint.
Enfin, vers la fin du mois de novembre ou les premiers jours de décembre, la dame de Rorthays demande à son mari de faire un petit voyage à Luçon, pour achever sa confession et ramasser les hardes qu'elle y avait laissées ; elle doit revenir sous peu "mais pas avant les fêtes de Noël, parce qu'elle ne saurait où aller à la messe." De Saint-Pal, qui croît naïvement à la sincérité de sa femme, et qui répondait à ceux qui lui conseillaient de ne pas la laisser partir si vite "je n'ai pas peur qu'elle y reste", s'empresse d'accorder l'autorisation demandée ; et le lendemain, la mère et la fille partent pour la ville épiscopale, en emportant divers objets, des provisions de bouche et notamment une bécasse.
Des nouvelles, des correspondances, de petits cadeaux, même des compliments et des vœux s'échangèrent pendant les premiers temps de cette séparation. Tout semblait donc à tous se passer le mieux du monde. Trois semaines s'écoulent, le sieur de Saint-Pal dépêche quelqu'un prendre des nouvelles de sa femme ; elle lui fait savoir que sa confession n'est pas terminée. Quelques jours plus tard, elle répond à un nouvel émissaire qu'elle ne peut encore revenir, car elle a pris une médecine.
A l'abri des murs de son couvent, sous la domination des personnes qui l'avaient abritée, la dame de Rorthays finit par faire savoir à son mari qu'il ne doit plus compter sur elle et que le procès engagé va suivre son cours. La contrariété fut grande, comme on le pense, au Tablier, à la nouvelle de cette décision subite et inattendus ; le mari venait d'être habilement joué à son tour par sa femme qui prenait sa revanche : l'entreprise du mois de novembre devenait ridicule et il fallait se résigner, renoncer à toute entente, s'en rapporter à justice. Dans ces conditions, un séjour plus prolongé du sieur de Saint-Pal au Tablier, devenait difficile pour son amour propre.
Dès le mois de janvier 1792, en effet, il quitte le bourg. Il a soi-disant affermé sa maison à sa première domestique, Martiale-Marguerite Bouard, dite "Goton", qu'il avait depuis plus de trois ans et demi près de lui. C'est du moins ce qu'affirme cette fille dans sa déposition. Ne serait-ce pas la conduite de ce témoin à la maison conjugale, et ses relations avec son maître, qui auraient inspiré à Mme de Saint-Pal une certaine réponse faite à son mari pendant son dernier séjour avec lui "qu'il pourrait, si elle restait, y avoir du changement dans la maison, et qu'elle ne voulait point être l'auteur de la sortie de quelque domestique..." Dans une autre occasion, elle pose encore au même une question qui laisse bien présumer les dessous de cette affaire : "Pourquoi, Monsieur, ne m'avez-vous pas prise plus tôt que vous ne l'avez fait, vous saviez bien où j'étais ?..."
Il est inutile d'insister davantage, M. de Saint-Pal n'était pas seulement dépensier et grossier, peut-être brutal ; il se montrait mari infidèle et peu difficile dans ses amours avec Goton.
Les pourparlers à distance se prolongèrent-ils longtemps ? La longue enquête, entreprise le 6 août 1792 par le juge de paix de Mareuil, est muette à cet égard. Il est impossible, en outre, d'après les pièces connues, de dire comment se termina cette affaire et de connaître si un accord intervint ou si la séparation fut ordonnée, ainsi que le demandait la plaignante. Il est fort possible que le procès n'eut aucune solution et que les terribles évènements qui survinrent dans les premiers mois de l'année 1793 en arrêtèrent complètement le cours déjà bien lent. De Saint-Pal, très occupé par d'autres ambitions, put oublier ses chagrins domestiques, si la solution qui intervint peut-être ne lui fut pas favorable ; la vie plus qu'agitée, qu'il mena pendant plusieurs années, le détourna sans doute de ses préoccupations de famille.
Quand à sa fille Anne-Henriette, elle se maria en septembre 1801, à Honoré-Benjamin de Morisson de la Nollière, comme il appert par le contrat de mariage passé à la date du 21 du même mois, devant Martineau, notaire au Tablier. [Revue du Bas-Poitou, 1902, p.180 d'après Edmont Bocquier].
On peut suivre, en dehors de ses malheurs domestiques, le sieur de Saint-Pal pendant de nombreuses années de sa vie publique. Il n'est pas, cela va sans dire, partisan enthousiasme du nouveau régime qui gouverne la France, mais il n'a pas encore trempé - du moins les papiers administratifs n'en font pas mention - dans les complots qui se tramèrent de tous côtés, et il ne prit pas une part directe aux soulèvements inutiles et sauvages qui ensanglantèrent, avant 1793, à diverses reprises, le sol vendéen. Il ne fut pas non plus de ces hommes qui allèrent emprunter, hors de leur patrie, l'épée de l'étranger pour ramener l'état de choses déchu. Il resta au pays et attendit les évènements en les favorisant dans la mesure de ses moyens. Quand ils éclatèrent terribles et irrésistibles, de Saint-Pal se mit, ou fut mis à la tête des paysans des paroisses du Tablier, Nesmy, Chaillé, Aubigny et autres, et vint se joindre à de Chouppes et Bulkeley qui allaient assiéger le chef-lieu du district de La Roche-sur-Yon. Cette ville tomba en leur pouvoir le 14 mars, et il ne s'y commit pas, comme dans beaucoup d'autres localités, qui eurent le même sort, ces atrocités qui ont jeté, dès le début de l'insurrection, la consternation parmi les populations tranquilles. Ce résultat est dû uniquement à la modération des chefs, car les paysans surchauffés étaient au paroxisme de l'excitation [Dans une note de la Revue du Bas-Poitou, année 1896, p 415, M. René de Vallette rapporte que Saint-Pal "dans les premiers jours du soulèvement, contribua à Mareuil à apaiser les paysans très montés contre les républicains".].
Dans une lettre écrite vers cette date, à un commandant de paroisse placé sous ses ordres, de Saint-Pal déclare : "Les paysans qui se sont révoltés contre la constitution républicaine sont venus me saisir chez moi et m'ont conduit à La Roche, où ils m'ont créé le commandement en cette partie. Je n'ai accepté que pour le bien de la chose. Mon intention n'est certainement pas de faire couler le sang ; au contraire, je désirerai toujours de pacifier les esprits contre une loi qui les afflige ; les prisonniers, qu'ils ont faits et feront sous mes ordres, seront traités sans rigueur.
Désolé que femmes et enfants ont suivi leurs pères et maris au bruit de cette révolte, je les engage de rentrer dans leurs foyers pour conserver leurs propriétés isolées, que je promets de faire respecter". [Lettre conservée dans les papiers de Mercier du Rocher, registre I, n° 106].
Il faut se défier, toutefois, de toutes ces belles protestations de nobles soi disant contraints, par les paysans, de se mettre à leur tête. Le cas est certainement vrai pour quelques-uns, pour d'Elbée et Beauchamps, par exemple, hommes justes et de valeur, profondément convaincus. Mais, en général, loin d'attendre qu'on vint les chercher, ils se hâtèrent de s'imposer aux populations parmi lesquelles ils vivaient. Que l'on consulte, pour s'édifier, et qu'on examine, scrupuleusement et sans parti pris, les petits soulèvements partiels antérieurs à cette date ! On sera bientôt fixé. La conduite postérieure de Saint-Pal, en particulier, quoique moins blâmable que celle de beaucoup d'autres, patriotes ou royalistes, n'est pas faite pour démontrer qu'on lui fit de pressantes violences pour l'amener à occuper le poste qu'il ne sut du reste tenir, malgré sa jactance, que d'une façon fort médiocre et même insuffisante. [D'après De La Fontenelle de Vaudoré].
Il s'agissait, en ce moment, les attroupés étant maîtres de presque tout le haut pays, d'aller assiéger la ville des Sables, afin de se procurer un port avantageux pour les approvisionnements et, surtout, de s'assurer des communications faciles avec ces bons alliés, les Anglais, qui avaient promis monts et merveilles. A les entendre, on allait pouvoir, aussitôt la prise de cette place, vomir sur le continent secours en argent, armes, munitions et une armée innombrable d'émigrés toute prête à courir défendre le trône et l'autel. Mais, comme une grande partie des rebelles était occupée sur les bords de la Loire en Anjou, le chef Jolly, de La Chapelle-Hermier, avait mission de soulever et réunir toute la partie occidentale de l'ancien Bas-Poitou, pour tenter d'emporter, de vive force, l'objet si convoité. Tous les petits commandants de paroisse recueillirent les hommes de leur territoire pour les concentrer à jour fixe devant la ville des Sables, à ce moment presque dépourvue de troupes et remplie de complices.
Bulkeley envoyait, le 21, l'ordre suivant : "Le commandant de La Roche-sur-Yon invite les paroisses de La Couture, Le Tablier, Bellenoue, Château-Guibert, Saint-André et autres de se rassembler à La Roche et de faire sonner le tocsin." [Savary, t. I, p. 120] De Saint-Pal, de son côté, s'occupait particulièrement des cantons de Poiroux, Talmond et Angles, qui se trouvaient dans son commandement, et avait, entr'autres chefs, pour l'aider dans sa tâche, le jeune Duchaffault de la Guignardière et le chevalier de la Voyerie. Le rendez-vous des attroupés de cette région était Talmond.
Dans une lettre du 20 mars, écrite par Saint-Pal à "Monsieur Jolly, commandant à la Mothe-Achard", il l'informe qu'il ne peut lui indiquer le nombre d'hommes qu'il réunira, "mais leur bonne volonté suppléera au reste". Il croit, cependant, pouvoir rassembler 300 hommes, tirés des paroisses ci-dessus désignées.
La déposition du citoyen Bertrand, armurier, demeurant dans le faubourg de l'Aumônerie de la petite ville de Talmond, reçue par le Directoire des Sables, le 12 avril, rend compte très utilement de la façon dont le sieur de Saint-Pal et ses collègues opéraient pour se procurer des hommes ou des armes, et des dispositions des rebelles entreprenants et des sous-officiers qu'ils avaient à diriger. La domesticité des anciens nobles alimentait généralement le corps de ces subalternes, chargés tout spécialement de courir les campagnes et d'ameuter, de bon gré ou par intimidation, les paysans déjà préparés par leurs maîtres et par les prêtres réfractaires depuis plusieurs années, et surtout pendant l'époque propice du dernier carême.
Nier ces faits, ce serait nier l'évidence la plus notoire et vouloir faire disparaître, sans intérêt, du reste, pour personne, les traces les plus certaines de l'absolue vérité. Les deux partis n'ont aucun intérêt à retirer de la négation pure et simple de leurs erreurs : elles sont trop connues actuellement de part et d'autre.
"Le 25 mars 1793, raconte Bertrand, sur les 4 heures du soir, le sieur de Saint-Pal, se disant commandant des attroupés des brigands, est entré dans ma boutique ; il me dit qu'il lui fallait des armes. Lui ayant répondu que ce que j'avais était là présent, lesquels consistaient en plusieurs fusils d'hazard, lesquels n'étaient pas d'une grande valeur ; il me répondit qu'il allait faire la visite chez moi et que, s'il s'en trouvait, qu'il m'en prendrait mal, que j'étais mal noté et que j'étais dans de mauvais principes. Me voyant pressé de menaces, je lui dis que j'en avais 6 dans ma chambre, que, s'il voulait monter avec moi, j'allais lui faire voir. Etant monté, il en prit 3, un double de ma façon et 2 autres semblables d'hazard : il me dit de serrer les autres et que je ne perdrai rien. Ayant rentré dans ma boutique, il me prit mes fusils d'hazard, qu'il avait vus au nombre de 6, et ma bayonnette pour un fusil double, que j'allais finir, me disant que cela pourrait servir au bout d'un bâton. Il se retira.
A la brume, mon portail fermé, il arriva une bande de ces brigands qui ne voulurent pas me donner le temps d'ouvrir ma porte : ils passèrent par dessus la clairvoie. Celui qui m'aborda se dit être le domestique de Saint-Pal [Cet homme se nommait Dubois et avait parcouru, pendant toute la journée, les communes de Saint-Hilaire-la-Forêt et Jard], me lançant une épée au-dessus de la tête, présentant un pistolet sur la poitrine de ma fille, disant : vous avez caché vos armes. Ma fille étant débarrassée, s'en fut dire au sieur de Saint-Pal ce qui se passait. Ce dernier envoya le sieur Marvilleau de la Guitière [Marvilleau Jacques, condamné à mort par la commission militaire des Sables, le 16 avril suivant], avec deux autres, pour mettre la paix. Pendant ce temps-là, malgré que je disais que le sieur de Saint-Pal avait pris tout ce qu'il voulait, et qu'il n'entendait point qu'on eut fouillé chez moi, ils montèrent forcément dans ma chambre, ils prirent les 3 autres fusils que le dit Saint-Pal avait laissés ; ils voulaient enfoncer la porte de ma boutique : le sieur Marvilleau étant arrivé, ils s'en furent tous.
Le lendemain matin, le sieur de Saint-Pal revint, me disant de ne me mêler de rien du tout, que je serai tranquille ; il me prit trois moules de balle et une cuiller en fer, me disant que tout cela me serait payé, m'ordonnant de travailler pour sa troupe. Dans le jour, de moment à autre, il arrivait des attroupés, toujours en me demandant des armes avec menaces, me prenaient ce qu'ils trouvaient dans ma boutique, pistolets et autres ustensiles. Le sieur Duchaffault m'écrivit le billet que je joins, qui m'ordonnait de travailler ; de même un autre de M. de la Voyerie. Le jeudi, vers 11 h 1/2 du soir, deux autres vinrent m'enlever une épée que le sieur de Saint-Pal m'avait laissée. Ils me sommèrent de me rendre à la tête de leurs troupes. Heureusement le sieur de Saint-Pal me fit la grâce de me renvoyer.
Je remets ci-joints les billets des sieurs du Chaffault et de la Voyerie, ainsi qu'un mémoire détaillé et signé de ma main, des différents ouvrages que j'ai été forcé de faire pour les attroupés des différentes compagnies qui y sont énoncées, pour être, le tout, remis par les officiers municipaux de cette commune, avec une expédition de la présente déclaration, à qui il appartiendra.
Déclare en outre qu'il est resté dans ma boutique, quelques mauvais fusils que les attroupés y avaient laissés pour y être raccomodés et qui sont restés tels qu'ils m'ont été remis.
Fais et arrêté ..." [Bibliothèque nationale, IV a-35, 106. Documents inédits recueillis par le vicomte d'Agours].
On sait qu'une première attaque contre Les Sables, tentée le dimanche des Rameaux (24 mars), échoua piteusement, faute d'audace ou de préparation, et qu'une seconde, entreprise le vendredi saint (29 mars), mais dans de meilleures conditions et avec des forces beaucoup plus considérables, eût absolument le même sort. De Saint-Pal s'y trouvait remplir les fonctions de commandant canonnier, et c'est parmi les hommes qu'il avait sous ses ordres, que se produisit tout d'abord la panique qui entraîna la panique générale, après l'explosion du dépôt de poudre occasionné par un boulet de l'artillerie sablaise. L'armée rebelle entière se débanda en tout sens et courut jusqu'à La Mothe-Achard et au-delà ; on ne ramassa sur le champ de bataille que des sabots et des bâtons.
Le Lendemain de la défaite de cette armée, les représentants du peuple, Carra et Auguis, adressaient une proclamation solennelle aux vendéens pour les engager à déposer les armes ; ils offraient 6ooo livres à ceux qui leur livreraient les chefs de l'armée révoltée, parmi lesquels se trouvaient notamment Saint-Pal, deux Rorthays, parents de sa femme, et le sieur Espinasseau, seigneur des Giraudières, dont il a été question dans l'enquête analysée ci-dessus à propos de l'enlèvement de Mme de Saint-Pal. A partir de ce moment, Saint-Pal du Tablier, comme il est désigné par ses contemporains, suit l'armée royaliste, à laquelle il est désormais irrévocablement lié et dont il partage le sort alternativement mauvais ou prospère.
Au mois de mai, il se trouve au Tablier, où il a toujours conservé un pied à terre, et où est établi un poste de Vendéens : il a naturellement de nombreuses relations avec Mareuil qui, après avoir servi de premier refuge aux membres du Directoire du district, le lendemain du 15 mars, a dû être évacué précipitamment à l'approche des rebelles. Il écrit le 24 au commandant Bulkeley de la Roche-sur-Yon, qu'il a découvert à une demi lieue de Mareuil une maison où se trouvent amassés 18 barriques de vin et 8 tonneaux de blé : mais il lui faut "un détachement de première force pour s'en emparer", il lui demande cent hommes qui, avec les cent cinquante qu'il y joindra des siens, pourront le lendemain faire "cet enlèvement à la barbe de l'ennemi ; on le partagera en frères." Il est fort probable que cette expédition eut lieu très aisément, et ce fut peut-être le plus bel exploit accompli par ce chef pendant sa carrière militaire qui dura trois années, car les forces de la République étaient des plus précaires en ce lieu, et le peu des troupes dont on disposait se trouvait concentré à Fontenay pour la défense de la place, qui tombait malgré cela le lendemain de ce coup de main, au pouvoir de l'armée royaliste. Saint-Pal n'assista donc pas à ce fait d'armes heureux pour les révoltés.
Très ambitieux, il voulut cependant entreprendre quelque chose de mieux qu'une banale razzia de vin et de blé et, au mois de juin, il organisa une expédition dans le centre du département. Voici comme Savary raconte son intervention plutôt malheureuse : "Le commandant Villeneuve occupait, avec une petite partie du bataillon Le Vengeur, le port La Claye. Le 21, il rendit compte au général Boulard que Saint-Pal, à la tête de quatre ou cinq cents hommes avait attaqué le poste des Moutiers-les-Mauxfaits : qu'une partie de la troupe avait fait bonne contenance, que l'autre avait pris la fuite, et que cependant les vendéens avaient été repoussés ; qu'il s'était mis de suite, avec sa cavalerie, à la poursuite de Saint-Pal sans pouvoir le joindre : qu'il s'était avancé une lieue au delà du château de La Boissière, jusqu'à une demi-lieue d'Aubigny, où l'ennemi était retranché au nombre de 1 200 hommes : qu'alors il avait crû prudent de faire sa retraite ". [Savary, t I, p 292. Ce combat eut lieu le 21 et, le lendemain, le district des Sables faisait passer au général Boulard une requête de la municipalité des Moutiers, par laquelle elle réclamait des secours en cas d'une nouvelle attaque. Le 23, le Directoire adressait aux officiers, sous-officiers et soldats du poste de Moutiers, une lettre de félicitations en leur annonçant que "leur bravoure ferait suite aux fastes de l'histoire". (Archives départementales, série L, liasses 901 et 912).].
Deux mois plus tard, la ville de La Roche-sur-Yon, que défendaient les bandes de Bulkeley, de Chouppes et Saint-Pal, était envahier par Miesgkouski, venu des Sables (23 août 1793). Ces mêmes chefs, avec le secours de Charette, Savin et Jolly, arrivant par les routes du Poiré, des Essarts et La Mothe-Achard, tentèrent bien trois jours après de reprendre la ville avec de l'artillerie, mais le général républicain était sur ses gardes : il reçut l'ennemi à coups de canon et, en une demi-heure, les dispersa. Dans sa lettre à Chalbos, le jour même, il disait avec brutalité et emphase : "Les soldats républicains, à leur louable coutume, ont chargé les brigands à la baïonnette et en ont fait une déconfiture. Je n'ai point fait de prisonniers : les soldats de la liberté étaient trop indignés de l'audace de cette horde d'esclaves qui ont osé les déranger de leur dîner... Je ne puis vous dire le nombre de rebelles tués... J'ai, de mon côté, une dizaine de bons soldats qui ont succombé sous la fureur des fanatiques" [Lettre lue à la Convention le 3 septembre, Moniteur du 4 septembre 1793. Savary cite une autre lettre écrite par le même au même : elle n'est pas tout à fait rédigée dans les mêmes termes, T II, p 73.]. C'est à ce combat que s'illustra, pour la première fois, à la tête d'une compagnie à sa solde, Mme Bulkeley qui protégea, un pistolet d'une main et un sabre de l'autre, la retraite des vendéens. [Il existe une estampe de Motte, qui a illustré cette conduite énergique dans Victoires et conquêtes.].
A la suite de cette victoire républicaine, dès le 28, les administrateurs du district rentraient dans leur chef-lieu, où ils trouvèrent leur local dévasté, les maisons de la ville et leurs papiers brûlés. Ils ne purent y tenir que jusqu'au 5 septembre, la défaite sanglante de Chantonnay les ayant forcés de gagner hâtivement Les Sables.
Le sieur de Saint-Pal fut victime, dans les premiers jours d'octobre, d'une assez fâcheuse aventure. Pendant qu'il était à guerroyer et à faire des razzia de vivres, pour attirer les républicains, car Charette se préparait à attaquer Noirmoutier, le général de brigade Beffroy, qui commandait à Luçon, saccageait la commune de Chaillé-sous-les-Ormeaux et enlevait tous les effets des habitants, qui furent transportés en cette ville et vendus par les volontaires dans les rues. Les propriétés de Saignard furent dévastées en cette occasion, et on accusa le commandant de la place Percebois - qui fut même arrêté et conduit devant le Directoire du département - de s'être attribué le produit de la vente du mobilier de ce chef des rebelles. On destitua Percebois de son grade, mais après examen on reconnut qu'il n'avait été pour rien dans cette entreprise. Tout cela ne restitua point aux intéressés les meubles brisés ou volés.
La Fontenelle de Vaudoré prétend - le fait est-il démontré ? - que, le 9 décembre, le chef de la division du Tablier se trouvait aux Herbiers pour participer à la nomination de Charette au grade de général en chef. Il ne fut point, toutefois, appelé à signer le procès-verbal rédigé à cette occasion, qui fit tant de bruit et où ne figurent que les noms de Coëtus, Savin, Eriau, Arnaudeau, de la Roberie, Baudreau, le Moël et Garreau [Revue du Bas-Poitou, année 1896, p 415. Il est assez curieux de lire l'article consacré à M. Sanguin de Saint-Pal, et de juger, par sa précision, de la confiance que l'on doit accorder aux documents historiques fournis par cet auteur.].
On sait encore que Saint-Pal se trouvait, en avril 1794, dans l'armée de Charette qui surprit et saccagea le bourg des Moutiers-les-Mauxfaits : le juge de paix Denogent et le receveur d'enregistrement Bonnamy y furent massacrés ; qu'en juin, le républicain Delaage retrouvait, dans la région de La Roche-sur-Yon, sa bande qui disparaissait aussitôt qu'aperçue.
D'après la déclaration faite à Fontenay par le sieur Prudhomme, qui venait de l'armée de Charette, Saint-Pal était encore à la tête de 1 500 hommes, le 14 juillet [Savary, t IV, p 30], et deux jours après Dutruy, commandant aux Sables, faisait savoir au général en chef Vimeux, que toutes les nuits ces brigands, qui étaient à Aubigny, Nesmy, Le Tablier, etc... portaient leurs incursions dans les paroisses d'Avrillé, Talmond et autres, pour inquiéter les moissonneurs et s'emparer des récoltes [Savary, t IV, p 34]. Ce général partait aussitôt pour les attaquer et, le 24, il informait son chef que "l'expédition contre Saint-Pal à Aubigny n'avait pas eu tout le succès qu'il attendait. Saint-Pal et les siens avaient pris la fuite : cependant, on en a surpris une trentaine couchés tous ensemble dans un grenier, ayant leurs armes à côté d'eux" [Savary, t IV, p 43]. Il voulut mieux faire et il y retourna le 29. "1 100 hommes, dit-il, divisés en deux colonnes, se sont portés la nuit dernière sur Nesmy, où se tenait Saint-Pal, qui s'est retiré avec perte de 60 hommes, quelques bons fusils et deux pistolets. Il avait lui 700 fantassins et une soixantaine de cavaliers. On a trouvé, dans leur camp, deux bœufs tués et beaucoup de pain. Les métayers, qui étaient occupés à travailler dans leurs champs, se sont prêtés de bonne grâce à transporter les farines" [Savary, t IV, p 47].
Il n'est donc pas exact de dire, comme le ferait croire M. de la Fontenelle de Vaudoré [Revue du Bas-Poitou, année 1893, p 35], que Saint-Pal ait été remplacé à la tête de la division du Tablier par Lemoëlle, après la bataille des Clouzeaux, où périt Haxo (21 mars 1794), puisqu'on vient de le retrouver encore à la tête de ses troupes, à l'attaque des Moutiers, en juin, et aux combats d'Aubigny et de Nesmy, les 24 et 29 juillet. C'est seulement au mois de septembre que Charette prit contre lui des mesures de rigueur. Voici comment M. Le Bouvier-Desmortiers raconte l'incident [Vie du général Charrette par M. Le Bouvier-Desmortiers, son panégyriste, t II, p 329] : "La division de ce pays était sous les ordres de M. de Saint-Pal, dont les talents militaires ne jouissaient pas d'une grande réputation. Il s'était laissé prendre 20 charretées de bois et une quantité de vin, sans faire la moindre résistance. Eh bien ! dit Charette, j'irai les lui rendre ; et il se mit en marche pour chasser la colonne républicaine qui pillait et ravageait impunément le canton. A peine les royalistes parurent dans les landes, que les républicains sortirent de leur camp et s'avancèrent fièrement, en ordre de bataille, croyant n'avoir affaire qu'à l'ennemi qu'ils méprisaient : mais ils furent bientôt détrompés. Les royalistes marchaient en colonne, la cavalerie à la gauche : ils s'avancèrent aussi jusqu'à demi portée de fusil. Alors Charette met pied à terre et, une espingole à la main, il fonce à la tête de ses chasseurs, qui agitent leurs panaches et poussent de grands cris : l'avant-garde charge avec furie et l'ennemi qui, dans ce genre d'attaque, ne reconnaît point M. de Saint-Pal, tourne à droite et prend la fuite. La cavalerie poursuivit jusqu'au chemin de Luçon les fuyards dont il ne réchappa qu'une soixantaine".
L'adjudant général Marotte commandait ce poste fort d'environ 800 hommes, et l'armée que conduisait Charette en comprenait 3 000 qui s'avancèrent en trois colonnes. Il y eut évidemment un grand désordre dans cette garnison qui se retira, le 14 septembre, jusqu'à Saint-Cyr, mais qui n'entraîna pas la perte de 740 hommes, comme l'annonça avec tant de certitude le panégyriste de 1809. L'histoire de la Guerre de Vendée a fait des progrès depuis cette époque et ces fanfaronnades ne sont plus acceptées que sous bénéfice d'inventaire.
Quand on veut juger sainement les faits de la Guerre de Vendée, il est prudent d'agir mathématiquement. Cette expression peut paraître mal placée, dans une étude historique ; elle peint cependant fort bien le genre de travail et d'élimination auquel on doit se livrer, pour approcher le plus près possible de la réalité. C'est, si l'on préfère, une question de bonne recette pharmaceutique à exécuter. On prend les récits de deux panégyristes, royalistes et montagnards, racontant le même épisode, que l'on mélange convenablement ensemble et on divise par deux, comme en arithmétique, pour avoir la moyenne. On est à peu près sûr, ainsi, d'approcher sensiblement de la vérité, autant du moins qu'il est possible de l'espérer. Ce travail, beaucoup plus difficile qu'il ne paraît, aboutit encore quelquefois à des inexactitudes, mais c'est le seul qui puisse donner des résultats acceptables et approximatifs.
En revenant au récit de M. Le Bouvier-Desmortiers, on y trouve les détails qui confirment le doute émis sur la disgrâce de Saint-Pal. "C'était le troisième camp retranché que Charette avait détruit dans l'espace de deux mois [Les deux autres camps détruits par Charrette étaient ceux de La Rouillère et du Fétigné]. Il nomma M. Le Moël, jeune homme plein de bravoure, au commandement de la division de M. de Saint-Pal, et donna à celui-ci une place d'inspecteur qui n'exigeait aucun service militaire".
Ce soldat d'occasion et incapable, relégué au troisième plan, fut fort heureux de profiter de la première pacification de La Jaunaye, pour quitter son deuxième emploi qu'il jugea indigne de lui ; il se garda bien de répondre à l'appel de Charette, lors de la reprise des hostilités et, quelques jours après cette néfaste décision du chef vendéen, car il n'est pas possible d'émettre une autre opinion, le 10 mars 1795, Dominique Dillon, président de l'administration départementale à Fontenay, écrivait à Goupilleau de Montaigu, à Paris : "Saint-Pal et le ci-devant chevalier Buor, d'Angles, se sont rendus à nos commandants" [Papiers de Goupilleau à la Bibliothèque de Nantes]. Donc impossibilité complète de concilier avec ces dates certaines, l'accusation de Mercier du Rocher, prétendant que Saint-Pal fut soupçonné d'avoir fait massacrer son beau-frère Lasnonnier dans une surprise de Mareuil, qu'il commandait, celle-ci ayant eu lieu le 9 juillet 1795. S'il se rendit au gouvernement républicain le 10 mars, comment pouvait-il commander l'expédition du 9 juillet suivant ?
Il n'est plus, pendant près de trois ans, question de Saint-Pal ; on n'en retrouve aucune trace dans la correspondance des agents du pouvoir.
Le 28 février 1798, pourtant, en traversant la paroisse de La Ferrière, il eut la mauvaise surprise de trouver, sur la grande route, le citoyen Le Gueult, commissaire du pouvoir exécutif, près le canton de La Chaize qui, le lendemain racontait au directoire son entrevue en ces termes : "Hier, étant en tournée dans la commune de La Ferrière, ayant rencontré sur la grande route Saint-Pal du Tablier, qui allait, me dit-il, près de Nantes, je lui demandais par quel hasard il était dans ce pays-ci, ayant dû le quitter conformément à la loi du 19 fructidor. Il me dit qu'il avait obtenu la main-levée du séquestre de ses domaines, et qu'il était autorisé à rester dans ses foyers.
Comme j'ignore qu'il y ait une exception à la loi du 19 fructidor, en faveur des chefs des rebelles de la Vendée, portés sur la liste des émigrés, je vous prie de me faire connaître ce qu'il en est, afin que j'arrête ou je fasse arrêter ce Saint-Pal, si je le rencontre une autre fois, dans le cas où il ne m'aurait pas dit la vérité" [Archives départementales, série L, liasse 208. Lettre adressée au commissaire près le directoire exécutif à Fonteny-le-Peuple]. Ce soin ne fut pas réservé au zélé commissaire.
En effet, par ordre de l'administration centrale du département, le citoyen Jean-Zacharie Prier, capitaine de gendarmerie de Fontenay-le-Peuple, faisait arrêter, le 25 mars 1798, par la brigade de La Roche-sur-Yon, le nommé Saignard Saint-Pal, résidant dans la commune de Saint-Florent-des-Bois. On l'envoyait à la prison de Fontenay et, dans l'état nominatif des individus détenus par mesure de sûreté générale, adressé le 28 avril par le commissaire près le directoire exécutif, au Ministre de la police générale, le sieur Saignard dit Saint-Pal était présenté comme "ex-noble, 48 ans, agriculteur à Saint-Florent-des-Bois, a été chef jusqu'au traité de la Jaunaye, n'a point repris les armes avec Charette." Aussi, fut-il remis en liberté le 14 mai, sur l'ordre du ministre Doudeau, ainsi que sept autres chefs rebelles et put-il, pendant plus de 18 mois, jouir de la plus parfaite tranquillité.
Le commissaire de la Chaize, cité tout à l'heure, annonçait encore avec terreur le 29 décembre 1799, à son collègue du département, après lui avoir parlé de l'important soulèvement, que venaient de provoquer Caillaud et Rézeau chefs des chouans "qu'ils devaient encore faire jonction et se porter dans la division de Saint-Pal (du Tablier) pour en soulever les habitants et les faire marcher ; c'est dit-on, La Maronnière qui devait prendre le commandement de cette division en remplacement de Saint-Pal..." Ce dernier bruit était alors assurément très fondé ; Saint-Pal éprouvait, au premier abord, beaucoup de répugnance à reprendre les armes ; il n'était pas des plus acharnés parmi les rebelles et il estimait le moment peu propice pour un soulèvement, mais il fut contraint cependant de marcher, et, une semaine plus tard, Le Gueult portait de nouveau à la connaissance du département : "Aujourd'hui Saint-Pal, divisionnaire du Tablier, qui a feint jusqu'à ce jour de ne pas vouloir reprendre les armes, assemble à Saint-Florent son monde. Il s'était d'abord caché. Les soldats de Verrier [chouan, émigré des environs de Nantes, commandait en chef la division d'Aizenay] avaient été chez lui, il y a quelques jours ; ne l'ayant pas trouvé, ils pillèrent sa maison ; ils trouvèrent dans les armoires au moins 6 livres de poudre, ce qui est une preuve de la bonne intention pacifique qu'avait Saint-Pal ; il comptait sans doute n'en faire usage que pour s'amuser à tirer les moineaux. Mais, comme Verrier n'a pas voulu lui donner le temps de respirer, de sorte que mon Saint-Pal, pour sauver ls restes de sa maison et n'être pas fusillé, car on l'a menacé, a repris son premier poste et va marcher contre les républicains" [Archives départementales, série L, liasse 208. D'après Chassin, Pacification de la Vendée, vol 3, p 83, l'administration de Mareuil aurait signalé les menées de Saint-Pal, dès le 10 décembre 1799, en ces termes : "Il s'est mis la, nuit dernière, à la tête d'un parti…"].
De son côté, le citoyen J.-B. Loyau, commissaire de Bournezeau écrivait, le 6 janvier 1800, des Moutiers-sur-le-Lay, où il s'était retiré, dans la crainte d'être massacré par la troupe de Caillaud, que la "division Saint-Pal, paisible jusqu'ici se levait dans le moment. Des rassemblements se faisaient à Saint-Florent et environs et plusieurs chevaux avaient été enlevés cette nuit dans les marais de La Couture" [Archives départementales, série L, liasse 203].
On signalait encore, dix jours plus tard, que l'armée de Saint-Pal était "considérable", celle de Rézeau de 1 500 hommes "et celle de Caillaud presqu'aussi forte, ils font marcher en masse..." Il n'en était rien heureusement, les craintes étaient prises pour des réalités et, dès le 21, "on commençait à respirer" ; le 28, on assurait "que tous les attroupements étaient dissous, les chefs avaient renvoyé tous leur soldats chacun chez eux avec leurs armes, en leur disant que la paix était faite..." Bonaparte venait effectivement de la faire signer.
D'après Mercier du Rocher, Saint-Pal, arrêté en thermidor an XI (juillet-août 1803), fut autorisé à donner caution, et eut la ville de Fontenay pour prison. Un peu besogneux, il avait probablement accepté des subsides alors distribués par les émissaires que l'Angleterre avait répandus en Vendée pour rallumer, s'il était possible, la guerre civile. [Lettre du préfet Merlet au grand juge Regnier, à la date de juillet 1808. Archives départementales, E-7, 3691-2.].
C'est tout ce que l'on sait jusqu'à présent de M. de Saignard, seigneur de Saint-Pal. Il ne fut certes pas un homme privé de conduite exemplaire, ni un commandant d'armes bien célèbre pendant la Guerre de Vendée et, si ses capacités militaires furent peu appréciées de ses contemporains qui combattaient pour la même cause que lui, ceux qui lui survécurent peuvent au moins dire, ce que malheureusement on ne peut affirmer de la plupart des chefs de son époque, qu'il fut modéré dans sa conduite et qu'on n'a dans sa vie publique, à lui reprocher ni crime proprement dit, ni violences graves autres que celles qu'entraîne fatalement l'état de guerre.
L'accusation de Mercier du Rocher, à l'occasion de l'assassinat de son beau-frère, semble tomber d'elle-même quand on étudie les différentes dates des évènements et les documents se rapportant à ce fait. S'il avait commandé l'expédition du 9 juillet contre Mareuil, et qu'il eut fait tuer Lasnonnier, républicain patriote, on ne l'aurait pas mis en liberté le 4 mai 1798, comme "n'ayant jamais repris les armes avec Charette après la pacification" [On peut encore citer deux textes importants à l'appui de cette thèse : 1° Gallet, en annonçant la prise de Mareuil à ses collègues du département, dit : "Cet infâme commandant du 110e (Louton) avait tellement pris ses précautions, de concert avec les brigands qu'il leur a livré en même temps les patriotes du pays les mieux prononcés qui faisaient incessamment, de jour et de nuit, ls patrouilles en avant du poste. Ils ont tous été égorgés dans leur lit, hier matin : au nombre des morts se trouve Lasnonnier…" Chassin, Pacification, vol 1, p 445. - 2° Canclaux dit encore dans son rapport décadaire : Louton lui-même désignait les victimes qu'il fallait égorger, ainsi que nous le marque le citoyen Ossère, chef du 2e bataillon du 110e régiment". Savary, t V, p 210-211.]. En ce temps-là, on donnait peu de notes de faveur aux royalistes ; quand elles étaient fausses c'était plutôt au détriment des gens auxquels elles étaient destinées.
G. LOQUET
(Source : Le seigneur de Saint-Pal dans sa vie privée et publique / Georges Loquet, in Annuaire de la Société d'émulation de la Vendée. - 1909, 5e série, vol. 9, p.179-210.
Loquet évoque les déboires conjugaux de Joseph Claude Léon de Saignard et de Marie-Louise-Françoise de Rorthays, son épouse, et ses piteux faits d'armes en tant que chef royaliste à la tête de la division du Tablier).
Note individuelle : Fille d'Yves François Gabriel de RORTHAIS, seigneur de Bourgneuf, et de Marie Jeanne GERVIER, dame de Linaudière.





ROSAZ Bernadette
Naissance : 8 octobre 1956 à Rome

Union : SILVESTRE Patrick ( 1954 - ? )
Mariage : 27 juin 1978 à Mont-Dauphin 05
Enfants : SILVESTRE Damien ( 1979 - 1979 )
SILVESTRE Amélien ( 1980 - ? )
SILVESTRE Catherine ( 1982 - ? )
Note individuelle : Fille de Gabriel ROSAZ et d'Elisabeth ADRIEN.





ROSE Annie
Union : PINGAULT Xavier ( 1958 - ? )
Mariage : 29 avril 1991 à Lyon 69
(Source : https://www.stlouis26.eu/images/etablissement/Descendance-de--BOREL-Claude-2.pdf).




ROSE Antoinette
Union : SOULIER Michel ( ? - ? )
Enfants : SOULIER Eric ( ? - ? )
SOULIER Laurent ( ? - ? )




ROSIER Jean
Tonnelier

Union : BADEY Blaizette ( 1745 - ? )
Mariage religieux : 25 octobre 1768 à Blanzy 71
(Source : voir fichier Geneanet de Jean-Luc Cirodde).
Note individuelle : Fils des défunts George ROSIER, manoeuvre à Sanvignes, et de Marie PERRIN (Source : voir fichier Geneanet de Jean-Luc Cirodde).



                     


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